La nécessité de trouble pour contester l’affectation d’un local situé dans une copropriété à une nouvelle activité

Publié par Caroline YADAN PESAH le 07/07/2015 - Dans le thème :

Immobilier et logement

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Cass. 3e civ. 24 mars 2015 n° 13-25.528 (n° 366 F-D), Sté Ziah c/ Sté LM.

La Cour de Cassation juge qu’un copropriétaire peut changer d’activité dans le local situé dans la copropriété, tant que la nouvelle activité ne cause pas de trouble à ses copropriétaires.

En l’espèce, un copropriétaire a changé son activité, de boulanger à restaurateur. La Cour de Cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel qui avait donné raison à un copropriétaire qui s’était plaint de ce changement d’activité, estimant que cette nouvelle activité ne causait pas de trouble audit copropriétaire.

« Sur le moyen unique

Vu les articles 8 et 9 de la loi du 10 juillet 1965 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 4 juillet 2013), que la société Ziah, aujourd'hui en liquidation judiciaire ayant la société Erwan X... pour mandataire liquidateur, a donné à bail commercial à la société Za les lots 1 et 5 d'un immeuble en copropriété, correspondant à un magasin et un appartement au rez-de-chaussée et un fournil et laboratoire au sous-sol ; que la la société LM, propriétaire des autres lots de l'immeuble, l'a assignée en remise en état et interdiction d'exploiter le restaurant ;

Attendu que pour accueillir cette demande, l'arrêt retient que la société Ziah, qui a modifié l'activité commerciale exercée dans le lot 1, a modifié l'affectation du lot, en ce que de local mixte, il est devenu exclusivement commercial ; que la nature de l'activité exercée entraîne une ouverture au public sensiblement différente de celle d'une boulangerie, tant dans les horaires d'ouverture que dans l'usage des lieux par les clients, que la contravention au règlement ne résulte pas de la violation de la clause d'habitation bourgeoise, qui ne concerne que les lots à usage exclusif d'habitation, mais de la modification de l'activité commerciale exercée dans le lot n° 1, entraînant une modification de la destination de l'immeuble ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que le lot 1 était à usage mixte, commercial et d'habitation, et sans relever que la nouvelle activité exercée dans ce lot causait un trouble à la société LM, seule autre copropriétaire, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné Me Erwan X... en qualité de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Ziah à faire cesser définitivement l'exploitation d'un restaurant ouvert au rez-de-chaussée de l'immeuble en copropriété du 20 rue poissonnière à Lorient dans les locaux destinés à l'habitation du lot 1, l'arrêt rendu le 4 juillet 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ;

Condamne la société LM aux dépens ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mars deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP de Nervo et Poupet, avocat aux Conseils, pour la SCI Ziah et la SCP X... Erwan, représentée par M. X..., ès qualités

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR condamné Maître Erwan X..., pris en sa qualité de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la SCI Ziah, à faire cesser définitivement l'exploitation du restaurant ouvert au rez-de-chaussée de l'immeuble en copropriété du 20, rue Poissonnière, à Lorient, dans les locaux destinés à l'habitation du lot n° 1

AUX MOTIFS QUE le changement de nature de l'activité commerciale, dans un lot où le règlement de copropriété autorisait l'exercice du commerce, n'impliquait pas par lui-même une modification de la destination de l'immeuble et pouvait s'effectuer librement, sous réserve de ne porter atteinte, ni aux droits des autres copropriétaires, ni à des limitations conventionnelles justifiées par la destination de l'immeuble ; que le règlement de copropriété décrivait le rez-de-chaussée (lot n° 1) comme composé de « magasin à usage de boulangerie, salle de séjour, cuisine, débarras, douche, WC, cabinet de toilette, chambre, séchoir » ; qu'il prévoyait que tout copropriétaire serait responsable des infractions au règlement perpétrées par les occupants des lieux ; que les locaux destinés à l'habitation ne pourraient être occupés bourgeoisement ; qu'il ressortait de ce règlement que le lot N° 1 était un local mixte, dont la partie à usage d'habitation n'était pas isolée de la partie à usage commercial ; que la partie commercial était définie comme boulangerie, ce qui impliquait que les heures généralement dévolues au repos des occupants de l'immeuble n'étaient pas perturbées par l'ouverture au public du local commercial ; qu'il en ressortait également que la partie habitation de ce local impliquait une compatibilité entre l'exercice du commerce et un usage du lot à des fins personnelles ; que la SCI Ziah avait modifié l'activité commerciale exercée dans le lot n° 1 et donc modifié l'affectation du lot, en ce que de local mixte, il était devenu exclusivement commercial ; que la nature de l'activité exercée entraînait une ouverture au public sensiblement différente de celle d'une boulangerie, tant dans les horaires d'ouverture que dans l'usage des lieux par les clients ; que dès lors la contravention au règlement ne résultait pas en l'espèce de la violation de la clause d'habitation bourgeoise, qui ne concernait que les lots à usage exclusif d'habitation, mais la modification de l'activité commerciale exercée dans le lot n° 1, entraînant une modification de la destination de l'immeuble ; qu'il serait donc ordonné au mandataire liquidateur intimé de faire cesser définitivement l'activité du restaurant dans les locaux destinés à l'habitation du lot n° 1 ; (arrêt, page 5)

ALORS QUE la seule constatation de la modification de la destination de l'immeuble ne suffit pas pour que le juge ordonne la cessation de l'activité qui entraîne cette modification ; que le juge doit également constater que cette modification cause un trouble au (x) copropriétaire (s) ; qu'en se contentant d'énoncer, dans des motifs abstraits et généraux, que la nature de l'activité exercée (restaurant) différait de celle d'une boulangerie, tant dans les horaires d'ouverture que dans l'usage des lieux par les clients, sans expliquer en quoi cela pouvait un constituer un trouble pour l'unique copropriétaire de l'immeuble, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 8 et 9 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 ;

ET ALORS QUE, de surcroît, en interdisant l'exploitation du restaurant dans la seule partie du lot n° 1 destinée à l'habitation, et non point dans la partie dévolue au commerce, la Cour d'appel a, implicitement mais nécessairement, admis que l'activité de restaurant, en soi, ne causait pas de trouble ; que la Cour d'appel a donc violé les articles 8 et 9 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965. »