Cabinet : Maître HADDAD Sabine
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Com,5 fevrier 2013 et le cautionnement identique des epoux
Vie familiale
| Lu 8719 fois | 1 réactionLa Chambre Commerciale de la Cour de cassation a rendu le 5 février 2013, pourvoi N°11-18644 sur l'appréciation des engagements des époux en tant que cautions solidaires sur la même dette en termes identiques.
Elel considère qu'a défaut d’application de l’article 1415 du Code civil, ces engagements s’apprécient tant au regard de leurs biens et revenus propres que de ceux de la communauté.
L’appréciation du caractère disproportionné du cautionnement repose ainsi sur l’ensemble de ces biens.
I- Analyse de Com, 5 février 2013, pourvoi N°11-18644
L'article 1415 du code civil dispose.
"Chacun des époux ne peut engager que ses biens propres et ses revenus, par un cautionnement ou un emprunt, à moins que ceux-ci n'aient été contractés avec le consentement exprès de l'autre conjoint qui, dans ce cas, n'engage pas ses biens propres."
En l'éspèce des époux se sont portés caution solidaire de façon identique envers une caisse régionale de crédit chacun à hauteur de 195 000 euros, sur le prêt d'une société de 390 000 euros consenti en vue de l'acquisition du capital social d’une seconde société.
Suite à la liquidation judiciaire de la société, la caisse, après avoir produit sa créance, a assignés les époux en paiement.
Pour pallier à toute saisie des biens communs, l’un des conjoints a fait état des dispositions de l’article 1415 du code civil, qui envisage le fait que chaque époux ne peut engager que ses biens propres et ses revenus par un cautionnement, à moins que ceux-ci n'aient été contractés avec le consentement exprès de l'autre conjoint.
Selon cet époux, son engagement est intervenu sans le consentement de l’autre.
En outre, les époux considèrent avoir fait l’objet d’une appréciation disproportionnée de leurs engagements.
Déboutés par les juges du fond, les époux ont introduit un pourvoi en cassation.
REJET DE LA COUR DE CASSATION
La cour écarte les dispositions de l'article 1415 du code civil au motif que les époux en tant que cautions solidaires, s’étaient engagés en termes identiques sur le même acte de prêt et pour la garantie de la même dette.
S’agissant du caractère disproportionné du cautionnement au regard de l’article L. 341-4 du code de la consommation, la Cour de cassation suit les juges du fond qui relèvent une appréciation proportionnée de l’engagement au regard des revenus du couple.
II- Présentation de Com,5 février 2013, pourvoi N°11-18644
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué
(Rennes, 15 mars 2011) et les productions, que, dans un acte du 29
novembre 2004, M. et Mme X... se sont rendus caution solidaire envers la
caisse régionale de crédit agricole mutuel d'Ille-et-Vilaine (la
caisse), chacun à concurrence de 195 000 euros, du prêt de 390 000
euros, consenti à la société Ora, aux fins d'acquérir le capital social
de la société Ouest roues ; que la société ayant été mise en
redressement puis liquidation judiciaires les 10 mai et 25 octobre 2006,
la caisse, après avoir déclaré sa créance, a, le 31 mai 2006, assigné
en paiement les cautions, qui ont recherché sa responsabilité ;
Sur le troisième moyen, qui est préalable :
Attendu
que M. et Mme X... font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leur demande
tendant à voir dire que leurs engagements ne pouvaient être poursuivis
sur leurs biens communs, alors, selon le moyen, que, selon l'article
1415 du code civil, chacun des époux ne peut engager que ses biens
propres et ses revenus par un cautionnement ou un emprunt, à moins que
ceux-ci n'aient été contractés avec le consentement exprès de l'autre
conjoint ; que si la preuve du consentement exigé peut ressortir des
circonstances de la cause, elle ne résulte pas du seul fait que les
époux ont cautionné la même dette ; que, pour rejeter la demande des
cautions tendant à voir dire que la caisse ne pourrait poursuivre
l'exécution des engagements sur leurs biens communs, l'arrêt retient que
les cautions se sont engagées en termes identiques sur le même acte de
prêt pour la garantie de la même dette ; qu'en statuant de la sorte, la
cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Mais
attendu qu'il résulte, d'un côté, des conclusions de M. et Mme X...
