Les arrangements entre associés à l'aide des salariés
Emploi et vie professionnelle
| Lu 7547 fois | 0 réactionLa Cour de Cassation est venue
apporter deux moyens supplémentaires aux salariés de contester leur
licenciements, en s'appuyant sur des conventions auxquelles ils ne sont
pas partie.
Le principe de l'opposabilité, par un tiers, des engagements pris par les parties à un contrat
On rappellera qu'en droit, l'article 1165 du Code Civil prévoit que :
"Les
conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes ; elles ne
nuisent point au tiers, et elles ne lui profitent que dans le cas prévu
par l'article 1121."
Si l'absence d'effet des contrats vis-à-vis des tiers est systématiquement martelée en jurisprudence, les tribunaux, dépassant l'exception de l'article 1121 (qui prévoit la stipulation pour autrui), n'en ont pas moins élargi les cas dans lesquels les conventions pouvaient profiter aux tiers.
Cet
élan a été concrétisé par un arrêt majeur de l'assemblée plénière de la
Cour de Cassation en date du 6 octobre 2006, dont l'attendu de principe
énonce :
“Le
tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité
délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a
causé un préjudice”
En
résumé : si des personnes ont conclu un contrat dont le non-respect
vous porte préjudice, vous pouvez invoquer cette faute, même si vous
n'avez pas signé ledit contrat.
Cette
décision n'a pas encore porté tous ses fruits : toutefois, en matière
de droit des sociétés, les deux arrêts ci-après évoqués marquent une
étape supplémentaire dans l'usage, par les tiers, de conventions
auxquelles ils ne sont pas partie.
L'opposabilité, par les tiers, des dispositions d'un pacte d'associés ou d'actionnaires
Le
pacte d'associés ou d'actionnaires a pour vocation de régir des points
spécifiques dans les relations entre les propriétaires d'une société,
que ceux-ci ne peuvent ou ne veulent pas voir dans les statuts.
Le pacte, qui n'est pas obligatoire, a généralement un caractère confidentiel.
Dans l'espèce traitée par la Chambre Sociale de la Cour de Cassation, à l'occasion d'un arrêt rendu le 18 mars 2009,
un clerc-généalogiste avait eu vent de l'existence d'un pacte
d'actionnaires régissant les relations entre les propriétaires de la
société qui l'employait. Ayant fait l'objet d'une mesure de
licenciement, il a invoqué le non-respect d'une disposition de ce pacte
qui prévoyait une autorisation préalable du conseil de surveillance de
son employeur pour tout licenciement de cadre supérieur.
L'on
ne sait pas si le pacte prévoyait son propre caractère confidentiel ou
non, mais cette disposition n'aurait de toute façon pas été opposable au
salarié.
La Cour de Cassation lui a donc donné raison et a affirmé que le pacte pouvait être opposé à la société par un salarié.
On
notera que l'employeur, c'est-à-dire la société, est elle-même tiers au
pacte, qui est un engagement pris entre les actionnaires.
Le
raisonnement de la Cour permettrait donc, dans la relation
contractuelle employé/employeur, de soutenir que le non-respect
d'engagements pris par des tiers (en l'occurrence, les actionnaires de
l'employeur) peut être utilement invoqué et opposé.
A
lire cette décision, il serait donc possible de soutenir qu'un tiers à
un contrat puisse opposer à un autre tiers à ce même contrat, les
dispositions qui lui portent préjudice !
En
réalité, la situation est bien spécifique, dans la mesure où l'on
oppose en réalité à la société, personne morale, ses propres règles de
fonctionnement. Elle est certes tiers aux statuts, mais elle est l'objet
même de ces statuts. La chicane à l'article 1165 du Code Civil se
justifie pleinement.
L'opposabilité, par les tiers, des dispositions statutaires
Qui
peut le plus peut le moins : les statuts sont également des accords
entre les actionnaires, avec cette différence, par rapport aux pactes
d'associés ou d'actionnaires, qu'ils sont fondateurs et qu'ils peuvent
être facilement connus des tiers.
Dans une affaire jugée par la Chambre Sociale de la Cour de Cassation le 15 février 2012,
une clause des statuts d'une SAS prévoyait que tout licenciement serait
soumis à l'autorisation préalable des actionnaires. Le directeur
général, qui n'était pas actionnaire, avait été licencié sans que cette
autorisation n'existe. Revendiquant, sur le fondement des statuts, un
licenciement sans cause réelle et sérieuse, il a eu gain de cause.
En
général, les statuts de SAS sont plus susceptibles d'accueillir ce type
de clauses d'autorisation préalable au licenciement de salariés que
ceux, largement balisés, de SA ou de SARL.