Clause de non-concurrence illicite : sa seule existence cause nécessairement un préjudice au salarié

Publié par Sébastien CHARRIÈRE le 07/03/2011 | Lu 9226 fois | 0 réaction

La clause de non-concurrence est une clause particulièrement intéressante sur laquelle il est très facile de s'attarder sur plusieurs centaines de pages (plusieurs thèses ont traité du sujet dont notamment celle du Professeur Yves Serra qui fut le plus fervent commentateur en la matière). La chambre sociale de la Cour de cassation continue encore et toujours à pousser plus loin la réflexion sur ce sujet qui semble manifestement intarissable, comme nous le montre cet arrêt rendu le 12 janvier dernier.

Pour rappel, la clause de non-concurrence en droit du travail (à titre indicatif, il faut savoir que le contrat de travail n'est pas la seule relation contractuelle susceptible d'être concernée par cette clause, loin de là) est la clause du contrat de travail qui interdit au salarié d'exercer une activité concurrente (salariée ou non) sur un secteur géographique donné et pendant un temps fixé après la rupture du contrat de travail contre le versement d'une contrepartie pécuniaire.

Les conditions de validité de la clause de non-concurrence ont été façonnées par la chambre sociale de la Cour de cassation au fur et à mesure des affaires avec comme point de mire la date du 10 juillet 2002 qui reste aujourd'hui encore la base même de la validité de ces clauses : "qu'une clause de non-concurrence n'est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace, qu'elle tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et comporte l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives".

Il est aujourd'hui de jurisprudence constante d'affirmer que le respect par le salarié d'une obligation de non-concurrence post-contractuelle qui n'est pas valable lui cause nécessairement un préjudice qu'il revient au créancier (ancien employeur) de réparer par l'indemnisation du débiteur (l'ancien salarié) par le versement de dommages-intérêts. Il faut bien comprendre ce que cela signifie : à aucun moment on ne demande au salarié de prouver par A+B qu'il a subi un préjudice en évitant de faire concurrence à son ancien employeur, la seule existence de l'illicéité fait présumer du préjudice et du lien de causalité entre celui-ci et le respect de la clause illicite.

L'arrêt du 12 janvier 2011

La chambre sociale de la Cour de cassation a été confrontée le 12 janvier dernier au cas d'un salarié qui réclamait des dommages-intérêts pour une clause de non-concurrence illicite au motif qu'elle lui causait nécessairement un préjudice.

Toute la difficulté de l'affaire résidait dans le fait que pour une toute autre cause, le contrat de travail a fait l'objet d'une résiliation et que c'est à l'occasion de cette résiliation que la demande de dommages-intérêts pour clause de non-concurrence illicite a été faite. Autrement dit, les prétentions du salarié portant sur la clause de non-concurrence ont été présentées à un moment où le salarié n'a pas seulement un instant respecté une clause de non-concurrence qui venait sur le moment de prendre effet.

Les juges de la Cour d'appel ont d'ailleurs estimé à cet égard que "cette annulation, qui était concomitante de la résiliation du contrat de travail, n'avait causé aucun préjudice réel et certain au salarié qui n'avait pas eu à la respecter, disposant de toute liberté pour occuper le même emploi chez un autre employeur".

La Cour de cassation n'est pas d'accord avec cette analyse et rappelle "que la stipulation dans le contrat de travail d'une clause de non-concurrence nulle cause nécessairement un préjudice au salarié". Ainsi, le préjudice causé nécessairement au salarié est complètement déconnecté de la question de son respect ce qui est pleinement logique au regard de la jurisprudence sociale. En outre, il ne faut pas oublier que le salarié lié par une clause de non-concurrence en a la connaissance pendant la durée de son contrat de travail, ce qui, par définition, sans avoir encore terminé son contrat, lui interdit même d'envisager de postuler pour des entreprises concurrentes ce qui lui cause nécessairement un préjudice face à une clause illicite.

Cass. soc. 12 janvier 201, n°08-45280 , publié au bulletin