Pas de caractère alimentaire des pensions versées à des enfants majeurs détachés usufruitiers d’une sci

Publié par Caroline YADAN PESAH le 09/02/2016 - Dans le thème :

Impôts et fiscalité

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Dans cet arrêt, le Conseil d’Etat précise que les sommes versées à un enfant étudiant majeur qui bénéficie des revenus fonciers d’une SCI ne peuvent pas être qualifiées de pension alimentaire.  

Lorsqu’un parent verse à ses enfants majeurs non rattachés une somme, la qualification de ces sommes de « pension alimentaire » permet de les déduire du revenu global de son foyer fiscal.

Toutefois, afin que cette qualification s’applique, les sommes doivent effectivement avoir un caractère alimentaire. Or, l’article 208 du Code civil précise que : « Les aliments ne sont accordés que dans la proportion du besoin de celui qui les réclame, et de la fortune de celui qui les doit ».

En l’espèce, les parents avaient fait donation à leurs enfants de l’usufruit des parts d’une SCI dont ils étaient nu-propriétaires. Ils avaient ensuite affecté les revenus du bien au remboursement d’un prêt. Leurs enfants se retrouvant ainsi privés des revenus du bien, ils leurs avaient reversé une somme qu’ils avaient qualifié de pension alimentaire et ainsi déduit de leur revenu global. Le Conseil d’Etat rejette cette qualification en retenant que les enfants bénéficiant de revenus fonciers, ces sommes n’avaient pas de caractère alimentaire.   

