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Contre-visite médicale demandée par l'employeur: quelle incidence sur les indemnités ?
La possibilité de procéder à une contre-visite médicale patronale est offerte à l'employeur sous réserve de respecter certaines conditions, la mise en oeuvre et surtout les conséquences de cette contre-visite médicale patronale soulevant quelques difficultés juridiques et pratiques. Ces contre-visites n'ont en général qu'un effet sur les paiements des indemnités complémentaires par l'employeur. Mais le rapport du médecin à la CPAM peut mener cette dernière à supprimer les indemnités journalières
Contrôle médical par l'employeur et licéité de la contre-visite médicale
Se plaçant sur le terrain de la liberté des conventions, la Cour de cassation avait admis la licéité de la contre-visite opérée par un médecin choisi par l'employeur. La pratique avait été légalisée par la loi no 78-49 du 19 janvier 1978 sur la mensualisation mais le décret qui devait être pris en application de ce texte n'était jamais intervenu. Malgré cela, sa licéité n'a jamais été remise en cause mais la jurisprudence s'est attachée à en encadrer juridiquement la pratique.
La loi de financement de la Sécurité sociale pour 2010 (L. no 2009-1646, 24 déc. 2009, JO 27 déc.) pérennise le dispositif de suspension des indemnités journalières qui avait été mis en expérimentation par la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2008 (L. no 2007-1786, 19 déc. 2007, JO 21 déc.) dans le cas où le contrôle patronal aura constaté l'absence de justification de l'arrêt de travail ou l'impossibilité de procéder au contrôle.
Faculté de l'employeur de faire procéder à une contre-visite
Cette faculté est ouverte lorsque l'employeur est tenu, en application d'un texte conventionnel et en particulier en application de l'accord national interprofessionnel du 10 décembre 1977, d'assurer une indemnisation complémentaire de la maladie (Cass. soc., 22 nov. 1984, no 82-43.370 ; Cass. soc., 31 janv. 1995, no 91-42.972 ; Cass. soc., 14 juin 1995, no 91-44.831 ; la possibilité de la contre-visite patronale est prévue à l'article L. 1226-1 du Code du travail). L'objet du contrôle porte sur la réalité de la maladie et sur la présence du salarié à son domicile. Il ne saurait être confondu avec les contrôles diligentés par la caisse de sécurité sociale.
Modalités de la contre-visite
L'employeur a le choix du médecin-contrôleur sans que le salarié puisse exiger la présence de son médecin traitant, le décret d'application qui aurait dû organiser le caractère contradictoire du contrôle n'ayant pas paru (Cass. soc., 22 juill. 1986, no 84-41.588). En pratique, il s'adressera à des organismes spécialisés. Ce contrôle ne peut en aucun cas être opéré par le médecin du travail, qu'il s'agisse d'un médecin du travail propre à l'entreprise dans le cas d'un service autonome ou du médecin d'un service médical inter-entreprises. Il ne peut non plus être opéré par un non-médecin. Tenu au secret médical, le médecin-contrôleur n'a pas à fournir à l'employeur d'informations sur l'état de santé du salarié.
L'employeur et le médecin sollicité ont toute latitude pour choisir les date et heure de la contre-visite sans avoir à prévenir le salarié par avance (Cass. soc., 5 oct. 1983, no 81-40.204, Bull. civ. V, no 475). En revanche, cette dernière ne peut avoir lieu pendant les heures de sortie autorisées par la Sécurité sociale (Cass. soc., 30 mai 2007, no 06-42.396).
La contre-visite s'effectue au domicile du salarié. La Cour de cassation en tire comme conséquence que l'employeur peut, sans commettre d'atteinte à la vie privée du salarié, communiquer au médecin-contrôleur l'adresse personnelle du salarié (Cass. soc., 2 juin 1981, no 80-10.935, Bull. civ. V, no 480). Si d'aventure, le salarié a été autorisé à changer de résidence pendant le temps de l'arrêt de travail, il ne peut refuser de communiquer à l'employeur l'adresse à laquelle il pourra être rencontré. Son refus constituerait une faute justifiant l'employeur à cesser le versement de l'indemnisation complémentaire. Il appartient au médecin-contrôleur procédant à la contre-visite de décliner ses titre et identité ainsi que l'objet de sa visite. S'il ne le fait pas, le salarié est parfaitement fondé à refuser la contre-visite sans s'exposer à perdre le bénéfice de l'indemnisation complémentaire.
