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Etre heureux, c'est tendance : quand les statistiques s'enquièrent de votre bien-être
Le bien-être, la qualité de vie ou encore la biodiversité devraient être pris en compte dans les statistiques de l'INSEE. Le document récapitulatif du rapport Stiglitz a été publié lundi. Il fait état de recommandations plutôt à contre-courant de notre société capitaliste, dans laquelle seules les données économiques permettent de mesurer la richesse d'un pays. Quand le PIB prend un coup de vieux, les bobos dansent !
Un œil différent sur la richesse d’un pays
Du 27 au 30 octobre 2009 s’est tenu 3ème Forum mondial de l'Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE) « Statistiques, Connaissances et Politiques » à Busan en Corée. Statisticiens, académiciens, et hommes politiques étaient réunis pour réfléchir à une nouvelle manière de mesurer les progrès et les échecs de nos sociétés. Les seuls indicateurs économiques dont nous disposons aujourd’hui ne seraient finalement plus suffisants. Après plusieurs dizaines d’années de règne sans partage, le PIB tombe de son piédestal. La qualité de vie, le « bien-être », voire le « bonheur » doivent être mesurés et pris en considération pour mesurer la richesse d’un pays.
Le président libéral sud-coréen, Lee Myung-bak, a reconnu que « la crise économique a démontré les limites du développement basé uniquement sur la croissance économique ».
En France, en février 2008, Nicolas Sarkozy a demandé à Joseph Stiglitz (Président), Amartya Sen (conseiller) et Jean- Paul Fitoussi (coordinateur) de mettre en place une commission « pour la Mesure des Performances Economiques et du Progrès Social » (CMPEPS). Sa mission était de déterminer les limites du PIB en tant qu’indicateur des performances économiques et du progrès social, de réexaminer les problèmes relatifs à sa mesure, d’identifier les informations complémentaires qui pourraient être nécessaires pour aboutir à des indicateurs du progrès social plus pertinents, d’évaluer la faisabilité de nouveaux instruments de mesure et de débattre de la présentation appropriée des informations statistiques.
La Commission a développé une « réflexion sur les moyens d'échapper à une approche trop quantitative, trop comptable de la mesure de nos performances collectives » et élaboré de nouveaux indicateurs de richesse.
Bien-être de la population, émissions de CO2… Une série de 15 indicateurs a été adoptée pour l'évaluation de la Stratégie nationale de développement durable.
L'Insee publiera en novembre prochain un dossier sur les conditions de vie, prenant en compte les différentes préconisations du rapport.
« Un indicateur de bien-être » sera proposé, et en 2011, un indicateur territorial de potentiel de biodiversité et une estimation de l'« empreinte eau » de la France seront mis en place.
Le bien-être et le bonheur pris en considération pour mesurer la richesse d’un pays. Une idée simple, mais une révolution idéologique et économique.
Les limites du PIB
Le PIB est le produit intérieur brut, c’est un indicateur économique qui mesure les richesses créées dans un pays donné sur une année donnée. Il se calcule en déterminant la valeur totale de la production de biens et services du pays pendant une année par les agents résidant à l’intérieur du territoire national.
En France, le PIB est apparu après la Seconde Guerre mondiale.
Le PIB ne tient compte que des indicateurs économiques. Il est pour cela vivement critiqué, ne prenant pas en considération (entre autres) : le temps, les inégalités dans la participation à la production ou à la consommation, dégradations apportées au patrimoine naturel, l'autoproduction (ou autoconsommation), le travail au noir, le bénévolat, ni le bien-être, le bonheur, ou encore la qualité de vie.
Certes, il parait difficile de mesurer le bonheur, mais d’autres indicateurs pourraient se voir intégrés aux statistiques, comme par exemple la qualité de vie.
