Pas de caractère alimentaire des pensions versées à des enfants majeurs détachés usufruitiers d’une sci
Impôts et fiscalité
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Dans cet arrêt, le Conseil d’Etat précise que les sommes versées à un enfant étudiant majeur qui bénéficie des revenus fonciers d’une SCI ne peuvent pas être qualifiées de pension alimentaire.
Lorsqu’un parent verse à ses enfants majeurs non rattachés une somme, la qualification de ces sommes de « pension alimentaire » permet de les déduire du revenu global de son foyer fiscal.
Toutefois, afin que cette qualification s’applique, les sommes doivent effectivement avoir un caractère alimentaire. Or, l’article 208 du Code civil précise que : « Les aliments ne sont accordés que dans la proportion du besoin de celui qui les réclame, et de la fortune de celui qui les doit ».
En l’espèce, les parents avaient fait donation à leurs enfants de l’usufruit des parts d’une SCI dont ils étaient nu-propriétaires. Ils avaient ensuite affecté les revenus du bien au remboursement d’un prêt. Leurs enfants se retrouvant ainsi privés des revenus du bien, ils leurs avaient reversé une somme qu’ils avaient qualifié de pension alimentaire et ainsi déduit de leur revenu global. Le Conseil d’Etat rejette cette qualification en retenant que les enfants bénéficiant de revenus fonciers, ces sommes n’avaient pas de caractère alimentaire.
CE 23 décembre 2011, n° 338142
« Vu le pourvoi sommaire et le mémoire
complémentaire, enregistrés les 30 mars et 30 juin 2010 au secrétariat du
contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. et Mme Jean-Paul A, demeurant
... ; M. et Mme A demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 08NC00672 du 1er février
2010 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté leur requête
tendant à l'annulation du jugement n° 0601419 du 13 mars 2008 par lequel le
tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande tendant à la décharge
des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été
assujettis au titre des années 2002 à 2004, à la décharge de ces impositions et
à ce que l'Etat soit condamné à leur reverser la somme de 13 766 euros qu'ils
ont payée à ce titre, augmentée des intérêts à compter du 3 avril 2008 ;
2°) réglant l'affaire au fond, de prononcer la
décharge des impositions contestées ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures
fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Maxime Boutron, Auditeur,
- les observations de la SCP de Chaisemartin,
Courjon, avocat de M. et Mme A,
- les conclusions de M. Laurent Olléon, rapporteur
public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP de
Chaisemartin, Courjon, avocat de M. et Mme A ;
Considérant qu'aux termes de l'article 156 du code
général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en
litige : L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu
net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. Ce revenu net est déterminé (...)
sous déduction : (...) II. Des charges ci-après lorsqu'elles n'entrent pas en
compte pour l'évaluation des revenus des différentes catégories : (...) 2°
(...) pensions alimentaires répondant aux conditions fixées par les articles
205 à 211 et 367 du code civil (...) ; que l'article 208 du code civil dispose
: les aliments ne sont accordés que dans la proportion du besoin de celui qui
les réclame et la fortune de celui qui les doit (...) ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier
soumis aux juges du fond que M. et Mme A ont demandé la déduction de leur
revenu global imposable à l'impôt sur le revenu au titre des années 2002 à 2004
du montant de la pension versée à leur deux filles majeures étudiantes, qui ne
sont pas rattachées à leur foyer fiscal ; que ces dernières ont déclaré, pour
les années concernées, des revenus fonciers correspondant aux bénéfices des
deux sociétés civiles immobilières (SCI) du Collège et Studer, dont elles ont
reçu des parts en usufruit par acte de donation du 28 décembre 2002 ; qu'en
vertu des statuts de ces SCI, M. et Mme A ont conservé la nue-propriété de
l'essentiel des parts et, en qualité de nus-propriétaires, détiennent les
droits de vote pour la plus grande partie des décisions collectives ; que Mme A
est gestionnaire de la SCI du Collège et partage avec son époux la co-gérance
de la SCI Studer ; qu'après avoir relevé que chacune de leurs deux filles avait
perçu des revenus fonciers nets suffisants pour subvenir à leurs besoins, la
cour administrative d'appel de Nancy a jugé que les requérants n'étaient pas
fondés à soutenir que ces revenus devaient être diminués notamment de la charge
du remboursement d'un emprunt souscrit par la SCI Studer, au motif qu'elles
avaient choisi une affectation de leurs revenus destinée à l'augmentation du
patrimoine de leurs parents, nu-propriétaires, de sorte qu'elles s'étaient mises
elles-mêmes en situation de besoin au sens des dispositions de l'article 208 du
code civil ;
Considérant qu'en statuant ainsi, alors que les
intéressées n'étaient pas parties à l'acte notarié du 27 septembre 2004 par
lequel, en vertu d'une délégation imparfaite de paiement, la charge de
l'emprunt souscrit le 9 novembre 1997 par M. et Mme A, avant que leurs filles
