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Journée de solidarité: la cftc couvre les salariés par un mot d'ordre de grève
Emploi et vie professionnelle
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Au lendemain de la canicule meurtrière de l'été 2003, le gouvernement a décidé dans la panique et l'émotion d'ouvrir les débats sur la dépendance. La loi de décembre 2004 (n° 2004-1370) oblige les salariés à travailler sans être payés et permet à l'État de ponctionner 0,3 % de la masse salariale pour une caisse dite de « solidarité ». Elle impose aux salariés un jour travaillé dit de solidarité non payé dans l'année. Suite à la saisine du Conseil d'État par la CFTC et le collectif les Amis du Lundi, le caractère férié du lundi de Pentecôte a été réaffirmé et une précision a été ajoutée par le législateur : le lundi de Pentecôte serait par défaut cette journée non rémunérée. Le fractionnement de cette journée a ensuite été autorisé. Aujourd'hui, ce dispositif est maintenu : les salariés peuvent ne pas travailler le lundi de Pentecôte et prendre un jour de RTT ou effectuer 7 h supplémentaires dans l'année, non rémunérées au titre de la journée de solidarité.
Si la CFTC a toujours plaidé pour la mise en place de mesures pour répondre à la problématique du financement de la dépendance, elle estime que la journée dite de « solidarité » ne répond en rien aux problèmes du vieillissement de la population et de l'intégration des personnes handicapées.
Les positions de la CFTC
Une mesure inacceptable, injuste et discriminatoire
Tout travail mérite salaire. Déroger à ce principe revient à dévaloriser la notion même de travail. Obliger les salariés à travailler gratuitement, cela ne s'était plus vu sur notre continent depuis la journée du parti en URSS. Étrange modèle.
Le principe de l'égalité devant l'impôt est totalement bafoué. La taxe sur un travail forcé présenté comme le moyen de financer le cinquième risque de la Sécurité sociale, fait peser ce nouvel impôt de manière quasi exclusive sur les salariés.
Pour quelles raisons un cardiologue, un rentier gagnant du loto ou un gros céréalier ne participe pas au financement de la dépendance, alors qu'une caissière de grande surface, disposant d'un faible revenu, se voit ponctionner d'une journée de travail ?
Quelle cohérence y a-t-il à demander à un salarié de la SNCF d'effectuer 2 minutes 52 secondes de travail supplémentaire par jour au titre de la journée de solidarité, et d'envisager parallèlement une journée de travail gratuite des salariés de l'AREP, filiale 100% de la cette même entreprise ?
La cohésion sociale mise à mal
Le lundi de Pentecôte, comme l'ensemble des jours fériés, appartient à tous les Français, et est utile à de nombreuses manifestations familiales, sportives, touristiques, culturelles ou religieuses.
- Sur le plan sportif, cette mesure touche de plein fouet les bénévoles des clubs amateurs de rugby, football, cyclisme, etc., qui depuis des générations, organisaient des tournois ou compétitions, permettant ainsi le brassage de la population française dans toute sa diversité.
- Sur le plan festif et culturel, la journée de solidarité affaiblit les fêtes de traditions (Moissac ; la Ferté Allais ; les Ducasses du Nord ; le festival des trains à vapeur de la Haute Somme ; les férias comme à NIMES ou ALES), mais aussi les festivals de théâtre, de musique (Tours ; Vivonne )
- Sur le plan religieux, les trois jours de la Pentecôte sont l'occasion de nombreux pèlerinages et rassemblements.
À une époque où les occasions de combler la distance entre les personnes et les générations sont trop rares, le dictat Pentecôte travaillé participe à déliter le lien social.
Pour la CFTC, la suppression de ce repère commun cause un préjudice considérable à la cohésion sociale, en s'attaquant notamment à un temps fort de la vie familiale. Le préjudice est double : en plus de travailler une journée supplémentaire sans rémunération, certains salariés devront payer au tarif fort la garde de leurs enfants.
Une mauvaise réponse face à une vraie problématique
Face au vieillissement de la population et à l'augmentation du nombre de personnes dépendantes, de nouvelles ressources doivent être trouvées.
S'il est légitime de demander à chacun un effort financier pour assurer la prise en charge des personnes dépendantes, cet effort doit être équitablement réparti, en fonction des facultés contributives des personnes et non pas reposer quasi exclusivement sur les seuls salariés.
Quant à l'idée d'une seconde journée de travail forcé, évoquée par les groupes de travail planchant sur le financement de la dépendance, la CFTC s'y oppose formellement.