Le rapport
La Commission a répertorié les principales dimensions qu’il conviendrait de prendre en considération :
i. les conditions de vie matérielles (revenu, consommation et richesse) ;
ii. la santé ;
iii. l’éducation ;
iv. les activités personnelles, dont le travail ;
v. la participation à la vie politique et la gouvernance ;
vi. les liens et rapports sociaux ;
vii. l’environnement (état présent et à venir) ;
viii. l’insécurité, tant économique que physique.
Elle conclut par « toutes ces dimensions modèlent le bien-être de chacun ; pourtant, bon nombre d’entre elles sont ignorées par les outils traditionnels de mesure des revenus. »
Pour prendre ces critères en considération, le rapport de la Commission sur « la mesure des performances économiques et du progrès social » émet ensuite des recommandations :
Recommandation n°1 : Dans le cadre de l’évaluation du bien-être matériel, se référer aux revenus et à la consommation plutôt qu’à la production.
Recommandation n°2 : Mettre l’accent sur la perspective des ménages.
Recommandation n°3 : Prendre en compte le patrimoine en même temps que les revenus et la consommation
Recommandation n°4 : Accorder davantage d’importance à la répartition des revenus, de la consommation et des richesses.
Recommandation n°5 : Élargir les indicateurs de revenus aux activités non marchandes. (emploi du temps, loisirs…)
Recommandation n°6 : La qualité de la vie dépend des conditions objectives dans lesquelles se trouvent les personnes et de leur « capabilités » (capacités dynamiques). « Il conviendrait d’améliorer les mesures chiffrées de la santé, de l’éducation, des activités personnelles et des conditions environnementales. »
Recommandation n°7 : Les indicateurs de la qualité de la vie devraient, dans toutes les dimensions qu’ils recouvrent, fournir une évaluation exhaustive et globale des inégalités.
Recommandation n°8 : Des enquêtes devront être conçues pour évaluer les liens entre les différents aspects de la qualité de la vie de chacun, et les informations obtenues devront être utilisées lors de la définition de politiques dans différents domaines
Recommandation n°9 : Les instituts de statistiques devraient fournir les informations nécessaires pour agréger les différentes dimensions de la qualité de la vie, et permettre ainsi la construction de différents indices.
Recommandation n°10 : Les mesures du bien-être, tant objectif que subjectif, fournissent des informations essentielles sur la qualité de la vie. Les instituts de statistiques devraient intégrer à leurs enquêtes des questions visant à connaître l’évaluation que chacun fait de sa vie, de ses expériences et priorités.
Pour la commission, le bien-être comprend différents aspects subjectifs (évaluation cognitive de la vie, bonheur, satisfaction, émotions positives comme la joie ou la fierté, émotions négatives comme la souffrance ou l’inquiétude), et « chacun de ces aspects devrait faire l’objet d’une mesure distincte afin de dégager une appréciation globale de la vie des personnes. »
On peut même trouver dans ce rapport un « Graphique représentant Trois scénarios différents concernant la soutenabilité et l’opportunité d’un changement de politique ».
« La Commission estime que loin de clore le débat, son rapport ne fait que l’ouvrir. »
Comment ça se passe ailleurs : le Bhoutan
Peut-être n’en avez-vous jamais entendu parler… C’est un petit pays situé dans l’est de la chaîne de l’Himalaya. Sa superficie est de 46 500 km2 et mesure environ 300 km dans sa longueur est-ouest, et 170 km dans le sens nord-sud.
Dans ce pays, le bonheur national brut (BNB) a été préconisé par le roi du Bhoutan en 1972. Cet indice veut définir le niveau de vie autrement. Le BNB a été hissé au rang de statistique officielle.
Le Bhoutan affiche un taux de croissance de 8% grâce à l’agriculture, l’industrie du bois, la production d’électricité et d’acier et le tourisme haut de gamme. Les Bhoutanais bénéficient aussi de systèmes d’éducation et de santé totalement gratuits.
Alors le BNB, ridicule ou précurseur ? …