Obtenir en justice le paiement de la prime d’objectifs

Publié par Judith BOUHANA le 27/09/2012 - Dans le thème :

Emploi et vie professionnelle

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Élaboré aux États-Unis durant les années 60, les primes d'objectifs existent en France dans le secteur privé depuis une décennie (elles ont été étendues seulement l’année 2000 à certaines catégories de fonctionnaires (Michel Spielmann Les objectifs et la prime sur objectifs 30 mai 2005 http://lecercle.lesechos.fr/).

En 2009 dans les entreprises de 10 salariés ou plus les primes représentaient 13,4 % du salaire (Table ronde salaires 9 et 10 juillet 2012 http://travail-emploi.gouv.fr)

Les clauses définissant les primes d'objectifs peuvent être ambiguës, parfois même lacunaires. Pour statuer sur les demandes de paiement de prime d'objectifs des salariés, les juges doivent interpréter le contrat et la volonté des parties. Ils basent d'abord leur décision sur les dispositions de l'article 1134 du Code civil :

« Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi ».


- Si le principe de la prime d’objectif est prévu par le contrat :

Si le contrat de travail fait obligation de mettre en place une prime annuelle sur objectifs après commun accord entre salarié et employeur : en l'absence d'accord les juges peuvent fixer unilatéralement le paiement de la prime.

Un contrat de travail prévoit une prime sur objectifs dont le versement est subordonné à la réalisation d’objectifs fixés annuellement d’un commun accord. Aucun accord n’a été fixé entre les parties et le salarié réclame le versement de sa prime sur objectifs.

L’employeur prétend que le bon accomplissement de ses fonctions par le salarié serait, selon les clauses du contrat de travail, le critère déterminant le paiement de la prime d’objectif.

Considérant que le travail du salarié n’était pas qualitatif, il contestait le règlement de la prime sur objectifs.

Constatant que le contrat faisait obligation de mettre en place cette prime sur objectifs annuels ce qui n’avait pas été fait par l’employeur, la Cour de cassation approuve la cour d’appel d’avoir reconnu l’employeur débiteur de cette prime d’objectif et d’en avoir unilatéralement fixé le montant à défaut d’accord entre les parties (C. cass ch.soc. 11 juillet 2012 n°11-14167).

- Si le contrat ne précise pas le mode de calcul de la prime d’objectifs :
Le juge doit fixer la prime d’objectifs en fonction de critères réalistes.

1/ Le juge ne peut se baser sur les objectifs de l’année précédente qu’après avoir vérifié que ces objectifs sont réalistes par rapport à l’année pour laquelle la prime est réclamée


Un salarié sollicite un rappel de prime sur objectifs 2008/2009 alors que le salarié n’a pas eu d’entretien annuel durant cette période. La cour d’appel rejette cette demande aux motifs que le salarié n’aurait pas rempli ses objectifs en se basant sur les objectifs fixés lors du précédent entretien de 2007.

La Cour de Cassation reproche à la cour d’appel de fixer les objectifs du salarié pour 2008/2009 identiques à ceux de 2007 sans motiver cette décision et sans avoir vérifié si les objectifs fixés en 2007 restaient réalistes pour 2008 (C. cass ch.soc. 10 mai 2012 n°11-14 635) :

« Qu’en statuant ainsi, sans indiquer en quoi les objectifs du salarié pour 2008 ou 2009 étaient nécessairement ceux fixés pour 2007, ni vérifier, alors que cela était contesté, si les objectifs fixés pour 2007 étaient encore réalistes pour 2008, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ».


2/ Le calcul de la prime d'objectifs doit reposer sur des critères réalistes


Un salarié demande en justice un rappel de prime sur objectifs et sa demande est rejetée par la cour d’appel qui considère que les formules utilisées par l’employeur pour le calcul de la prime d’objectif ne présentent pas de difficultés particulières de compréhension et qu’en outre ils n’ont jamais fait l’objet de critiques du salarié durant toute l’exécution de son contrat de travail.

La Cour de Cassation conteste l’argumentation des juges d’appel auxquels elle reproche de ne pas avoir vérifié le caractère réaliste des objectifs fixés par l’employeur :

« Qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les objectifs fixés au salarié et non atteints étaient réalistes, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision » (C. cass ch.soc. 15 février 2012 n° 09 - 72283).


3/ Le mode de calcul doit être clairement défini :


Le contrat d’un salarié ne mentionnait qu’une fourchette de prime maximale sans préciser le mode de calcul.

Pour débouter le salarié de sa prime d’objectif, la cour d’appel s’était appuyée sur les objectifs fixés en 2007 ayant généré le paiement d’une prime au salarié.

Reprochant à la cour d’appel d’avoir dénaturé l’argumentation du salarié qui constatait qu’il ne disposait pas des moyens de vérifier le mode de calcul de sa prime la Cour de Cassation casse l’arrêt d’appel (C. cass ch.soc. 11 juillet 2012 n°11-15344) :

« Qu’en statuant ainsi, alors que dans ses conclusions en cause d’appel reprises oralement à l’audience, le salarié soutenait qu’il n’avait jamais "signé d’objectifs individuels" et qu’il ne disposait "d’aucun moyen pour vérifier le mode de calcul de la prime", la cour d’appel en a dénaturé les termes clairs et précis ».


- La prime est-elle due si le salarié quitte en cours d’année la société, oui la prime est due et son montant est forfaitisé :

Un salarié quitte l’entreprise avant la fin de l’exercice annuel et réclame le règlement de sa prime d’objectif au prorata de son temps de présence dans l’entreprise.

L’employeur lui répond qu’en l’absence de clauses expresses en ce sens dans son contrat de travail il n’est pas tenu de la lui régler.

Il ajoute que le contrat prévoit que la rémunération variable garantie était au moins égale à celle perçue au cours de l’exercice précédent, ce qui signifierait que la volonté des parties n’était pas de mettre en place le versement de la prime au prorata temporis.

La Cour de Cassation approuve la cour d’appel d’avoir relevé que la prime étant versée aux salariés en contrepartie de son activité, elle s’acquérait nécessairement au fur et à mesure. Le salarié pouvait donc prétendre à un règlement de sa prime au prorata de son temps de présence (C. cass ch.soc. 23 mars 2011 n° 09 - 69127) :

« Mais attendu que la cour d’appel ayant relevé que la prime litigieuse constituait la partie variable de la rémunération versée au salarié en contrepartie de son activité de sorte qu’elle s’acquérait au fur et à mesure, en a justement déduit que M. X... dont le départ était antérieur au versement de cette prime, ne pouvait être privé d’un élément de sa rémunération auquel il pouvait prétendre au prorata de son temps de présence ».