La modification du contrat de travail : la protection renforcée des salariés (2)
Emploi et vie professionnelle
| Lu 8945 fois | 1 réactionEn cette période de crise économique les statistiques en matière de licenciement peuvent être trompeuses
: fin 2010 baisse des licenciements pour motif économique de 19 %
(sources statistiques DARES fin 2010), baisse des plans de sauvegarde de
l’emploi de 30% au 1er semestre 2011 par rapport au 1er semestre 2010
(source DARES et Les Echos n°21001).
En réalité on observe une diversification des moyens de rupture du contrat de travail conséquence du licenciement économique jugé trop coûteux et remplacé le plus souvent par la rupture conventionnelle, voir des emplois précaires en augmentation surtout chez les – de 30 ans (sources DARES statistiques des métiers 1982-2009), sans omettre les licenciements pour motifs personnel masquant un réel motif économique...
La jurisprudence récente de la Cour de cassation en matière de modification du contrat de travail protecrtice des droits des salariés va sans doute conforter ce phénomène.
1/ LA MODIFICATION DU CONTRAT DE TRAVAIL POUR MOTIF ECONOMIQUE
L’article L 1233-3 du code du travail stipule :
« Constitue un licenciement pour motif économique le
licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non
inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou
transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le
salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives
notamment à des difficultés économiques ou à des mutations
technologiques… »
L’article L 1222-6 du code du travail
institue une procédure à la charge de l’employeur qui souhaite modifier
le contrat de travail du salarié pour motif économique : l’envoi
préalable d’une lettre recommandée avec avis de réception mentionnant
la modification proposée pour motif économique et le délai de réponse
d’un mois dont dispose le salarié, son absence de réponse valant acceptation.
L’EMPLOYEUR DOIT JUSTIFIER DES MOTIFS ECONOMIQUES AU NIVEAU DU SECTEUR D’ACTIVITE DU GROUPE (arrêts GENERALI)
C’est le message intransigeant de la Cour de Cassation tant à l’égard des employeurs…
- Qui doivent mentionner dans la lettre de licenciement les difficultés de l’entreprise et justifier de la situation économique du secteur d'activité du groupe dont il relève.
A défaut, le licenciement est sans cause réelle ni sérieuse (Cour de cassation 12 janvier 2012 n°09-72203)
La seule recherche de rentabilité
sans réelles difficultés économiques ou de menace pesant sur la
compétitivité du secteur d'activité du groupe auquel la société
appartient rend le licenciement sans cause réelle ni sérieuse (Cour de cassation 14 décembre 2011 n°10-23753).
…que des juges du fond :
- Qui doivent caractériser
l'existence, au niveau du secteur d'activité du groupe auquel la
société appartient, de difficultés économiques ou d'une menace pesant
sur la compétitivité de ce secteur pour écarter la contestation du salarié et juger le licenciement fondé (Cour de cassation 14 décembre 2011 n°10-11042).
En contre-partie, la Cour de cassation renforce le pouvoir d’investigation des juges du fond :
Le juge peut exiger de l’employeur
la production d’éléments lui permettant d’apprécier la réalité des
difficultés économiques ou a nécessité de sauvegarder sa compétitivité
telle que la politique tarifaire, l’entreprise ne pouvant s’y opposer ni au motif d’une atteinte à la confidentialité ni de l’immixtion du juge dans les choix économiques de l’entreprise (Cour de cassation arrêt du 13 décembre 2011 n°10-27175).
2/ MODIFICATION DU CONTRAT DE TRAVAIL ET CHANGEMENT DES CONDITIONS DE TRAVAIL
Pour un rappel des règles en la matière voir également sur le même sujet :http://www.documentissime.fr/actualites-juridiques/emploi-et-vie-professionnelle/modification-du-contrat-de-travail-breche-et-protection-renforcee-des-droits-du-salarie-1247.html
La Cour de cassation maintient son contrôle accru :
-
Sur le retour au travail à l’issue d’un congé parental : le salarié
doit retrouver son ancien d'emplois ou à défaut un emploi équivalent
La Cour de cassation maintient sa jurisprudence (arrêt du 17 mars 2010, n° 08-44.12) et applique en 2012 comme en 2010 une jurisprudence protectrice des salariés, avec une application très contrôlée des dispositions de l’article L 1255-55 du code du travail et de la notion d'emploi équivalent.
En
l'espèce la salariée se voyait proposer de nouvelles conditions de
travail impliquant sa participation à des astreintes ce qu'elle avait
refusé, employeur lui avait alors proposé un nouvel emploi avec une
perte de points d'indice et de revenus.
La Cour de Cassation a approuvé la cour d'appel d'avoir considéré «
que l'employeur n'avait pas proposé à la salariée à son retour de congé
parental un emploi équivalent à celui qu'elle occupait précédemment » (Cour de cassation chambre sociale 19 janvier 2012 n°10-10863).
- le contrat de travail est modifié lorsque l'employeur demande au salarié d'accomplir des tâches qui ne relèvent pas de sa qualification ni de l'activité pour laquelle il a été engagé :
Il
s'agissait d'un technicien chimiste auquel l'employeur demandait
d'effectuer des tâches de techniciens de gestion de production puis de
techniciens de planification, ce qui constitue une modification du
contrat de travail du salarié puisque ses tâches ne relevaient ni de sa
qualification ni de l'activité pour laquelle il avait été engagé (Cour de cassation chambre sociale 18 janvier 2012 n°10-10863).
- le salarié doit consentir de manière expresse aux modifications de son contrat de travail, la seule poursuite par nuit du travail modifié par son employeur ne vaut acceptation (même jurisprudence)
-
Enfin, un changement de fonction du salarié entraînant une réduction
des attributions et de ses responsabilités peut constituer une
rétrogradation valant modification du contrat de travail (Cour de Cassation chambre sociale 18 janvier 2012 n° 10 - 13 572)
En
l'espèce un salarié engagé comme conducteur de travaux catégorie
ouvriers avait été promu cadre en 2002 est reproché à son employeur de
l'avoir rétrogradé aux fonctions de chauffeur de poids lourd et de lui
avoir supprimé le véhicule de fonction dont il bénéficiait.
La
Cour de Cassation censure la cour d’appel d’avoir considéré que la
rétrogradation n'était pas établie et que le salarié avait donné son
accord pour conduire un camion alors que :
« la réalité
du changement de fonctions n'était pas contestée et qu'il lui
appartenait de rechercher, comme il lui était demandé, si la réduction
des attributions et responsabilités était établie et caractérisait une
modification du contrat de travail laquelle nécessitait l'accord exprès
du salarié ».