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Le droit des affaires OHADA doit être revisé sur bien des points
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De la suspension des poursuites individuelles dans la procedure de reglement preventif de l'ohada : le sort de la caution (notes à propos de l'ordonnance n° 135/08 du 06 mars 2008 portant suspens
DE LA SUSPENSION DES POURSUITES INDIVIDUELLES DANS LA PROCEDURE DE REGLEMENT PREVENTIF DE L'OHADA : le sort de la caution
Le règlement préventif, tel qu’il est prévu à l’article 2 de l’Acte Uniforme de l’OHADA, relatif aux Procédures Collectives, est une procédure destinée à éviter la cessation des paiements ou la cessation d’activité d’une entreprise et à permettre l’apurement de son passif au moyen d’un concordat préventif.
Cette procédure qui a été largement influencée par le droit français des entreprises en difficulté pourrait être rapprochée de la procédure de sauvegarde du droit français issue de la dernière réforme de 2005, en ce qu’elles tendent aux mêmes fins.
Le législateur de l’OHADA a, donc dans cette perspective, donné au Président de la juridiction concernée, un pouvoir lui permettant d’éviter la cessation des paiements du débiteur et de favoriser l’apurement de son passif.
Ce pouvoir consiste en la possibilité pour le Président de la juridiction concernée, d’ordonner la suspension des poursuites individuelles dès l’ouverture du règlement préventif tel qu’il ressort de l’article 8 de l’Acte Uniforme précité.
Une telle décision s’accompagne nécessairement de conséquences directes sur la situation de l’entreprise qui a demandé le bénéfice de la procédure (le débiteur principal), des créanciers et des cautions.
Sur la situation de l’entreprise en difficulté et des créanciers, cette décision suspend durant toute la procédure, l’ensemble des poursuites individuelles tendant à obtenir le paiement des créances spécifiquement désignées par le débiteur principal et nées antérieurement à la décision prononçant cette suspension.
Si la situation du débiteur principal et des créanciers ne semble pas poser de difficultés, demeure le sort de la caution.
La caution peut-elle, en sa qualité, bénéficier des effets de la suspension des poursuites individuelles ordonnée en faveur du débiteur ?
Au regard des dispositions de l’article 5 de l’Acte Uniforme précité, il est dit que seul le débiteur principal peut solliciter de la juridiction compétente, l’ouverture à son profit d’un règlement préventif.
Il en découle que la suspension des poursuites ordonnée, ne bénéficie qu’au débiteur principal, la caution ne pouvant nullement s’en prévaloir.
Par conséquent, rien n’empêche que la caution soit immédiatement poursuivie pour l’ensemble de la créance, nonobstant la suspension des poursuites individuelles.
Curieusement, une ordonnance portant suspension des poursuites individuelles rendue en date du 6 mars 2008 par le Président du Tribunal de Commerce de Bamako indique que : la « suspension concerne aussi bien les voies d’exécution, les mesures conservatoires que l’exécution, la mise en œuvre et la réalisation de toutes les garanties consenties au profit … (du débiteur principal) »
Dans une telle situation, dès avant la formation du concordat préventif, aucune garantie apportée par la caution ne peut être réalisée pour assurer le remboursement des crédits octroyés au débiteur principal.
En l’espèce, une banque avait octroyé des crédits à une société pour lui permettre de faire face à ses activités. L’ensemble de ces crédits avait été garantie par l’un des dirigeants de la société qui s’était porté caution et avait donné en hypothèque plusieurs de ses biens immobiliers.
Traversant une situation financière difficile et craignant une cessation des paiements, cette société a demandé au Président du Tribunal de Commerce de Bamako, le bénéfice d’une suspension des poursuites individuelles devant permettre la mise en place d’un concordat préventif.
Le Président de la juridiction concerné a fait droit à cette demande.
Cependant, il a étendu par la même occasion sa décision suspendant les poursuites individuelles à l’exécution, la mise en œuvre et la réalisation de toutes les garanties consenties au profit de la société en difficulté.
En décidant ainsi, le Président de la juridiction concernée protège la caution en lui permettant de bénéficier (hors tout support juridique) de l’ordonnance de suspension des poursuites individuelles.
Il nous semble important de rappeler que, s’il est impératif d’éviter la cessation des paiements du débiteur principal et de permettre l’apurement de son passif, toutes décisions qui viendraient à remettre en cause le fondement des garanties et la protection qu’offre les sûretés, ne pourraient être que source d’insécurité juridique dans un contexte africain déjà largement décrié par les investisseurs et les opérateurs économiques.
Le Président de la juridiction concernée a cru pouvoir, au nom de la sauvegarde et du renflouement de l’entreprise en difficulté, faire échapper la caution de ses obligations, mais c’était sans compter avec la procédure de l’appel nullité.
En effet, même si d’après les dispositions de l’article 22 de l’Acte Uniforme précité, la décision de suspension des poursuites individuelles, prise par le Président du Tribunal de Commerce de Bamako n’est susceptible d’aucune voie de recours, une jurisprudence française constante et bien établie permet de faire un appel nullité pour suppléer le caractère limitatif des voies de recours prévues par la loi[1].
En interdisant ainsi l’exécution, la mise en œuvre et la réalisation de toutes les garanties consenties au profit du débiteur principal, le Président du Tribunal de Commerce de Bamako a largement outrepassé ses attributions telles qu’elles ressortent des articles 5, 6, 7, 8 et 9 de l’Acte Uniforme de l’OHADA, relatif aux Procédures Collectives.
Les dispositions de l’article 22 n’excluraient donc pas le jeu de l’appel nullité selon le droit processuel en cas d’excès de pouvoir du Président de la juridiction compétente.
D’ailleurs, il y a lieu de préciser que les dispositions de l’alinéa 3 de l’article 18 de l’Acte Uniforme précité excluent expressément la caution du débiteur, du bénéfice du concordat préventif en ces termes, « les cautions et coobligés du débiteur ne peuvent se prévaloir des délais et remises du concordat préventif ».
Le législateur de l’OHADA n’a jamais voulu faire bénéficier à la caution les mesures destinées au renflouement du débiteur principal.
Il faut alors comprendre que dans l’hypothèse d’une procédure d’exécution forcée, la caution n’a pas la possibilité d’évoquer les avantages consentis au débiteur principal par les créanciers dans le cadre du concordat préventif.
La suspension des poursuites individuelles dans le règlement préventif de l’OHADA devrait donc être sans effet sur la situation de la caution personnelle du débiteur principal, sauf à ce que, comme en l’espèce, le Président de la juridiction compétente étende la décision de suspension des poursuites à la réalisation de toutes les garanties consenties au profit du débiteur principal.
Banquiers et autres organismes prêteurs, prenez garde lors de l’octroi de crédit aux entreprises, car désormais, il vous sera impossible de réaliser votre garantie en cas de règlement préventif même avec une caution personnelle du dirigeant social.
En revanche, un appel nullité serait toujours envisageable.
Dans de telles conditions, on est néanmoins en droit de se poser la question de savoir si les sûretés protègent encore les intérêts des créanciers.
[1]Vr Cass. Com 12 mai 1992 ; Dalloz 1992, Jur. P 345 note G. BOLARD / Cass. Com, 2 mai 2001 ; Bull n° 83, N° 98-11-329 / Cass. Com, 27 mai 2003, n° 891 FS-P
Vr aussi P. CAGNOLI, « Essai d’analyse processuelle du droit des entreprises en difficulté » ; LGDJ 2002, n° 501 et suivants.