Propos généraux sur les mandats immobiliers exclusifs
Immobilier et logement
| Lu 7802 fois | 0 réactionGraal des agents immobiliers, le mandat exclusif rassure et inquiète.
Rassurant, il l'est certainement pour son bénéficiaire (le « mandataire »)
qui se voit offrir l'opportunité de négocier sur un bien, sans se
retrouver sous la menace et la rude concurrence des agences voisines
souvent prêtes à faire des yeux plus doux (et des concessions en terme
de commission) au propriétaire (le « mandant »).
Dans
une moindre mesure, le mandat exclusif peut motiver un mandant qui
souhaite réaliser rapidement une opération et qui met ainsi à la charge
du mandataire une certaine pression, en exigeant de sa part attention et
célérité.
Inquiétant,
il peut le devenir lorsque les diligences utiles ne sont pas accomplies
par le mandataire ou encore lorsque le mandant souhaite faire feu de
tout bois pour ne pas passer à côté d'une affaire encore plus
rémunératrice pour lui (opération effectuée directement par le mandant,
autres mandataires moins onéreux, offres à meilleur prix...).
Pour
éviter que cet outil spécifique ne soit utilisé sans précaution
protectrice de l'intérêt des clients non professionnels, le décret n°
72-678 du 20 juillet 1972 a strictement fixé, pour les intermédiaires
professionnels, les contours du mandat exclusif, que les tribunaux ont
pu être amenés à préciser ou à rappeler.
Les
mesures concernées doivent être également étudiées, à l'aune de la
remise au goût du jour de l'activité de mandataire en transactions
immobilières pour les avocats.
La validité
Il
résulte de l'article 78 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 qu'une
clause d'exclusivité stipulée dans un mandat ne peut recevoir
application qu'à une triple condition :
Sur
ce dernier point, la Cour de Cassation n'hésite pas à annuler
l'exclusivité insérée dans un contrat de mandat qui n'aurait pas été
rédigé en double exemplaire (Cass. 1re civ., 26 nov. 1980 : Bull.
civ. I, n° 307 ; D. 1981, inf. rap. p. 196 ; RD imm. 1981, p. 399, obs.
C. Lombois. - 5 mai 1982 : JCP G 1983, II, 20064, note Guillot ; RD imm.
1982, p. 535 et 1984, p. 71, obs. C. Saint-Alary-Houin), dont l'un n'aurait pas été remis immédiatement au mandant (Cass. 1re civ., 25 févr. 2010, n° 08-14787. - Rappr., Cass. 1re civ., 24 mai 1989 : Bull. civ. 1989, I, n° 208)
L'application
de la sanction par la Cour de Cassation est particulièrement sévère
dans le cas de la dernière espèce citée, le mandat, et non pas la seule
clause d'exclusivité, étant frappé d'une nullité totale, du fait de la
violation de dispositions d'ordre public.
Il
est donc conseillé à l'intermédiaire d'insérer une clause dans le
mandat, précisant que le mandant reconnaît expressément avoir reçu un
exemplaire du mandat au jour de la signature, en caractères suffisamment
apparents pour éviter toute discussion ultérieure.
Le terme
Du
fait de l'exclusivité dont bénéficie l'agent immobilier, le mandat ne
peut être à durée illimitée, sans mettre en danger le mandant qui doit
pouvoir reprendre la main sur l'opération envisagée (Cass. 1re civ.,
22 avr. 1986 : Bull. civ. 1986, I, n° 92. - Cass. 1re civ., 6 déc.
1994 : Bull. civ. 1994, I, n° 356 ; JCP G 1995, IV, 329).
Il a ainsi été jugé que :
On
peut néanmoins envisager que le mandat ne précise pas de durée, ce qui,
compte tenu de l'interdiction, en droit français, des engagements
perpétuels, le rend révocable à tout moment.
Toutefois,
cette faculté de révocation est strictement encadrée par l'article 78
alinéa 2 du décret du 20 juillet 1972 : ce n'est qu'une fois passé un
délai de trois mois à compter de sa signature, que la révocation peut
avoir lieu.
