Le silence du conseil d'administration après l'augmentation par le directeur général d'une sa de l'espace ohada, de sa rémunération vaut-elle approbation de la mesure prise ?

Publié par Bérenger MEUKE le 03/06/2011 - Dans le thème :

Entreprise et association

| Lu 8358 fois |
0 réaction

En l'espèce,

Monsieur X s'est vu confié en date du 2 janvier 2008, le poste de Directeur Général de la Société Anonyme de Lomé (ayant son siège social au TOGO), responsabilité qu'il a assumé jusqu'en février 2010.

Entre 2008 et 2009, Monsieur X a procédé à la constitution de provision de charges de personnel pour ce qui concerne le poste de  Directeur Général le tout répertorié dans les comptes de la société.

Le Conseil d'Administration de la Société Anonyme de Lomé envisage d'annuler lesdites charges, se fondant en cela sur le fait  que Monsieur X a agit sans se référer à lui et sans aucune autorisation ni en amont ni en aval de la décision prise.

Il est de principe de reconnaitre qu'il est du ressort du Conseil d'Administration de déterminer les modalités et le montant de la rémunération du Directeur Général dans le cadre des sociétés anonymes.

L'Acte Uniforme relatif aux sociétés commerciales et du GIE  précise et affirme ce principe sans aucune ambigüité en son article 490.

C'est donc à raison que le Conseil d'Administration de la Société Anonyme de Lomé pourra solliciter l'annulation de la constitution de provisions de charges du Directeur Général sans son autorisation préalable.

Cependant, la solution n'est en réalité pas si évidente qu'elle le parâit.

I-             Le Conseil d'Administration d'une SA de l'espace OHADA peut-il solliciter en 2010, l'annulation de décisions prises par le Directeur Général entre 2008 et 2009 et dont il est censé avoir eu connaissance ?

Le rapport de gestion, présenté lors des assemblées générales annuelles tout comme les procédures de contrôle interne, rendent généralement compte de la gestion de la société et surtout des rémunérations totales et des avantages de toute nature versés durant l'exercice social à chaque mandataire de la société et aux dirigeants sociaux.

Le Conseil d'Administration de la Société Anonyme de Lomé aurait donc normalement eu connaissance de la décision prise par le Directeur Général quant à la rémunération en cause, de sorte que son silence pendant deux années vaudrait approbation.

II-           Le silence du Conseil d'Administration ne peut-il pas s'analyser comme une réunion d'approbation tacite et à postériori de la décision d' « auto-rémunération » du Directeur Général ?

L'Acte Uniforme sur les sociétés commerciales se contente de préciser que c'est au Conseil d'Administration de déterminer la rémunération du Directeur Général et la jurisprudence de l'espace OHADA n'apporte pas plus de précision sur la question.

En revanche, en se référant à une jurisprudence française constante et bien établie, le Conseil d'Administration d'une société anonyme a une compétence exclusive pour déterminer la rémunération du Directeur Général et ne peut ratifier la décision du dirigeant social qui, sans obtenir préalablement une décision du conseil, s'est alloué une rémunération.

Cass. Com 30 nov 2004, N° Pourvoi 01-13216

Cass. Com 4 juil 1995, N° Pourvoi 93-17969

C. E 6 avril 2001, N° 198233

Il en ressort que, la compétence du Conseil d'Administration est exclusive et préalable de sorte qu'aucune ratification expresse ou tacite n'est possible à posteriori.

Cass. Com 15 déc 1987, Bull Joly 1988 P. 80

D'ailleurs, le juge fiscal français dans des circonstances de faits similaires au cas de notre espèce, avait pris en compte le fait que la rémunération du Président n'ait pas été régulièrement approuvée par le Conseil d'Administration pour en refuser la déductibilité à la société versante.

C. Appel Bordeaux 10 avr 2001, RJF 8-9/2001 n° 1046

A la lumière de la jurisprudence française, le silence observé par le Conseil d'Administration de la Société Anonyme de Lomé ne pourrait donc s'analyser que très difficilement comme une ratification tacite et à postériori de la décision prise par Monsieur X, qui pour être valide, devrait nécessairement être approuvée au préalable et de façon exclusive par le Conseil.