Mécénat transfrontalier : entrée en vigueur de la procédure d'agrément des organismes établis sur le territoire européen
Entreprise et association
| Lu 7480 fois | 0 réactionSuite à l'arrêt « Hein Persche » de 2009[1], la plupart des législations européennes doivent se mettre en ordre de bataille pour étendre leur dispositif national de mécénat en cas de soutien par leurs résidents d'organismes établis sur le territoire des autres Etats membres.
L'enjeu est de taille pour les donateurs français, entreprises comme particuliers, qui bénéficient depuis 2003 sans doute de l'incentive fiscal le plus attractif au monde[2] !
Or, si dès 2009, le législateur français a étendu formellement l'application du dispositif du mécénat[3] aux dons réalisés au profit d'organismes d'intérêt général situés dans d'autres Etats européens[4], il aura fallu attendre la publication du décret[5] d'application de cette loi, ainsi que son arrêté[6], entrés en vigueur depuis le 3 mars 2011, pour connaitre les modalités d'application de la procédure d'agrément prévu par le texte de référence.
A l'appui de sa demande d'agrément, l'organisme établi sur le territoire doit démontrer qu'il est bien « d'intérêt général » au sens de la législation fiscale française.
La demande, qui s'apparente à un rescrit fiscal (tax ruling), doit être assortie de pièces justificatives et notamment :
- Une copie des statuts,
- Tout document attestant l'existence de l'organisme,
- Les comptes annuels, les rapports financiers et d'activité des trois dernières années,
- Les documents relatifs à la rémunération des dirigeants.
La demande d'agrément sera présentée aux services centraux de la Direction Générale des Finances Publiques (DGFiP), en langue française.
L'instauration de cette procédure d'agrément ouvre aux organismes d'intérêt général établis sur le territoire européen de nouvelles opportunités de collecte de dons à partir de la France, en permettant à leurs donateurs, contribuables français, de bénéficier d'un des régimes de mécénat les plus favorables au monde.
Pour autant, cette procédure d'agrément n'est pas obligatoire. Si l'organisme étranger n'a pas sollicité l'agrément, il appartiendra au contribuable, donateur français, de produire dans les délais de la déclaration d'impôt les pièces justificatives attestant que l'organisme gratifié remplit les conditions fixées par la procédure d'agrément. Compte tenu du risque d'engorgement des services centraux de la DGFiP, cette voie « unilatérale » pourra s'avérer plus efficace
[1] CJUE, 27 janvier 2009, n° 318/07
[2] Pour les particuliers :
- Article 200 1 du Code général des impôts : réduction d'impôt sur le revenu au taux de 66 % dans la limite de 20 % du revenu imposable du donateur (faculté de report de l'éventuel excédent sur les 5 années suivantes)
- Article 885-0 V bis A du Code Général des Impôts : réduction d'ISF au taux de 75% du montant du don effectué au profit de certains organismes d'intérêt général, dans la limite de 50.000 €
Pour les entreprises :
- Article 238 bis (entreprises) du Code général des impôts : réduction d'impôt sur les bénéfices au taux de 60 % de la valeur des dons dans la limite annuelle de 0.5 % de leur chiffre d'affaires (faculté de report de l'excédent sur les 5 exercices suivants)
[3] Tant au regard de l'impôt sur le revenu, que de l'impôt sur les sociétés et de l'impôt de solidarité sur la fortune : Article 35 de la loi de finances rectificative pour 2009
[4] Ainsi, le régime du mécénat a été étendu aux organismes situés dans un autre Etat de l'Union Européenne ou de l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention fiscale contenant une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l'évasion fiscale (plus pratiquement l'Islande, la Norvège et le Liechtenstein).
[5] Décret n° 2011-225 du 28 février 2011, JO du 2 mars 2011
[6] Arrêté du 28 février 2011, JO du 2 mars 2011