Les témoignages
Roberte Gaëlle Baron, auxiliaire de vie sociale à l'UNA-ASSAD (aide à domicile) et déléguée syndicale, secrétaire CE et conseillère prud'homale à Caen
- Quel système est mis en place dans votre entreprise pour cette journée de solidarité ? Vous convient-il ? Pourquoi ?
Notre système nous oblige à travailler le lundi de Pentecôte. Cela fait trois ans, dans le cadre de ma fonction de Secrétaire du CE à l'UNA-ASSAD, que je demande à ce que cette journée soit répartie sur l'année, tous les mois, mais du fait de problème de mise en place de la nouvelle équipe du CE, et des arguments avancés par la direction et l'administration, cette discussion ne sera reprise qu'en septembre pour l'année 2012. Personnellement depuis trois ans, je me mettais en grève, en visitant mes patients, du fait de ma conscience professionnelle et de l'importance de mon métier pour les personnes dépendantes, mais je leur déclarais que j'étais officiellement en grève. Si je n'y allais pas, personne ne serait venu les aider !
Nous avions souhaité également que cette journée de solidarité soit étalée sur six mois et que les heures soient débitées de nos compteurs. Réponse de la direction : en terme administratif, il faudrait faire du cas par cas, cela engendrerait des problèmes de gestion ; ce serait l'usine à gaz !
Dans le secteur de l'aide à domicile, nous sommes une majorité à penser qu'en travaillant toute l'année pour cette population, nous devrions être dispensés ce jour-là ! C'est incompréhensible et incohérent. De manière plus pragmatique, la caisse que nous alimentons pour la journée de solidarité correspond à des fonds publics, et nous sommes justement rémunérés par les fonds publics, dont la sécurité sociale, les caisses de retraite et les conseils généraux. Ce sont donc des fonds qui arrivent de l'État indirectement. On nous demande donc d'alimenter les caisses qui servent à nous rémunérer indirectement : c'est incohérent ! Ils prennent d'un côté pour redonner de l'autre : c'est un cercle vicieux !
Nous pouvons également prendre cette journée en congé d'ancienneté non payé, mais nous n'avons déjà pas beaucoup de congés avec des contraintes de travail importantes (travail le week-end notamment), alors avec un salaire variant entre 800 et 1000 euros, c'est inimaginable.
Non, ce système n'est pas convenable. Dans le secteur, nous ne comprenons pas pourquoi, on nous demande d'aller travailler auprès des personnes dépendantes et handicapées. Nous fournissons déjà un effort considérable pour cette population toute l'année, alors que les conditions de travail sont difficiles (travail le week-end, flexibilité des horaires, planning chargé et compliqué ) et que les salaires versés restent modestes.
Nous devons aller travailler et annoncer que nous ne sommes pas payés à nos patients, mais qu'ils doivent tout de même nous verser les compléments non pris en charge ! Et ceci afin d'alimenter la caisse de solidarité ! De plus, sur des salaires assez bas, 50 euros c'est énorme, sans compter nos frais annexes comme ceux engagés pour la voiture.
En plus de cela, viennent s'ajouter les problèmes liés à ce secteur d'activité : les conseils généraux souhaitent « dégraisser », en embauchant des gens non qualifiés, qui sont moins payés, alors que ces métiers sont de plus en plus techniques. Plus techniques du fait que les personnes âgées ou dépendantes, n'ont pas forcément les moyens de rester à l'hôpital ou en maison de retraite, et ne sont pas capables de se faire à manger, de se lever Nous sommes obligés de pratiquer des gestes médicaux qui sortent du cadre strictement social de notre métier. En effet, la prise en charge nous revient du fait des désengagements des hôpitaux, qui sont dans la même problématique que nous en terme de manque de personnel ou de moyens financiers :.
Le problème est donc de fond : nous devons être performants en termes de psychologie, de techniques, de flexibilité et de réactivité et par ailleurs nous sommes en temps partiel et on nous demande de donner une journée pour la solidarité.
Pour régler le problème de la dépendance, il faudrait déjà nous faire passer à taux plein et embaucher des personnes réellement qualifiées, au lieu de privilégier les salaires bas c'est-à-dire des personnes moins qualifiées.
- Quelle est votre position vis-à-vis de l'instauration de cette journée de solidarité ? Êtes-vous d'accord avec sa mise en place ? Pourquoi ?
Pour les personnes ne travaillant pas dans le secteur de la dépendance, je trouve que ce système est injuste, car ce sont toujours les salariés qui paient. Ça devrait être un système à deux vitesses : comme la CFTC le préconise, seules les personnes gagnant plus d'une fois le plafond de la sécurité sociale devraient participer. Elle devrait s'appliquer qu'aux personnes ayant suffisamment de revenus.