Elle
ne prendra effet qu'à l'issue d'un délai de 15 jours suivant sa
notification au mandataire par lettre recommandée avec demande d'avis de
réception adressée.
Cependant,
les règles concernant la dénonciation du mandat exclusif sont
expressément exclues par le décret de 1972, lorsque le mandat est donné
en vue de :
Une clause d'irrévocabilité insérée dans un mandat exclusif ne saurait donc valoir que pour les 3 premiers mois de sa durée.
La
révocation du mandat n'affecte pas la clause pénale qui sanctionnerait
le fait, pour le mandant, de réaliser l'opération sur le bien concerné
avec un acquéreur présenté par l'intermédiaire (Cass. 1re civ., 9 mai 1990 : JCP G 1990, IV, 255).
La sanction
L'opération réalisée en violation d'une clause d'exclusivité ne peut être remise en cause.
Toutefois,
le mandant devient potentiellement redevable de dommages et intérêts
envers le mandataire qui bénéficiait de l'exclusivité.
Cet
aspect est souvent envisagé de manière chiffrée dans une clause pénale,
qui, le législateur faisant bien les choses, est soumise aux mêmes
conditions de validité que la clause d'exclusivité.
Pour
parer à tous litiges, une information complète du mandataire,
directement reprise dans le mandat, n'est pas dénuée d'intérêt.
En particulier, il sera précisé :
Une application aux avocats ?
Rappelée avec force par le Barreau de Paris dont le règlement intérieur (« RIBP »)
a intégré un nouvel article P.6.2.0.4 y relatif, la faculté pour les
avocats de réaliser, à titre accessoire, des activités de mandataire en
transactions immobilières, n'entraîne pas pour autant l'application
automatique des dispositions susvisées dans le cadre des mandats
exclusifs qu'ils seraient amenés à conclure avec leurs clients.
Les
avocats ne sont en effet pas soumis aux exigences du décret du 20
juillet 1972, son article 95 excluant explicitement toute application de
ses dispositions à la profession.
Les
règles de validité du mandat exclusif de l'article 78 du décret de 1972
ne sont donc a priori pas valables pour les avocats.
Toutefois,
pour éviter toute discussion, la présence d'une clause d'exclusivité
expresse dans le mandat qu'ils feront signer à leur client s'impose.
Le
RIBP, quant à lui, dans son annexe XV, exige, même en l'absence de
clause d'exclusivité, qu'une copie du mandat soit remise au mandant.
En ce qui concerne la durée du mandat, le RIBP dispose :
« En
vertu de son devoir de conseil, l'avocat ne doit accepter de mandat que
limité à une durée raisonnable tenant compte notamment des pratiques
habituelles et usages locaux en matière de négociation et des
particularités du bien à négocier. »
Un mandat exclusif conclu au profit d'un avocat ne saurait donc être à durée indéterminée ou illimitée.
L'irrévocabilité
du mandat pendant toute sa durée pourra faire l'objet d'une stipulation
expresse, sauf, à notre avis, à dépasser les 3 mois visés dans le
décret de 1972, qui pourrait s'imposer comme pratique habituelle de
référence.
A
défaut de clause d'irrévocabilité, le mandant ne saurait révoquer un
mandat exclusif conclu au profit d'un avocat, avant un délai raisonnable
(Cass. 1re civ., 3 mars 1964 : D. 1965, jurispr. p. 73, note
J. Hémard ; JCP G 1964, II, 13604, concl. R. Lindon. - 3 nov. 1965 :
Bull. civ. I, n° 581).
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Un
mandat immobilier est un contrat comme les autres, de sorte qu'il tient
lieu de loi entre les parties. Ceci constitue une raison supplémentaire
pour ne pas accepter systématiquement la signature de contrats types,
incluant des clauses d'exclusivité dont la rédaction ne conviendrait pas
au mandant.
Cette remarque est particulièrement vrai pour les mandats exclusifs conclus avec des avocats qui devront inventer leurs propres contrats, en respectant les souhaits du mandant et le cadre, aujourd'hui assez souple, posé par les règlements intérieurs des barreaux.