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"se substituer" n'est pas "se dédouanner" : sur l'étendue de l'article l.642-9 alinéa 3 du code de commerce
Entreprise et association
| Lu 8230 fois | 0 réactionLors du rachat d'une entreprise
en difficulté à la barre, de nombreux groupes montrent leurs plus beaux
apparats pour emporter la décision du Tribunal de Commerce sur leur
candidature : solidité financière, expérience sereine, perspectives
faramineuses dans un cadre structuré....
Mais voilà : derrière les plumes du paon se cache parfois le vide intersidéral.
Et
ces groupes, Ã la robustesse d'apparence, n'oublient jamais de faire
figurer, dans leur offre de rachat, une clause de substitution, qui leur
permet de faire reprendre l'entreprise mauribonde par une filiale,
créée ad hoc, pour l'occasion.
Lorsque
la filiale, toute jeune arrivée, ne tient pas la route, les créanciers
tentent, parfois, de rappeler à la société-mère ses engagements
d'origine...
Et
la société-mère d'opposer le fait qu'elle n'a jamais envisagé de
prendre elle-même la responsabilité de faire renaître le phenix de ses
cendres et qu'il est donc hors de question que l'on essaie de souffler
sur les braises en lui soutirant les euros que sa fililale, qui n'a pas
réussi à redresser la situation, serait seule à devoir.
La question de l'étendue de la responsabilité de la société-mère s'est posée devant les tribunaux.
D'une
irresponsabilité peu en adéquation avec une réflexion économique à long
terme, la tendance est à l'octroi d'une garantie effective des
engagements repris par la structure substituée.
La jurisprudence antérieure à la loi du 26 juillet 2005
L'arrêt de principe est celui de la chambre commerciale de la cour de cassation, en date du 7 janvier 2003, dont l'attendu qui a longtemps résonné dans le prétoir est le suivant :
«
Si l'offre de cession assortie d'une faculté de substitution ne
décharge pas son auteur de l'obligation d'exécuter le plan, cette
garantie ne s'étend pas à l'exécution des engagements résultant des
contrats cédés par le plan ».
En résumé, la seule garantie donnée par l'acquéreur temporairement en première ligne est de payer le prix de cession.
Si
la filiale exécute mal les contrats cédés, eh bien, tant pis pour le
créancier qui, non seulement n'aura pu récupérer qu'une modique somme
sur le prix de vente pour apurer les dettes passées, mais de surcroît,
aura dû parfois supporter les affres d'un nouveau débiteur, pas plus
respectueux que le précédent, et pourtant avalisé par un Tribunal de
Commerce pas peu fier de lui...
Economiquement,
une telle décision pousse les groupes les plus argentés à jouer aux
apprentis-chimistes lors de leur reprise :
- soit cela passe et ils auront récupéré des actifs à bas prix,
-
soit cela ne passe pas et ce sera la filiale qui trinquera, la
société-mère se lavant les mains de cet échec auquel elle ne saurait
être mêlée.
Que dit la loi du 26 juillet 2005 ?
La
loi du 26 juillet 2005 sur les procédures collectives est venue
subrepticement changer la donne, bien que le sujet ne semble pas avoir
été abordé de front lors des échanges parlementaires.
Un article L.624-9 s'est glissé dans le code de commerce. Il dispose, dans son alinéa 3 :
«
Toute substitution de cessionnaire doit être autorisée par le tribunal
dans le jugement arrêtant le plan de cession, sans préjudice de la mise
en oeuvre des dispositions de l'article L. 642-6. L'auteur de l'offre
retenue par le tribunal reste garant solidairement de l'exécution des
engagements qu'il a souscrits. »
La mention "l'exécution des engagements"
renvoie directement au libellé de l'arrêt de 2003 : le candidat
acquéreur devient un garant solidaire non pas d'un simple engagement de
payer le prix, mais bien de l'exécution des engagements souscrits, parmi
lesquels figure en général la reprise de différents contrats, qu'il
faudra donc bien respecter.
Divers
articles de doctrine ont évoqué cet article, parfois pour souligner le
revirement du législateur, d'autres fois pour minimiser cette
réécriture.
Mais
force est de constater que l'indication claire dans la loi de
l'existence d'une telle garantie du substituant est nouvelle et
l'utilisation du phrasé même de la cour de cassation est éloquent sur le
souhait sous-jacent de responsabiliser les acquéreurs qui ne sauraient
s'engager à la légère dans les reprises et tromper la foi du Tribunal de
Commerce pour faire supporter aux créanciers le risque de deux
faillites successives de leur cocontractant.
La jurisprudence postérieure au 26 juillet 2005
Disons le tout-de-go, la Cour de Cassation ne s'est pas encore prononcée sur le nouvel article L.624-9, alinéa 3 du Code de Commerce.
Un
arrêt de la Cour d'Appel de PARIS du 2 juillet 2010, qui avait utilisé
ce moyen pour rattraper une société-mère fuyante, a pu être cassé le 27
septembre 2011, mais la Haute Cour a précisé que la législation
applicable était celle antérieure au 26 juillet 2005, de sorte que son
ancienne jurisprudence ne dépareillait pas.
Un auteur a pu en conclure que la Cour de Cassation faisait un "effet d'annonce" et qu'elle allait réitérer sa jurisprudence de 2003 malgré les changements textuels de 2005.
Rien
n'est moins sûr et les juridictions de fond n'ont en tout cas pas
renoncé à voir appliquer la garantie légale dans toute sa largeur, en
attestent notamment des décisions récentes rendues par le Tribunal de
Commerce de PARIS (31 janvier 2012), le Tribunal de Grande Instance de PAU (9 février 2011) ou encore la Cour d'Appel de PAU (20 septembre 2011).
La
garantie peut alors vite devenir un gouffre, comme le cas de cette
société-mère condamnée à payer plus de deux ans et demi de loyers que la
cessionnaire substituée n'avait jamais pu assumer... En même temps, le
candidat acquéreur n'aurait-il pas dû renflouer sa filiale pour qu'elle
"tienne" la reprise, assumant ainsi véritablement l'image du sauveur
solvable qu'elle affichait devant le tribunal qui a retenu son offre ?
CONCLUSION : a fair "affaire" ?
Reconnaître
la garantie du candidat acquéreur dans sa plus large acception
permettrait un assainissement des reprises "à la pêche" et éviterait que
des entreprises ne revivent que le temps d'un soubresaut, lorsque la
situation, définitivement compromise, a pour origine des maux plus
profonds que le seul passif déclaré et la prétendue incompétence de ses
ex-dirigeants.