Le fait que la convention collective, qui sert de fondement juridique à l'indemnisation complémentaire, ait un champ d'application limité géographiquement et que la maladie survienne hors de ce champ géographique n'exclut nullement que l'employeur puisse faire procéder au contrôle. Ainsi, lorsque le texte conventionnel n'exclut pas l'indemnisation complémentaire des maladies survenues à l'étranger, le fait qu'un salarié tombe malade à l'étranger pendant ses congés payés ne permet pas à l'employeur de se dispenser d'exécuter ses obligations sous le prétexte que le contrôle médical serait difficile, dès lors qu'il n'établit pas que le salarié se serait volontairement soustrait au contrôle et que celui-ci aurait été impossible (Cass. soc., 5 juill. 1995, no 92-40.235, Bull. civ. V, no 235).
Il semble néanmoins que la chambre sociale de la Cour de cassation (tout en admettant la validité de principe de la contre-visite médicale patronale) se montre vigilante sur les conditions d'exercice de ce droit par l'employeur ainsi qu'en atteste un arrêt rendu le 4 février 2009 (Cass. soc., 4 févr. 2009, no 07-43.430). En l'espèce, pour rejeter la demande d'une salariée tendant à obtenir la condamnation de l'employeur à lui verser une somme au titre de retenues sur salaire injustifiées, l'arrêt attaqué retenait qu'elle ne justifiait pas d'une dérogation aux horaires de sortie accordés par le contrôle médical de la CPAM et qu'elle devait perdre en conséquence le bénéfice des indemnités complémentaires versées par l'employeur en cas d'absence non justifiée de son domicile lors de la contre-visite. Cette motivation est censurée par la chambre sociale de la Cour de cassation qui estime qu'en « statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la salariée avait été placée en arrêt maladie selon un certificat médical portant la mention « sortie libre » et sans rechercher si l'employeur avait été informé des horaires et adresse où les contre-visites pouvaient s'effectuer, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ». Dans un arrêt antérieur, la chambre sociale avait estimé que l'employeur ne pouvait cesser le versement des indemnités complémentaires lorsqu'il avait été informé que la caisse avait accepté des sorties libres (Cass. soc., 30 mai 2007, précité).
Désormais, il semble que le salarié ait à informer son employeur des heures et lieux où les contre-visites pourront être réalisées. A défaut de cette information, l'employeur pourrait s'en tenir aux règles du Code de la sécurité sociale relatives aux sorties autorisées.
Dans cette nouvelle configuration, le juge du fond est invité à rechercher si l'employeur avait été ou non informé. La contre-visite médicale réalisée à l'initiative de l'employeur par un médecin de son choix constitue donc une première limite à l'interdiction d'immixtion dans la vie du salarié malade. La seconde limite résulte de la persistance, sous certaines conditions, de l'obligation de loyauté à la charge du salarié pendant l'arrêt de travail.
Effets de la contre-visite
En principe, l'absence du salarié de son domicile en dehors des heures de sortie autorisées par la Sécurité sociale peut entraîner la perte de son droit à l'indemnisation complémentaire sauf si le salarié peut justifier d'un motif valable d'absence de son domicile. Par dérogation, pour les patients dont l'état de santé le nécessite (par exemple, dépression, cancer…) et avec indication des éléments médicaux justificatifs sur l'avis d'arrêt de travail, les sorties libres peuvent être autorisées par le médecin (CSS, art. R. 323-11-1 ; D. no 2007-1348, 12 sept. 2007, JO 14 sept.). Dans ce cas, les indemnités complémentaires ne peuvent être supprimées au motif de l'absence de la salariée de son domicile sans justification à condition que l'employeur ait bien été informé des horaires et adresse où les contre-visites peuvent s'effectuer (Cass. soc., 4 févr. 2009, no 07-43.430 P). En cas de « sorties libres », l'employeur conserve donc le droit d'organiser une contre-visite et le salarié à l'obligation de l'informer des horaires et adresse où la contre-visite peut avoir lieu.
Le médecin-contrôleur vérifie, outre la présence du salarié au domicile aux heures de sortie non autorisées :
l'opportunité de l'arrêt de travail(Cass. soc., 26 oct. 1982, no 80-40.875, Bull. civ. V, no 579) ;
la durée de l'arrêt de travail(Cass. soc., 17 avr. 1980, no 78-41.878, Bull. civ. V, no 313).
Si le médecin-contrôleur estime que le salarié est en état de reprendre le travail, l'employeur sera fondé à supprimer le versement de l'indemnisation complémentaire dès lors que le salarié refuse de reprendre le travail.Ce dernier garde cependant la possibilité d'obtenir en justice la nomination d'un médecin-expert dont l'avis prévaudra sur celui du médecin-contrôleur (Cass. soc., 28 févr. 1996, no 92-42.021, Bull. civ. V, no 73).
