Sanctions pénales encourues par un constructeur de maisons individuelles en cas de travaux sans garantie de livraison
Immobilier et logement
| Lu 7951 fois | 0 réactionCass. crim. 4 novembre 2014 n° 13-88.408 (n° 5449 FS-PB)
La chambre criminelle de la Cour de Cassation estime qu’un constructeur de maisons individuelles peut être condamné au pénal et encoure 2 ans de prison et une amende de 37 500€ pour avoir fait effectuer les travaux sans garantie de livraison. Toutefois, elle censure l’arrêt d’appel selon lequel le constructeur peut être déclaré coupable pour la non restitution des sommes versées lorsque le contrat de prêt n’a pas pu être conclu (article L312-35 du Code de la Consommation), estimant alors que le constructeur de maisons individuelles ne rentre pas dans la liste limitative des personnes pouvant être reconnues coupables de ce délit.
« Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. M., gérant de la société Z., a été poursuivi pour avoir, d’une part, exécuté des travaux de construction de maisons individuelles, sans garantie de livraison, faits prévus à l’article L241-8 du code de la construction et de l’habitation, d’autre part, omis de procéder au remboursement des sommes versées pour la construction de maisons individuelles alors que le prêt n’a pu être conclu, faits prévus à l’article L312-35 du code de la consommation ;
Attendu que le tribunal correctionnel a déclaré le prévenu coupable et l’a condamné pour ces infractions ; que ce dernier et le ministère public ont relevé appel de cette décision ;
En cet état ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L 241-8, L 231-6, L 232-2 du code de la construction et de l’habitation, 121-1 et 121-3 du code pénal, 2, 3, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l’arrêt attaqué a déclaré M. M. coupable d’avoir exécuté des travaux de construction de maisons individuelles, notamment au bénéfice de M. et Mme O., de F. B., de Mmes T. et G., sans détention de la garantie de livraison ;
"aux motifs qu’il est établi que M. M. a fait la publicité concernant la société Z. dont il était le gérant par plusieurs moyens ; qu’il a conclu un contrat avec le cabinet P. l’autorisant à présenter « les produits » de la société qu’il gérait et non la prestation intellectuelle qu’il prétend avoir offerte ; qu’il a lui-même publié des annonces sur le site internet « seloger.com » faisant apparaître un prix concernant le terrain et la maison et indiquant que le prix variait en fonction du terrain et de la maison proposée selon quatre plans types dénommés « Emeraude, Rubis, Jade et Pierre de Lune » ; M. et Mme O. ont contracté pour une maison « Emeraude », M. et Mme Z. pour une maison « Pierre et Lune » et les publicités du cabinet P. dont M. M. était entièrement responsable nonobstant ses dénégations corroborent les déclarations de M. O. et Mme Z. qui ont réaffirmé devant la cour qu’ils avaient commandé « une maison clefs en mains » ; que contrairement à ce qu’affirme M. M., le fait que le plan de la maison des époux B. ait été confié à un architecte ne constitue pas un élément de nature à démontrer que Z. n’était pas constructeur de maisons individuelles au sens de l’article L 131-1 du code de la construction et de l’habitation dès lors que c’est Z. qui a porté le projet chez l’architecte de son choix et qui ensuite a dirigé les entreprises qu’elle avait choisies ; qu’en effet, les pièces du dossier établissent que les clients de Z. avaient le choix du prix de la maison qui déterminait le choix des entreprises par Z. laquelle s’engageait sur le prix de la maison et non sur celui de la recherche d’entreprises en fonction du budget des clients ; que la survenance de l’entreprise M. sur les chantiers sans même que les clients n’en aient été informés est une illustration de ce fonctionnement et corrobore encore le fait que Z. était constructeur de maisons individuelles et non maître d’oeuvre chargé d’une mission complète comme le prétend M. M. dont les dénégations ne sont pas crédibles face aux déclarations concordantes des cocontractants ; que ces dénégations sont d’autant moins crédibles que le contrat d’agent commercial mandataire signé par M. M. et Mme S. mentionne « l’agent commercial prospecte la clientèle en vue de réaliser la vente de villas clefs en mains de la gamme commercialisée par Z. », que le contrat de travail signé avec Mme R. stipule « le salarié devra notamment assurer (…) la vente de produits Z. », que le courrier adressé au cabinet P. formalisant la relation contractuelle entre Z. et ce cabinet mentionne « Nous soussignés Z. déclarons par la présente autoriser le cabinet immobilier P. à pré-commercialiser les produits proposés par notre société » ; qu’en conséquence, ce n’est ni une prestation intellectuelle entrant dans l’objet social de Z. qui apparaît dans les termes suivants sur l’extrait kbis « conseils et assistances aux particuliers en matière de construction de maisons individuelles » ni une mission complète de maîtrise d’oeuvre mais une activité de construction de maisons individuelles qu’a organisée M. M. en toute connaissance de cause, la multitude d’assignations devant les juridictions civiles et les variations nombreuses pour qualifier l’activité de M. M. et de Z. révélant la volonté de M. M. d’échapper aux dispositions légales impératives et protectrices du code de la construction qui lui imposaient de souscrire une garantie de livraison ; qu’en conséquence, le jugement entrepris doit être confirmé en ce qui déclaré M. M. coupable des faits de constructions de maisons individuelles sans garantie de livraison ;
