Modification du contrat de travail : brèche et protection renforcée des droits du salarié

Publié par Judith BOUHANA le 15/11/2011 - Dans le thème :

Emploi et vie professionnelle

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Par deux arrêts récents de la Cour de Cassation vient de préciser la jurisprudence en matière de modification de la rémunération du salarié et de ses attributions (chambre sociale arrêt du 25 mai 2011 pourvoi n° 10 - 18 994 et 26 octobre 2011 pourvoi n° 10 - 19 001).

Pour rappel, la loi ne définit pas de règles applicables en matière de modification du contrat de travail par l'employeur, celles-ci ont été érigées par la jurisprudence.

Après avoir différencié les modifications dites « substantielles » de celles qui ne l’étaient pas, les juges exigent désormais l'accord du salarié en cas de « modification du contrat de travail » (modification de la rémunération, de la qualification) par opposition au simple « changement des conditions de travail » (modification du lieu de travail prévue par une clause de mobilité dans le contrat de travail, modifications mineures des horaires de travail avec une durée et une rémunération identique…).

La jurisprudence est très stricte notamment en matière de rémunération les juges exigeant l'accord du salarié même en présence d'une clause modifiant sa rémunération à son avantage (Cour de Cassation chambre sociale 5 mai 2010 pourvoi n° 05 - 45 709).

Néanmoins une brèche est récemment apparue en matière de rémunération sous couvert de la notion de novation contractuelle (cf. l’article L 1221 - 1 du code du travail « le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun. Il peut être établi selon les formes que les parties décident d'adopter » et l’article 1273 du Code civil qui dispose que «la novation ne se présume point ; il faut que la volonté de l'opérer résulte clairement de l'acte»).

Dans cet arrêt du 25 mai 2011, un salarié engagé comme préparateur physique qui avait signé un contrat de travail à durée déterminée à compter du 1er juillet 2005 suivi d'un protocole d'accord signé le 18 mai 2007 modifiant notamment sa rémunération puis d’un second contrat à durée déterminée signé le 27 juin 2007 qui avait été homologué par la Fédération française de football.

Contestant son licenciement pour faute grave, le salarié sollicitait entre autre l'application de la rémunération prévue par le protocole d'accord, ce que la Cour d’appel a rejeté au motif qu’il y avait eu novation et que le second contrat de travail s'était substitué au protocole d’accord.

La Chambre sociale de la Cour de Cassation a approuvé les juges du fond qui ont reconnu l'intention de nover du salarié en matière de rémunération (pourvoi n° 10 - 18 994) :

 « Mais attendu qu'ayant constaté que c'était sur la demande conjointe du salarié et du club que le contrat signé le 27 juin 2007 avait été soumis à l'homologation de la Fédération française de football, la cour d'appel, qui n'avait pas à entrer dans le détail de l'argumentation des parties, a ainsi caractérisé l'intention des parties de nover le précédent contrat qui les liait ».

Dans cet arrêt d'espèce la Cour de Cassation n’a conforté la novation contractuelle de la rémunération contractuelle qu'au regard de deux éléments essentiels spécifiques: la signature d'un contrat de travail suivi d'une homologation par la Fédération française de football.

Par un récent arrêt du 26 octobre 2011 (pourvoi n° 10 - 19 001) la chambre sociale de la Cour de Cassation vient au contraire renforcer le socle de protection au salarié en matière de modification des attributions du salarié.

Il s'agissait d'un directeur auquel l'employeur avait retiré la délégation de signature des actes de gestion du personnel et des factures, attributions essentielles de ses fonctions de directeur.

Le salarié avait saisi le conseil de prud'hommes d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail qui avait été rejetée par la cour d'appel aux motifs que si le retrait de la délégation de signature constituait une sanction disciplinaire au sens de l'article L. 1331 - 1 du code du travail impliquant le respect par l'employeur de la procédure disciplinaire, le seul non-respect de cette procédure de sanction disciplinaire n'était pas suffisamment grave pour justifier le prononcé de la résiliation du contrat de travail du salarié.

La Cour de Cassation casse l'arrêt d'appel aux motifs que le retrait au salarié de la délégation générale de signature constitue une modification du contrat de travail qui justifierait le prononcer la résiliation du contrat de travail du salarié.

La Cour de Cassation maintient ainsi son contrôle sur l'analyse faite par les juges du fond de la nature de la modification des attributions du salarié.

Si cette modification est inhérente à la fonction du salarié, l’employeur devra soit respecter la procédure de modification du contrat de travail soit celle de la procédure disciplinaire si cette modification caractérise une rétrogradation du contrat de travail.

En tout état de cause la modification du contrat de travail reste sous haute surveillance des juges de la cour suprême.