CE 23 décembre 2011, n° 338142

« Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 30 mars et 30 juin 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. et Mme Jean-Paul A, demeurant ... ; M. et Mme A demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 08NC00672 du 1er février 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté leur requête tendant à l'annulation du jugement n° 0601419 du 13 mars 2008 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2002 à 2004, à la décharge de ces impositions et à ce que l'Etat soit condamné à leur reverser la somme de 13 766 euros qu'ils ont payée à ce titre, augmentée des intérêts à compter du 3 avril 2008 ;
2°) réglant l'affaire au fond, de prononcer la décharge des impositions contestées ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Maxime Boutron, Auditeur,
- les observations de la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de M. et Mme A,
- les conclusions de M. Laurent Olléon, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de M. et Mme A ;
Considérant qu'aux termes de l'article 156 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. Ce revenu net est déterminé (...) sous déduction : (...) II. Des charges ci-après lorsqu'elles n'entrent pas en compte pour l'évaluation des revenus des différentes catégories : (...) 2° (...) pensions alimentaires répondant aux conditions fixées par les articles 205 à 211 et 367 du code civil (...) ; que l'article 208 du code civil dispose : les aliments ne sont accordés que dans la proportion du besoin de celui qui les réclame et la fortune de celui qui les doit (...) ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. et Mme A ont demandé la déduction de leur revenu global imposable à l'impôt sur le revenu au titre des années 2002 à 2004 du montant de la pension versée à leur deux filles majeures étudiantes, qui ne sont pas rattachées à leur foyer fiscal ; que ces dernières ont déclaré, pour les années concernées, des revenus fonciers correspondant aux bénéfices des deux sociétés civiles immobilières (SCI) du Collège et Studer, dont elles ont reçu des parts en usufruit par acte de donation du 28 décembre 2002 ; qu'en vertu des statuts de ces SCI, M. et Mme A ont conservé la nue-propriété de l'essentiel des parts et, en qualité de nus-propriétaires, détiennent les droits de vote pour la plus grande partie des décisions collectives ; que Mme A est gestionnaire de la SCI du Collège et partage avec son époux la co-gérance de la SCI Studer ; qu'après avoir relevé que chacune de leurs deux filles avait perçu des revenus fonciers nets suffisants pour subvenir à leurs besoins, la cour administrative d'appel de Nancy a jugé que les requérants n'étaient pas fondés à soutenir que ces revenus devaient être diminués notamment de la charge du remboursement d'un emprunt souscrit par la SCI Studer, au motif qu'elles avaient choisi une affectation de leurs revenus destinée à l'augmentation du patrimoine de leurs parents, nu-propriétaires, de sorte qu'elles s'étaient mises elles-mêmes en situation de besoin au sens des dispositions de l'article 208 du code civil ;
Considérant qu'en statuant ainsi, alors que les intéressées n'étaient pas parties à l'acte notarié du 27 septembre 2004 par lequel, en vertu d'une délégation imparfaite de paiement, la charge de l'emprunt souscrit le 9 novembre 1997 par M. et Mme A, avant que leurs filles ne deviennent usufruitières des parts de ces sociétés, avait été transférée par les requérants à la SCI Studer, la cour a dénaturé les faits et les pièces du dossier ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, son arrêt doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
Considérant que, pour refuser la qualification de pensions alimentaires déductibles de leurs bases d'imposition à l'impôt sur le revenu au titre des années 2002 à 2004 aux sommes versées par M. et Mme A à leurs filles, le tribunal administratif de Besançon a estimé que celles-ci avaient choisi une affectation de leurs revenus destinée à l'augmentation du patrimoine de leurs parents et devaient par suite être regardées comme s'étant mises elles-mêmes en situation de besoin ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les deux filles des requérants n'ont pas décidé d'affecter leurs revenus au remboursement de l'emprunt transféré à la charge de la SCI Studer ; que, par suite, les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal s'est fondé sur ce motif pour rejeter leur demande ;
Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par les requérants devant le tribunal administratif de Besançon ;
Considérant que, pour pouvoir déduire de leur revenu global imposable à l'impôt sur le revenu le montant des pensions versées à leurs deux filles majeures étudiantes, il appartient aux requérants d'apporter la preuve, d'une part, qu'ils étaient en mesure de verser de telles sommes et, d'autre part, que ces sommes étaient nécessaires à la satisfaction des besoins de leurs deux filles, au sens de l'article 208 du code civil ; qu'il n'est pas contesté que M. et Mme A sont bien en mesure de verser les pensions litigieuses à leurs filles ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : Sous réserve des dispositions de l'article 6, les associés des sociétés en nom collectif et les commandités des sociétés en commandite simple sont, lorsque les sociétés n'ont pas opté pour le régime des sociétés de capitaux, personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part des bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société. En cas de démembrement de la propriété de tout ou partie des parts sociales, l'usufruitier est soumis à l'impôt sur le revenu pour la quote-part correspondant aux droits dans les bénéfices que lui confère sa qualité d'usufruitier. Le nu-propriétaire n'est pas soumis à l'impôt sur le revenu à raison du résultat imposé au nom de l'usufruitier. / Il en est de même, sous les mêmes conditions : / 1° des membres des sociétés civiles qui ne revêtent pas, en droit ou en fait, l'une des formes des sociétés visées à l'article 206-1 et qui, sous réserve des exceptions prévues à l'article 239 ter, ne se livrent pas à des opérations visées aux articles 34 et 35 (...) ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que les bénéfices des sociétés de personnes relevant de l'impôt sur le revenu sont réputés réalisés dès la clôture de l'exercice et acquis, à cette date, à chacun des associés ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'administration ne pouvait prendre en compte les revenus fonciers des SCI dans l'appréciation de la situation de besoin des filles des requérants, au motif que ces dernières n'auraient pas eu la libre disposition de ces sommes, ne peut qu'être écarté ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les filles de M. et Mme A ont chacune déclaré des revenus, pour les années concernées, correspondant aux bénéfices des sociétés civiles immobilières Studer et du Collège pour des montants de 13 647 euros en 2002, 15 977 euros en 2003 et 18 366 euros en 2004 ;
Considérant que, si M. et Mme A soutiennent que leurs filles poursuivaient, lors des années d'imposition 2002 à 2004, des études supérieures les empêchant de subvenir elles-mêmes à leurs besoins et nécessitant un effort financier important de leurs parents, notamment pour la prise en charge des frais de scolarité et de logement, ils n'apportent pas la preuve que les dépenses invoquées étaient supportées directement par leurs deux filles et que les revenus fonciers déclarés ne leur procuraient pas les ressources suffisantes pour y faire face ; que, par suite, M. et Mme A ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;
DECIDE:
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 1er février 2010 est annulé.
Article 2 : La requête présentée par M. et Mme A devant la cour administrative d'appel de Nancy et le surplus des conclusions de leur pourvoi sont rejetés.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme Jean-Paul A et à la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement.
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