ne deviennent usufruitières des parts de ces sociétés, avait été transférée par
les requérants à la SCI Studer, la cour a dénaturé les faits et les pièces du
dossier ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens
du pourvoi, son arrêt doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances
de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de
l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
Considérant que, pour refuser la qualification de
pensions alimentaires déductibles de leurs bases d'imposition à l'impôt sur le
revenu au titre des années 2002 à 2004 aux sommes versées par M. et Mme A à
leurs filles, le tribunal administratif de Besançon a estimé que celles-ci
avaient choisi une affectation de leurs revenus destinée à l'augmentation du
patrimoine de leurs parents et devaient par suite être regardées comme s'étant
mises elles-mêmes en situation de besoin ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus,
les deux filles des requérants n'ont pas décidé d'affecter leurs revenus au
remboursement de l'emprunt transféré à la charge de la SCI Studer ; que, par
suite, les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal
s'est fondé sur ce motif pour rejeter leur demande ;
Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil
d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel,
d'examiner les autres moyens soulevés par les requérants devant le tribunal
administratif de Besançon ;
Considérant que, pour pouvoir déduire de leur
revenu global imposable à l'impôt sur le revenu le montant des pensions versées
à leurs deux filles majeures étudiantes, il appartient aux requérants
d'apporter la preuve, d'une part, qu'ils étaient en mesure de verser de telles
sommes et, d'autre part, que ces sommes étaient nécessaires à la satisfaction
des besoins de leurs deux filles, au sens de l'article 208 du code civil ;
qu'il n'est pas contesté que M. et Mme A sont bien en mesure de verser les
pensions litigieuses à leurs filles ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 du code
général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en
litige : Sous réserve des dispositions de l'article 6, les associés des
sociétés en nom collectif et les commandités des sociétés en commandite simple
sont, lorsque les sociétés n'ont pas opté pour le régime des sociétés de
capitaux, personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part des
bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société. En cas de
démembrement de la propriété de tout ou partie des parts sociales,
l'usufruitier est soumis à l'impôt sur le revenu pour la quote-part
correspondant aux droits dans les bénéfices que lui confère sa qualité
d'usufruitier. Le nu-propriétaire n'est pas soumis à l'impôt sur le revenu à
raison du résultat imposé au nom de l'usufruitier. / Il en est de même, sous
les mêmes conditions : / 1° des membres des sociétés civiles qui ne revêtent
pas, en droit ou en fait, l'une des formes des sociétés visées à l'article
206-1 et qui, sous réserve des exceptions prévues à l'article 239 ter, ne se
livrent pas à des opérations visées aux articles 34 et 35 (...) ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que
les bénéfices des sociétés de personnes relevant de l'impôt sur le revenu sont
réputés réalisés dès la clôture de l'exercice et acquis, à cette date, à chacun
des associés ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'administration ne pouvait
prendre en compte les revenus fonciers des SCI dans l'appréciation de la
situation de besoin des filles des requérants, au motif que ces dernières
n'auraient pas eu la libre disposition de ces sommes, ne peut qu'être écarté ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les
filles de M. et Mme A ont chacune déclaré des revenus, pour les années
concernées, correspondant aux bénéfices des sociétés civiles immobilières
Studer et du Collège pour des montants de 13 647 euros en 2002, 15 977 euros en
2003 et 18 366 euros en 2004 ;
Considérant que, si M. et Mme A soutiennent que
leurs filles poursuivaient, lors des années d'imposition 2002 à 2004, des
études supérieures les empêchant de subvenir elles-mêmes à leurs besoins et
nécessitant un effort financier important de leurs parents, notamment pour la
prise en charge des frais de scolarité et de logement, ils n'apportent pas la
preuve que les dépenses invoquées étaient supportées directement par leurs deux
filles et que les revenus fonciers déclarés ne leur procuraient pas les
ressources suffisantes pour y faire face ; que, par suite, M. et Mme A ne sont
pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal
administratif de Besançon a rejeté leur demande ;
Considérant que les dispositions de l'article L.
761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit
mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance,
la partie perdante ;
DECIDE:
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative
d'appel de Nancy du 1er février 2010 est annulé.
Article 2 : La requête présentée par M. et Mme A
devant la cour administrative d'appel de Nancy et le surplus des conclusions de
leur pourvoi sont rejetés.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à
M. et Mme Jean-Paul A et à la ministre du budget, des comptes publics et de la
réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement. »