Les personnes qui perçoivent de petits salaires et qui sont dans des emplois précaires (intérim, CDD ) ne devraient pas être taxées.
- Seriez-vous d'accord pour la mise en place d'une seconde journée de solidarité, l'une des pistes évoquées par le gouvernement pour le financement de la dépendance ? Pourquoi ?
Absolument contre pour les raisons que je vous ai évoquées tout à l'heure : il y a des incohérences du système vis-à-vis de notre secteur : financièrement, éthiquement (nous travaillons toute l'année pour la dépendance ), et également par rapport à nos conditions de travail et par rapport à nos salaires. Notre profession, et pas seulement celle de l'aide à domicile, mais aussi celles englobant la dépendance (les maisons de retraite ) devrait être dispensées. Cela parait incohérent : nous travaillons toute l'année pour la dépendance, c'est un double effort !
- Pensez-vous que cette journée de solidarité constitue une réponse au problème de la dépendance ?
Selon moi, ce n'est pas une vraie réponse au problème de la dépendance. Cette journée devait alimenter les caisses pour améliorer les conditions de travail et les conditions d'intervention pour les personnes dépendantes, dans le cadre immobilier avec des ventilateurs notamment. D'après ce que j'ai pu entendre lors de différentes commissions, les maisons de retraite ont été très peu à pouvoir s'équiper en ventilation
De plus, les fonds ont été principalement orientés vers les maisons de retraite, or, les personnes dépendantes sont nombreuses à être à domicile, car elles n'ont plus les moyens d'aller dans ces structures d'accueil ! Le contexte est difficile, même pour les enfants et les familles, qui se font eux-mêmes aidé par leurs parents !
Par ailleurs, des fonds seraient alloués à la formation professionnelle, mais très honnêtement on ne ressent pas d'amélioration dans les formations. Car à l'inverse, les conseils généraux considèrent le personnel qualifié comme trop cher. Donc d'un côté, on nous demande de nous professionnaliser et de l'autre, nous ne sommes pas payés en conséquence. Nous avons des formations ponctuelles, mais qui ne délivrent aucun grade supérieur ou un titre qui n'amène pas d'augmentation de salaire ! De même, cela n'améliore pas la problématique de la professionnalisation, des rémunérations et des conditions de travail
- Plus concrètement quelles sont les conséquences pour vous et vos proches de devoir travailler un jour férié ?
Avec nos contrats et des emplois du temps ultra fluctuants, nous avons déjà peu de jours de congé communs avec les membres de notre famille. Ce jour-là, nous devrions être avec notre famille, et nos proches ne comprennent pas pourquoi nous allons travailler, car nous oeuvrons pour les personnes dépendantes et nous devons une nouvelle fois y contribuer sans être payé !
Stephan Poulev, délégué syndical de AREP, filiale 100% SNCF
- Quel système est mis en place dans votre entreprise pour cette journée de solidarité ? Vous convient-il ? Pourquoi ?
Pour notre entreprise, AREP, filiale 100 % SNCF, le système pour le lundi de Pentecôte a été maintenu. La société a un statut privé, c'est une SA, alors que la SNCF a un statut public. Toute la particularité est là. Contre l'avis du CE et de tous les salariés, l'entreprise a maintenu, sans vouloir ne rien changer, le lundi de Pentecôte, la solution la plus facile. À la SNCF, ils ont décidé de laisser fériée la journée de solidarité, en compensant par 2 minutes et demie par jour de travail supplémentaire, ce qui au final ne fait rien du tout sur une journée de travail. Ils ont donc leur jour férié, mais nous salariés de l'AREP, nous ne l'avons pas. Le problème c'est que nous sommes tous dans les mêmes locaux, que nous partageons les mêmes moyens et les mêmes projets. Ce qu'il y a de pire dans le système, c'est que les managers (sauf le directeur de l'AREP) viennent de la SNCF. Cela amène de très mauvais rapports, puisque nous sommes obligés de venir travailler alors que nos collègues en sont dispensés.
La dernière anecdote : mon chef de service, qui vient de la SNCF, m'a accusé de ne pas être solidaire quand je me suis permis, suite à un mail de rappel sur le travail le lundi de Pentecôte, de préciser que pour l'AREP, ce jour est travaillé ! Lui-même ne travaille pas le lundi de Pentecôte.
