Salariés, sachez prouver la réalité de vos heures supplémentaires (ii)

Publié par Judith BOUHANA le 03/10/2012 - Dans le thème :

Emploi et vie professionnelle

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Les heures supplémentaires concernent environ 9 millions de salariés.
Pour rappel en 2005 sur 22 251 personnes interrogées 6,7 % déclaraient travailler en heures supplémentaires non réglées.
C’est dire que le sujet est sensible ce que révèle le contentieux des heures supplémentaires qui ne faiblit pas.
Sans remettre en cause le pouvoir d'appréciation des juges du fond, la Cour de Cassation a élaboré peu à peu une jurisprudence protectrice des droits du salarié.
LA CHARGE DE LA PREUVE:

L'employeur comme le salarié doivent établir la réalité des heures de travail effectuées
L'article L3171 - 4 du code du travail instaure une preuve à la charge de l'employeur et du salarié :
Extrait : « En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ».
Ce que la Cour de Cassation rappelle régulièrement (Cass. Soc. 15 février 2012 ) :
« En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accompli, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments…
Que la cour d'appel qui a fait peser la charge de la preuve des horaires effectués sur le seul salarié a violé le texte susvisé »
En vertu de l'article 1315 du Code civil, c'est à celui qui saisit la justice d'établir le bien fondé de ce qu'il prétend.
En matière d'heures supplémentaires cela signifie que c'est au salarié qui saisit le conseil de prud'hommes d'une demande de rappel de salaire de produire le premier des éléments de preuve suffisamment précis des horaires qu’il prétend avoir effectué, et à l'employeur ensuite d'y répliquer avec ses propres éléments en réponse.
LES MODES DE PREUVE :

La preuve établie par le salarié :

La jurisprudence reste souple en considérant suffisamment précis les éléments suivants :

- « un calendrier auquel l'employeur pouvait répondre concernant l’heure supplémentaire que le salarié prétendait avoir réalisé quotidiennement pendant toute la durée de la relation contractuelle » (Cass. Soc. 7 mars 2012) ;
- un décompte des heures effectuées « sous la forme d'un tableau accompagné des commentaires du salarié quant aux missions accomplies » (Cass. Soc. 22 mars 2012) ;
- « un relevé d'itinéraires et des attestations auxquels l'employeur pouvait répondre » (Cass. Soc. 16 mai 2012 ) ;

- « l'allégation du salarié et l'existence de planning officieux » (Cass. Soc. 15 février 2012 );
- « plusieurs attestations ainsi qu'un tableau établi par le salarié » (Cass. Soc. 23 mai 2012 ) ;
- « un tableau des heures travaillées entre le 1er janvier 2004 et le 31 mai 2005 auquel l'employeur pouvait répondre » (Cass. Soc. 11 juillet 2012 ) ;
La Cour de Cassation vient récemment d'exiger du salarié un décompte mentionnant jour par jour et avec précision ses horaires de travail accomplis :
« Mais attendu qu'ayant constaté que le salarié produisait seulement un décompte récapitulatif établi mois par mois du nombre d'heures qu'il affirmait avoir réalisé et un tableau peu compréhensible ne laissant pas apparaître pour chaque jour précis de chaque semaine précise les horaires de travail accomplis, la cour d'appel, qui a fait ressortir que ces éléments n'étaient pas suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments, a estimé que la demande n'était pas étayée » (Cass. Soc. 27 juin 2012 ).
Sans doute les éléments fournis par le salarié devaient être particulièrement obscurs…

Par souci de prudence il y a lieu désormais pour le salarié de veiller à fournir un décompte quotidien de ses heures de travail et de conserver tout élément de preuve complémentaire venant légitimer le dépassement de ses horaires de travail (demande écrite de l’employeur, courriels, factures…).
La preuve établie par l'employeur :

L'employeur n'est pas dénué d'outils pour établir de son côté la réalité des heures effectuées par son salarié, outils parfois imposés par la convention collective (carnet de route, pointage…).

Devant les juges l’employeur peut également recourir à une expertise.

Récemment la Cour de Cassation a sanctionné la cour d'appel qui a refusé de prendre en compte une expertise de disque chronotachygraphes régulièrement communiquée par l’employeur au salarié chauffeur routier dans la procédure et sur laquelle le salarié pouvait répliquer (Cass. Soc. 11 juillet 2012 ).
LES ÉLÉMENTS NON PROBANTS :

Le silence du salarié ne vaut pas renonciation à ses droits :


Dans deux arrêts du même jour le 11 juillet 2012 la Cour de Cassation rappelle que le fait que le salarié n'ait pas contesté ses droits jusqu'à la saisine du conseil de prud'hommes ne vaut pas renonciation à les faire appliquer.
1er arrêt : Et ce même si la contestation émane d'une salariée dont le propre mari est chef d'équipe dans l’entreprise :
En l'espèce l'épouse travaillant dans la même entreprise que son mari réclamait le règlement de ses heures supplémentaires.
Or la cour d'appel avait constaté « qu'aucune demande n'avait été présentée pendant la durée du contrat de travail et du congé parental alors que son mari qui était chef d'équipe n'aurait pas manqué de signaler l'existence des heures supplémentaires réalisées par son épouse ».
Appréciation qui ne pouvait qu’être rejetée par la Cour de Cassation au nom du principe selon lequel le silence jusqu'à la procédure du salarié ne vaut pas renonciation à ses droits :
« Vu l'article L3171 - 4 du code du travail qu'en statuant ainsi, alors que le silence antérieur de la salariée ne pouvait valoir renonciation à ses droits, la cour d'appel qui a fait peser la charge de la preuve des heures de travail accompli sur la seule salariée a violé les textes susvisés »(Cass.soc. 11 juillet 2012 ).
2ème arrêt : Et ce même si la salariée était responsable de la paie chargée d'effectuer le relevé des heures supplémentaires des salariés :
En l'espèce il s'agissait d'une responsable de paie dans un cabinet d'expertise comptable qui contestait son licenciement et réclamait le paiement d'heures supplémentaires.

La Cour de Cassation approuve les juges d'appel qui ont accueilli la demande de la salariée en relevant « qu'appréciant souverainement la valeur et la portée des éléments produits devant elle, la cour d'appel, après avoir relevé à juste titre que ni la qualité de responsable de l'appel de la salariée ni son absence de réclamation ne dispensait de l'application des règles de preuve en cas de différend relatif aux nombres d'heures de travail effectué, a fait ressortir que les heures litigieuses avaient été rendues nécessaires par les tâches confiées à l'intéressée et a déterminé le nombre d'heures que cette dernière avait réalisées» (Cass.soc. 11 juillet 2012 ).