devant la cour d'appel que, le 29 novembre 2004, ont été signés les
actes de financement ainsi que les engagements de caution et de l'autre,
que ces derniers se sont engagés en termes identiques sur le même acte
de prêt en qualité de caution pour la garantie de la même dette ;
qu'ayant ainsi fait ressortir qu'ils s'étaient engagés simultanément, la
cour d'appel en a exactement déduit que l'article 1415 du code civil
n'avait pas vocation à s'appliquer ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le premier moyen :
Attendu
que M. et Mme X... font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leur demande
tendant à voir constater le caractère disproportionné de leurs
engagements et de les avoir condamnés, chacun, à lui payer une certaine
somme, alors, selon le moyen :
1°/
que, selon l'article L. 341-4 du code de la consommation, un créancier
professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu
par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa
conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus et que,
en cas de pluralité de cautions, la disproportion s'apprécie au regard
de l'engagement et du patrimoine de chacune d'elles ; que, pour débouter
les époux X... de leur demande tendant à voir déclarer inopposable
l'engagement de caution qu'ils avaient souscrit envers la caisse,
l'arrêt retient qu'ils s'étaient engagés globalement à concurrence de
780 000 euros et qu'ils disposaient d'un patrimoine composé d'une maison
acquise en novembre 2004 pour 420 000 euros, grevée d'un prêt de 150
000 euros, de plans d'épargne et de comptes-titres de 133 742 euros et
19 042 euros et de parts dans une société Lamaya dans laquelle avait été
injectée la somme de 253 000 euros, M. X... étant par ailleurs
nu-propriétaire d'un appartement à Saint-Malo, évalué à 57 320 euros en
1996 ; qu'en statuant ainsi, sans examiner la situation respective de
chaque époux au regard du patrimoine et des revenus qu'il était
susceptible d'engager, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
2°/
que, selon l'article L. 341-4 du code de la consommation, un créancier
professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu
par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa
conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus ; qu'en
statuant comme elle l'a fait, alors qu'il ressort de ses constatations
que M. et Mme X..., engagés à concurrence de 780 000 euros, ne
disposaient que d'un patrimoine de l'ordre de 570 000 euros, hors les
parts sociales de la société Lamaya non évaluées par elle, la cour
d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et,
partant, a violé le texte susvisé ;
3°/
qu'en se déterminant comme elle l'a fait, au vu des constatations déjà
citées, sans préciser quelle valeur elle attribuait aux parts de la
société Lamaya ni la valeur globale du patrimoine qu'elle retenait pour
conclure au caractère non disproportionné des engagements de M. et Mme
X... dont elle constatait qu'ils avaient été souscrits à concurrence de
780 000 euros, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au
regard de l'article L. 341-4 du code de la consommation ;
Mais
attendu que lorsque les dispositions de l'article 1415 du code civil
sont écartées, les engagements des cautions s'apprécient tant au regard
de leurs biens et revenus propres que de ceux de la communauté ;
qu'ayant constaté que les charges globales de M. et Mme X... s'élevaient
à la somme de 780 000 euros, qu'ils disposaient d'un patrimoine composé
d'une maison acquise en novembre 2004 pour 420 000 euros, grevée d'un
prêt de 150 000 euros, de plans d'épargne, de comptes-titres de 133 742
euros et 19 042 euros et de parts dans une société Lamaya dans laquelle
avait été injectée la somme de 253 000 euros, faisant ressortir qu'ils
étaient également créanciers de cette dernière somme et que M. X...