Au-delà de cela, lorsque la journée de solidarité était fixée obligatoirement au lundi de Pentecôte, des actions comme des journées de mobilisation ou de grève étaient possibles. Mais maintenant que ce jour est fixé arbitrairement par le chef d'entreprise, et que ce n'est plus un jour national, il est de plus en plus difficile de mobiliser.
Les salariés peuvent également poser une journée de RTT qui n'est donc pas imposée, mais nous perdons tout de même un jour de congé
Le système mis en place par l'AREP ne me convient pas. Le système de la SNCF est beaucoup plus intelligent, car à hauteur de 2 minutes et demie par jour, la SNCF gagne sur les deux tableaux : d'une part pour ses obligations légales et d'autre part, pour ses salariés qui conservent leur journée de congé. Ce qui me gêne également, c'est que l'AREP, 100 % filiale SNCF, ne suive pas le même système.
Un autre problème avait été soulevé lors d'un Comité d'entreprise, concernant la comptabilité des heures. Lorsque le salarié pose une journée de RTT, ce sont 8 h qui lui sont retirées, or la journée de solidarité n'en nécessite que 7 ! Et d'autres petits conflits comme celui-là ont éclatés !
- Quelle est votre position vis-à-vis de l'instauration de cette journée de solidarité ? Êtes-vous d'accord avec sa mise en place ? Pourquoi ?
Ce système, de manière générale, ne convient pas du tout. Comme l'indique la CFTC, c'est tout simplement un jour de travail gratuit, un jour de repos nous a été enlevé.
Cette journée est peu utile pour le financement de la dépendance et profite essentiellement à l'entreprise. Elle récolte ce qui a été produit par la journée de travail, qui est normalement fériée. Je considère que cela ne résoudra pas le problème de la dépendance et de la solidarité.
Pour être un système solidaire, il faudrait que tout le monde travaille, or ici, certains travaillent, d'autres non. D'ailleurs, ceux qui font la loi ne se sentent pas obligés d'être solidaires, car eux-mêmes ne travaillent pas. Ce système est totalement discriminatoire, car personne ne participe de la même façon. Cela entraine également des difficultés dans la vie des familles, car elles sont obligées de s'adapter à la fermeture des administrations et des écoles.
Le fond du problème, ce n'est pas de demander aux salariés de devenir esclaves, pour être solidaires et financer la dépendance !
- Seriez-vous d'accord pour la mise en place d'une seconde journée de solidarité, l'une des pistes évoquées par le gouvernement pour le financement de la dépendance ? Pourquoi ?
Absolument pas, je trouve ça inacceptable, pour les mêmes raisons que la première journée de solidarité ! Si le gouvernement veut résoudre les problèmes en revenant à l'esclavage, très bien, mais je ne vois pas les choses comme ça !
Nous payons déjà assez d'impôts, c'est ça l'effort national ! Si ces impôts étaient bien utilisés, je ne vois pas pourquoi une deuxième journée serait nécessaire. Surtout, que créer une journée de solidarité semble assez démagogique, car nous sommes déjà solidaires, nous reversons des impôts ! S'ils ne suffisent pas, le gouvernement peut simplement les augmenter quelque peu auprès de toute la population, mais il faut arrêter de ponctionner des journées de repos !
Je trouve que cette idée est scandaleuse, indécente et contraire à la démocratie ! Car c'est une obligation. C'est une pratique totalement discriminatoire : il y d'autres pistes de réflexions à mener ! De même, ceux qui font la loi ne s'incluront pas davantage dans cette deuxième journée de solidarité.
- Pensez-vous que cette journée de solidarité constitue une réponse au problème de la dépendance ?
Je ne pense pas que cette journée soit une réponse au problème de la dépendance. C'est de la démagogie pure, une propagande incroyable et je sais de quoi je parle ! Je viens moi-même d'un pays qui était sous la dictature, dans les pays de l'Est, et c'est avec des mots comme la « solidarité » qu'on obligeait les gens à adhérer !
L'emploi du terme solidaire me gêne, car dès lors qu'on en appelle à la solidarité, les gens se sentent obligés d'adhérer sans trop réfléchir, car la solidarité est un principe qui tient à coeur aux Français. En plus, le travail gratuit, c'est de l'esclavage, et cela n'a rien à voir avec la solidarité.
Réintroduire le mot solidarité pour revenir à l'esclavage, je trouve que c'est la pire des méthodes des pays dictatoriaux !
- Plus concrètement quelles sont les conséquences pour vous et vos proches de devoir travailler un jour férié ?
Elles sont claires, on ne peut pas utiliser cette journée pour nos loisirs, pour notre famille et tout simplement pour notre repos et notre bien-être.