Salariés, sachez prouver la réalité de vos heures supplémentaires.
Emploi et vie professionnelle
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En 2005 sur 22 251 personnes interrogées hommes et femmes confondus, 6,7 % déclarent travailler tous les jours au-delà de l'horaire prévu sans qu'il y ait de compensation en salaire ou au repos tous les jours. La prochaine étude qui sera faite en 2012 permettra d'affiner le phénomène des heures supplémentaires non payées (Sources statistiques de la DARES Enquête Conditions de travail).
Le contentieux en matière d'heures supplémentaires est réglementé par l'article L 3174 - 4 du code du travail qui met à la charge de l'employeur l’obligation de fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande le juge forme sa conviction après avoir ordonné si nécessaire toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
La jurisprudence a complété cette règle en considérant que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties, qu’il appartient d'abord au salarié de fournir au juge des éléments permettant d'étayer sa demande et à l'employeur de fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
Voici un panorama des plus récentes décisions en matière de preuve des heures supplémentaires :
LA PREUVE ETABLIE PAR LE SALARIE :
C’est d’abord au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés puis à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.
Suivant la dernière jurisprudence de la Cour de Cassation, les éléments suffisants sont caractérisés par:
« des courriels et des billets de train auxquels l'employeur pouvait répondre » (Cour de cassation chambre sociale arrêt du 23 novembre 2011 n° 10-23320) ;
« deux lettres adressées à son employeur contenant un décompte des heures qu'il prétendait avoir réalisées auquel l'employeur pouvait répondre » (Cour de cassation chambre sociale arrêt du 5 octobre 2011 n° de pourvoi: 10-17198) ;
« un décompte des heures établie par le salarié » sous la forme :
« d’un récapitulatif de son temps de travail journalier ( Cour de cassation chambre sociale arrêt du 7 décembre 2011 n° 10-14156 ;
« d’un tableau dactylographié récapitulant jour après jour des horaires de début et de fin de travail (Cour de cassation chambre sociale arrêt du 13 décembre 2011 n°: 10-21855) ;
« des fiches mensuelles récapitulant les horaires qu'il avait effectués …auxquelles l'employeur pouvait répondre » (Cour de cassation chambre sociale arrêt du mardi 6 décembre 2011 n° de pourvoi: 10-19794) ;
« les énonciations du compte-rendu de l'entretien préalable établi par le (conseiller du) salarié (que le salarié) avait choisi pour l'assister lors de cet entretien » (Cour de cassation chambre sociale arrêt du jeudi 17 novembre 2011 n° de pourvoi: 10-14420) ;
LA PREUVE ÉTABLIE PAR L’EMPLOYEUR : EXCLUSION DES COURRIELS PERSONNELS DU SALARIE
Dans cet arrêt pour contester les heures supplémentaires réclamées par le salarié l’employeur invoquait les nombreux courriels personnels du salarié qu’il considérait comme n’étant pas identifiés comme personnels et « incompatibles avec la prétention du salarié à avoir effectué un nombre d'heures de travail excédant la durée hebdomadaire convenue » .
Pour écarter ces courriels des débats les juges du fond suivis par la Cour de cassation se sont appuyés sur le principe du droit du salarié « même au temps et au lieu du travail, au respect de l'intimité de sa vie privée ».
Les juges distinguent la consultation par l’employeur de ces fichiers non identifiés comme personnels qui est autorisée de l’utilisation en justice de ces fichiers qui elle est interdite comme contraire au principe du respect de la vie privée:
« Et attendu que la cour d'appel, qui a relevé qu'il était constant que le contenu des courriels produits était d'ordre privé s'agissant de la correspondance amoureuse du salarié, en a justement déduit que sa production intégrale en justice ne pouvait être justifiée par la nécessité pour l'employeur de démontrer la volonté de l'intéressé de démissionner ou la réalité de ses horaires de travail (Cour de cassation chambre sociale arrêt du 18 octobre 2011 n° 10-25706)
ATTENTION AUX PREUVES INEXPLOITABLES ET INSUFFISANTES
Pour rappel, il appartient au salarié d’étayer sa demande par des éléments précis auxquels l’employeur doit répondre.
Dès lors que le salarié ne remplit pas cette condition, qu’il produits des éléments insuffisamment précis et contredits par d'autres pièces, les juges écartent la demande de rappel d’heures supplémentaires :
« Mais attendu que la cour d'appel qui a examiné l'ensemble des pièces produites par les parties, a retenu que les éléments produits par le salarié étaient inexploitables et se trouvaient contredits par les feuilles de routes, contresignées des parties, versées par l'employeur; qu'elle en a conclu dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, que la preuve des heures supplémentaires n'était pas établie ; que le moyen, n'est pas fondé » (Cour de cassation chambre sociale arrêt du 5 octobre 2011 n° de pourvoi: 10-19908) ;
Bien entendu, les attestations doivent être circonstanciées :
« les attestations produites par le salarié ne permettaient pas de déterminer si leurs auteurs avaient personnellement constaté les faits rapportés et que, de son côté, l'employeur produisait des pièces justificatives, notamment des bulletins de salaires, la cour d'appel, qui a estimé au vu des éléments fournis par l'une et l'autre parties qu'il n'était pas établi que le salarié avait effectué les heures supplémentaires dont il réclamait paiement, a légalement justifié sa décision » (Cour de cassation chambre sociale arrêt du 13 décembre 2011 n°: 10-21855) ;
CADRE AUTONOME ET
HEURES SUPPLÉMENTAIRES
La Cour rappelle à juste titre qu’en l’absence d’une convention de forfait signée, le cadre sans contrainte d’horaire dans son contrat de travail peut solliciter un rappel d’heures supplémentaires :
« Attendu que pour débouter M. X... de sa demande de rappel de salaire au titre d'heures supplémentaires, la cour d'appel retient que le salarié ne produit que des pièces lacunaires qui ne sauraient entraîner sa conviction et qu'au contraire l'employeur renvoie à l'exercice par le salarié d'une activité d'ingénieur qui laisse à son titulaire une totale autonomie ;
Qu'en statuant ainsi, alors d'une part que, s'il n'a pas été conclu de convention de forfait, le salarié cadre a droit au paiement d'heures supplémentaires et que, d'autre part, le salarié produisait des éléments de nature à étayer sa demande, la cour d'appel a violé les textes susvisés » (Cour de cassation chambre sociale arrêt du 3 novembre 2011 n° de pourvoi: 09-71075).