Enquête INSERM : le taux alarmant des suicides dans la police
« Le risque de suicide dans la police est supérieur de 36 % à celui du reste de la population » : les syndicats de la police peuvent se féliciter, la réalité des chiffres concernant le taux de suicide dans la police est enfin officiellement dévoilée. En effet, une étude de l'Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale (INSERM) concernant les taux de suicide au sein de la population policière, menée sur la période 2005-2009, a été publiée cet été. 559 policiers se seraient donné la mort entre 1998 et 2009. Cette enquête oblige la police nationale à réfléchir aux incidences du port de l'arme à feu, avec laquelle intervient la majorité des suicides au sein de cette population.
Le rapport de l’INSERM
Avec 40 à 55 suicides chaque année, la France monte sombrement sur la troisième marche du podium, concernant le taux de suicide dans la police en Occident.
Ce taux élevé concernerait surtout les jeunes policiers de moins de 36 ans, non préparés « au stress particulièrement intense » des métiers de la police.
L'agence d’informations spécialisées (AISG), après lecture du rapport de l’INSERM, s’est penchée elle aussi sur le taux important de suicides dans la police, et notamment chez les jeunes policiers.
Le rapport de l’INSERM s’est concentré sur les suicides des policiers entre 2005 et 2009, mais dans les faits, en 2010 la pulsion suicidaire des policiers se poursuit…
Le lundi 4 octobre 2010 au matin, un policier de 29 ans s’est suicidé avec son arme de service dans les locaux de la police judiciaire du 1er arrondissement de Paris. Le même jour, au soir, une de ses collègues âgée de 37 ans, gardien de la paix à Montpellier, s’est également donné la mort à son domicile, avec son arme de service.
La question épineuse de l’arme à feu au domicile
Selon l’enquête de l’INSERM, environ 50% des policiers se suicident au moyen de leur arme de service.
La loi autorise le policier à emporter son arme avec lui à son domicile. Un policier doit en effet rester policier en toutes circonstances …
Jean-Pascal Stadler de l'Unité SGP-Police s’est interrogé sur la question du port de l’arme :
«Le port de l'arme est une chose importante chez nous. Regardons ce qui se fait ailleurs, au Royaume-Uni, certains Bobbies ne portent pas de pistolet en service. »
En France, il est rare qu’un policier soit désarmé. C’est seulement de manière exceptionnelle, sur les recommandations d’un médecin, que le chef de service doit retirer une arme des mains d’un policier aux pulsions suicidaires.
Table ronde de la profession
Suite à l’enquête de l’INSERM, le vendredi 15 octobre 2010 une session spéciale du comité centrale d’hygiène et de la sécurité de la police nationale (CCHSPN) s'est réunie.
L’enquête avait d’ailleurs été sollicitée par les organisations syndicales et par l’Alliance Police nationale : ces derniers sont satisfaits d’avoir enfin une enquête et des chiffres, pour illustrer le problème du suicide dans leur profession.
Après analyse des résultats, le Directeur de la Police Nationale a proposé la création de 4 groupes de travail :
- Coordination des différents services médicaux et sociaux avec la mise en place de cellules de veille sur l'ensemble du territoire.
- Prise en compte des conduites à risques : addiction alcool et drogue.
- Etude de la problématique de l'usage de l'arme de service dans les passages à l'acte.
- Rôle de l'encadrement – Management
La profession va donc enfin pouvoir agir, elle qui regrettait que les suicides des policiers ne soient pas pris suffisamment au sérieux par les pouvoirs publics.
Les suicides des policiers n’intéressent personne ?
Selon une Chronique de France Info en date du 20 novembre 2009, le taux de suicide des policiers n’aurait pas été suffisamment mis en lumière.
La chronique indiquait que le taux de suicide dans la police était deux fois plus important que les suicides à France Télécom (16 pour 100 000 à France Télécom contre 35 pour 100 000 dans la police). Et pourtant, les journaux sont rares à traiter ce sujet en Une, contrairement aux affaires France Télécom qui font les gros titres…
France Info constatait en outre l’absence de statistiques en la matière, d’où l’importance de l’enquête de l’INSERM, publiée environ 6 mois après la parution de l’article.
Ce que dit la loi
Selon l’article 114-4 de l’arrêté du 6 juin 2006 portant Règlement général d'emploi de la police nationale, rien n’empêche en effet au policier de conserver son arme de service à son domicile.
« Les fonctionnaires actifs des services de la police nationale reçoivent en dotation une arme individuelle dont l'usage est assujetti aux règles de la légitime défense et aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur.
[..] des instructions émanant de l'autorité hiérarchique d'une direction, d'un service ou d'une unité précisent les conditions du port de l'arme et du gilet pare-balles lorsque le fonctionnaire de police se rend à son service ou en revient. Elles tiennent compte des situations personnelles ou matérielles spécifiques et, le cas échéant, de situations ponctuelles.
Lorsqu'il n'est pas en service, le fonctionnaire de police n'est autorisé à porter son arme que dans le ressort territorial où il exerce ses fonctions ou sur le trajet entre son domicile et son lieu de travail. Dans ce cas, l'utilisation de l'arme de service n'est légale qu'autant que le fonctionnaire de police accomplit, au moment de son usage ou de son exhibition, un acte de sa fonction ou rattachable à celle-ci.
L'arme est réintégrée à l'armurerie du service, avec les chargeurs et les munitions, lorsque le fonctionnaire de police bénéficie d'une interruption temporaire de service supérieure à celle du repos cyclique ou hebdomadaire.
[…] Le fonctionnaire de police est responsable, en tous temps, en tous lieux et en toutes circonstances, de la conservation de son arme individuelle, pour autant que celle-ci n'ait pas été déposée à l'armurerie ou en un lieu sécurisé de son service ou de son unité dans les conditions précitées. »