était par ailleurs nu-propriétaire d'un appartement à Saint-Malo, évalué
à 57 320 euros en 1996, c'est souverainement que la cour d'appel a
écarté le caractère manifestement disproportionné de leur engagement au
regard de l'ensemble de leur patrimoine ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et, sur le deuxième moyen :
Attendu
que Mme X... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande tendant à
voir constater la responsabilité de la caisse lors de la souscription de
son engagement, de l'avoir condamnée à lui payer une certaine somme et
d'avoir rejeté sa demande d'indemnisation des pertes financières, alors,
selon le moyen :
1°/ que, selon
l'article 1147 du code civil, la caisse est tenue à l'égard de la
caution non avertie d'une obligation de mise en garde sur le risque
d'endettement résultant des prêts cautionnés au regard des capacités
financières de l'emprunteur ; que, pour écarter l'obligation de mise en
garde et la responsabilité de la caisse, qui avait obtenu de Mme X...
qu'elle cautionne l'obligation souscrite par la société Ora de
rembourser un prêt finançant le rachat de la société Ouest roues,
l'arrêt retient que, malgré le caractère non averti de la caution, le
rapport d'audit présenté à la caisse concluait à une saine trésorerie de
la société rachetée au vu d'un projet de cession de parts de SCI,
laquelle devait permettre un résultat exceptionnel de 500 000 euros et
une remontée conséquente de dividendes vers la société et, par ailleurs,
que la défaillance de l'emprunteur est due à la non-réalisation de
cette cession ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses
constatations que la viabilité de l'opération reposait quasi
intégralement sur un projet de cession destiné à renflouer la trésorerie
de manière exceptionnelle et que l'absence de réalisation de la cession
projetée constituait, dès la conclusion du cautionnement, un risque
pesant sur les capacités de remboursement de l'emprunteur, risque qui
s'était précisément réalisé et avait causé sa défaillance, la cour
d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres
constatations, et a, partant, violé le texte susvisé ;
2°/
qu'en statuant ainsi, sans rechercher si le devoir de mettre en garde
la caution non avertie ne résultait pas précisément du fait que dès
l'origine il était admis que la viabilité de l'opération reposait quasi
intégralement sur un projet de cession de parts d'une SCI détenues par
la société Ouest roues que rachetait la société et qui était destinée à
alimenter sa trésorerie de manière exceptionnelle, risque dont elle
constatait qu'il s'était d'ailleurs ensuite réalisé puisque la
non-réalisation de la cession de parts était la cause principale de la
défaillance de l'emprunteur, la cour d'appel a privé sa décision de base
légale au regard du texte susvisé ;
Mais
attendu qu'ayant constaté, par motifs propres, que rien dans les pièces
versées aux débats -le rapport établi par le cabinet Scacchi affirmant
sans démontrer l'existence d'une trésorerie très tendue- ne révélait que
la caisse aurait dû se rendre compte des prévisions irréalistes de
trésorerie de la société Ouest roues, considérée saine par la Banque de
France et par la société Sofaris, qui indiquait que l'exploitation avait
toujours été bénéficiaire, et relevé, par motifs adoptés, que les
difficultés financières de la société Ora étaient imputables à des
éléments intervenus postérieurement à l'octroi des concours litigieux,
sans implication de la caisse, puis retenu qu'à l'époque à laquelle les
concours ont été consentis, aucun risque sérieux d'endettement de la
société Ora résultant de ces concours n'était perceptible par la caisse,
de sorte qu'elle n'était pas tenue à l'égard de Mme X... d'un devoir de
mise en garde, la cour d'appel, qui n'avait pas à effectuer une
recherche qui ne lui était pas demandée, a légalement justifié sa
décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande.
Demeurant à votre entière disposition pour toutes précisions en cliquant sur http://www.conseil-juridique.net/sabine-haddad/avocat-1372.htm
Sabine HADDAD
Avocat au barreau de Paris