Lorsque le salarié refuse le contrôle ou lorsqu'il est absent de son domicile, l'employeur est fondé à cesser le versement de la garantie de salaire à compter et seulement à compter de la date de la visite (Cass. soc., 3 mai 1979, no 77-41.312). Par ailleurs, l'avis du médecin-contrôleur n'est valable qu'à la date où il est émis et ne peut pas disposer pour l'avenir. Il en résulte que si, à l'issue d'une première contre-visite demeurée sans effet en raison de l'absence du salarié ou ayant conduit le médecin-contrôleur à constater l'inopportunité de l'arrêt de travail ou de sa continuation, le médecin traitant prolonge l'arrêt de travail, le salarié est totalement rétabli dans ses droits. L'employeur ne peut alors que faire procéder à une nouvelle contre-visite.
L'employeur ne peut se prévaloir de l'absence du salarié ou de son refus de la contre-visite qu'à la condition de pouvoir en établir la réalité en cas de contentieux.
En aucun cas, le refus du salarié ou son absence lors de la contre-visite, pas plus que l'absence lors d'un contrôle opéré par la Sécurité sociale, ne peuvent constituer en soi une cause légitime de licenciement (Cass. soc., 10 nov. 1998, no 96-42.969, Bull. civ. V, no 486, JSL, no 27-13). Leur seul effet concerne en général la dispense du versement de l'indemnisation complémentaire par l'employeur.
Mais par ailleurs, le médecin-contrôleur qui conclut à l'absence de justification de l'arrêt de travail doit transmettre ses conclusions motivées au contrôle médical de la caisse primaire d'assurance maladie qui apprécie alors, de son côté, l'opportunité de suspendre ou non les indemnités journalières. Cette obligation du médecin-contrôleur de l'employeur résulte de la mise en œuvre de l'article 42 de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2004 sur le contrôle des indemnités journalières (Circ. CNAMTS no 2004-111, 21 sept. 2004).
La loi no 2009-1646 du 24 décembre 2009 de financement de la Sécurité sociale pour 2010 modifie l'article L. 315-1 du Code de la sécurité sociale. Lorsqu'à la suite d'un contrôle réalisé à l'initiative de l'employeur par un médecin qu'il a choisi conduit ce médecin à constater l'absence de justification de l'arrêt de travail ou l'impossibilité de procéder au contrôle (absence du salarié au lieu où sa présence était requise ou refus de laisser le contrôle s'opérer), il lui appartient d'adresser son rapport dans les 48 heures au service médical de la caisse ; sur la base dudit rapport, le service peut soit réexaminer la situation du salarié, soit demander à la caisse la suspension du versement des indemnités journalières. Par ailleurs, la suspension du versement des indemnités de sécurité sociale ne peut pas être opérée immédiatement si le médecin-contrôleur a conclu à l'absence de justification. En ce cas, l'assuré est en droit de demander un nouvel examen dans des conditions à fixer par décret. Enfin, en cas de prescription d'un nouvel arrêt de travail au bénéfice d'un salarié dont les indemnités journalières ont été suspendues, la reprise du versement suppose un avis favorable du contrôle médical de la caisse de sécurité sociale (CSS, art. L. 315-1, II et CSS, art. L. 323-7).
C’est la CPAM qui notifie au salarié normalement la date de reprise imposée par le médecin-conseil. C’est d’ailleurs cette notification qui précisera les voies de recours. Une copie de la notification est transmise aussi à l’employeur.
Contestation des constatations médicales
Le salarié qui entend contester les conclusions du médecin-contrôleur est fondé à solliciter par voie judiciaire une expertise médicale dont les conclusions s'imposent à l'employeur. Le juge des référés est compétent pour décider d'une telle expertise.
Dans le cas particulier de la remise en cause par le médecin-contrôleur de la durée de l'arrêt de travail, la situation est souvent plus délicate. Le salarié a en effet bénéficié d'un arrêt de travail donné par le médecin traitant et la caisse compétente ne l'a pas remis en cause. Si le médecin-contrôleur estime que la poursuite de l'arrêt de travail ne se justifie pas, l'employeur est normalement fondé à suspendre le versement de la garantie de salaire mais il ne peut infliger au salarié une sanction disciplinaire ni a fortiori procéder au licenciement pour cette raison. Mais le salarié peut, par ailleurs, solliciter une contre-expertise soit de façon amiable, soit en saisissant le conseil de prud'hommes statuant en référé. Les conclusions de l'expert judiciairement nommé prévalent sur l'avis du médecin-contrôleur (Cass. soc., 28 févr. 1996, no 92-42.021, Bull. civ. V, no 73). Il en résulte que l'employeur doit non seulement reprendre le versement de l'indemnisation complémentaire mais verser le rappel des sommes indûment retenues.
Il y a t-il un recours ? Comment puis-je prouver ma bonne foi ?
Merci pour vos réponses