"1°) alors que la fourniture du plan constitue l’élément substantiel du contrat de construction d’une maison individuelle, au sens de l’article L 231-1 du code de la construction et de l’habitation ; qu’en l’espèce, le demandeur a fait valoir dans ses conclusions d’appel que les plans présentés par la société Z. ne provenaient que de réalisations déjà effectuées et ne constituaient que des propositions, laissant au maître de l’ouvrage la liberté de les accepter ou de confier le dessins des plans à un architecte, ainsi que l’ont fait, notamment, M. et Mme B. ; qu’en estimant au contraire que le fait que le plan de la maison des époux B. ait été confié à un architecte n’était pas de nature à démontrer que la société Z. n’était pas constructeur de maisons individuelles au sens de l’article L 231-1 du code de la construction et de l’habitation, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
"2°) alors qu’aux termes du contrat type dit « contrat d’assistance à maître d’ouvrage » établi par la société Z., « le maître d’ouvrage signe les pièces du marché après avoir fixé son choix sur les entreprises chargées par lui de l’exécution des travaux », ce dont il résulte que le client a seul la maîtrise du choix des entreprises chargées de la construction ; que, dès lors, en se déterminant par la circonstance que les clients n’avaient le choix que du prix de la maison qui déterminait le choix des entreprises par la société Z., pour en déduire que cette dernière exerçait une activité de construction de maisons individuelles, sans répondre au moyen péremptoire des conclusions du demandeur, faisant valoir que selon les contrats de la société Z., le maître de l’ouvrage avait le choix des entreprises, la cour d’appel a violé l’article 593 du code de procédure pénale" ;
Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué et du jugement qu’il confirme mettent la Cour de cassation en mesure de s’assurer que la cour d’appel a, par motifs propres et adoptés, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu’intentionnel, l’infraction de construction de maisons individuelles sans garantie de livraison, dont elle a déclaré le prévenu coupable, et a ainsi justifié l’allocation, au profit des parties civiles, de l’indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;
D’où il suit que le moyen, qui revient à remettre en question l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L 312-35, L 312-14, L 312-16, L 312-15, L 312-2, R. 312-1 et R. 312-2 du code de la consommation, 111-4, 121-1 et 121-3 du code pénal, 2, 3, 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l’arrêt attaqué a déclaré M. X. M. coupable d’avoir omis de procéder au remboursement des sommes versées pour la construction d’une maison par Cécile Q. et Laurent Y., alors que le prêt immobilier n’avait pu être conclu ;
"aux motifs qu’il résulte de l’article L 312-2 du code de la consommation que les dispositions visées dans la prévention relatives aux faits réprimés par l’article L 312-35, alinéa 1, du code de la consommation sont applicables à tout crédit immobilier sollicité en vue de l’acquisition d’un terrain ou d’un immeuble à usage d’habitation ou de la construction d’un immeuble à usage d’habitation ; qu’en conséquence, contrairement à ce que prétend M. M., ces dispositions sont applicables au constructeur de maison individuelle qui connaissait la nécessité d’obtention d’un prêt et sont d’ailleurs également applicables aux prestations de maîtrise d’oeuvre qu’il prétend à tort avoir seules stipulées ; que comme il est établi par les courriers au dossier et par les déclarations de M. M. que celui-ci a conservé les 4 000 euros versés par Mme Q. et M. Y. uniquement parce que sa société avait besoin de trésorerie alors qu’il savait qu’il devait restituer cette somme, les cocontractants n’ayant pas obtenu le prêt indispensable au financement du projet, le jugement entrepris doit également être confirmé en ce qui concerne la déclaration de culpabilité de ce chef ;
"alors que la loi pénale est d’interprétation stricte ; que si l’article L 312-2 du code de la consommation s’applique à tout crédit immobilier, il résulte de l’article L 312-35 du même code qu’en cas d’inexécution de l’obligation de remboursement prévue à l’article L 312-16, seuls peuvent être poursuivis pénalement le prêteur de deniers ou le vendeur ; que, dès lors, en estimant au contraire que ces dispositions sont applicables au constructeur d’une maison individuelle qui connaissait la nécessité d’obtention d’un prêt ainsi qu’aux prestations du maître d’oeuvre, la cour d’appel a violé les textes susvisés" ;
Vu les articles L 312-35, alinéa 1, L 312-14, L 312-16, ensemble l’article L 312-30 du code de la consommation ;
Attendu que le premier de ces textes ne réprime le défaut de restitution des sommes versées, en infraction aux autres textes susvisés, que lorsqu’il est commis par le prêteur ou par le vendeur d’immeuble à construire ou par le bailleur ;
Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable du délit prévu à l’article L 312-35 du code de la consommation, pour avoir omis de procéder au remboursement des sommes versées pour la construction d’une maison individuelle alors que le contrat de prêt n’a pu être conclu, la cour d’appel énonce que l’article L 312-35, alinéa 1, du code de la consommation est applicable à tout crédit immobilier sollicité en vue de l’acquisition d’un terrain ou d’un immeuble à usage d’habitation ou de la construction d’un immeuble à usage d’habitation et qu’en conséquence, ces dispositions sont applicables au constructeur de maison individuelle ;
Mais attendu qu’en statuant ainsi, alors que le constructeur de maisons individuelles ne figure pas dans l’énumération limitative des personnes susceptibles de commettre le délit prévu à l’article L 312-35 du code de la consommation, la cour d’appel a méconnu les textes visés au moyen ;
D’où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
Casse et Annule l’arrêt susvisé de la cour d’appel de Lyon, en date du 28 novembre 2013, mais en ses seules dispositions relatives à la déclaration de culpabilité de l’infraction prévue au code de la consommation et à celles relatives aux peines, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu’il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ;
Renvoie la cause et les parties devant la cour d’appel de Dijon, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil »