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L'alcool dans la publicité il faut savoir rester sobre !

Publié par Vanessa FRASSON le 17/02/2011 | Lu 14148 fois | 2 réactions

Toute la législation en matière d'alcool est bâtie autour de ce principe : la publicité informative, oui la publicité incitative, non ! En cas de réalisation d'opération publicitaire sur un alcool ou avec un alcool, toutes les précautions sont à prendre afin de ne pas engager sa responsabilité pénale. Graphiste et entreprise, la sobriété est de mise !

Le législateur a voulu encadrer strictement la promotion de la publicité en matière d’alcool et la jurisprudence s’est révélée un allié précieux.

Toute l’importance de connaître la législation en la matière est révélée par la sévérité dont fait preuve la Cour de cassation.

Ainsi, dans une affaire (Cass. crim. 19 décembre 2006 n°05-87.268), les faits sont les suivants :

Trois affiches sont réalisées sur le whisky Jameson par le dessinateur de la bande dessinée Black et Mortimer :

  • L’un des visuels concerne l’origine géographique et historique du whisky Jameson et « représente un homme revêtu d'un habit du 18ème siècle censé être Jameson, le fondateur de la marque et de la première distillerie à cette époque, regardant un voilier sortir du port de Dublin, debout à côté de tonneaux portant le nom de la capitale de l'Irlande » ;
  • L’autre visuel concerne la phase de distillation et « représente une façade d'un immeuble en briques avec une fenêtre éclairée à travers laquelle on voit deux hommes de dos devant un alambic » « l'un d'eux, identique à l'homme représenté dans le visuel précédent, et qui est donc Jameson l'Irlandais, représenté de dos, tient dans la main un verre qu'il lève à la hauteur de sa tête afin de mirer l'alcool qu'il contient, tandis que l'autre se tient derrière lui » ;
  • Enfin, le troisième visuel porte sur le mode de vieillissement du whisky et « représente une cave éclairée dans laquelle sont entreposés des fûts portant la mention John Jameson 1780, le fondateur de la distillerie, qui est vu de dos, regarde un homme qui mire une pipette contenant de l'alcool qu'il vient de prélever du tonneau sur lequel il s'appuie ».

La Cour de cassation considère que ces visuels sont illicites : « Attendu qu'aux termes de ce texte [art. L. 3323-4 du Code de la santé publique], la publicité autorisée pour les boissons alcooliques est limitée à l'indication du degré volumique d'alcool, de l'origine, de la dénomination, de la composition du produit, du nom et de l'adresse du fabricant, des agents et dépositaires ainsi que du mode d'élaboration, des modalités de vente et du mode de consommation du produit ».

En conséquence, il a été décidé que : « le décor des affiches publicitaires constituait une mise en scène destinée à valoriser le whisky de marque Jameson, en associant des éléments de nature à lui donner une image séduisante liée à l'Irlande et ses traditions, associée au thème du voyage et à l'ancienneté de ses méthodes de fabrication, éléments étrangers à la stricte indication de l'origine du produit, de sa composition et de son mode d'élaboration » et, qu’en conséquence, la publicité était illicite.

Cet arrêt, d’une particulière sévérité, interprète très strictement les restrictions légales en matière d’alcool. La publicité ne doit pas valoriser le produit mais se contenter d’informer le consommateur des mentions légalement autorisées.

Toute la législation en matière d’alcool est bâtie autour de ce principe : la publicité informative, oui — la publicité incitative, non !

  1. Publicité et télévision — la directive communautaire « Télévisions sans frontières » n°891552 du 3 octobre 1989

L’article 15  de la directive dispose :

« La publicité télévisée et le télé-achat pour les boissons alcooliques doivent respecter les critères suivants :

a) elle ne peut pas être spécifiquement adressée aux mineurs et, en particulier, présenter des mineurs consommant ces boissons ;

b) elle ne doit pas associer la consommation d'alcool à une amélioration des performances physiques ou à la conduite automobile ;

c) elle ne doit pas susciter l'impression que la consommation d'alcool favorise la réussite sociale ou sexuelle ;

d) elle ne doit pas suggérer que les boissons alcooliques sont dotées de propriétés thérapeutiques ou ont un effet stimulant, sédatif ou anticonflictuel ;

e) elle ne doit pas encourager la consommation immodérée de boissons alcooliques ou donner une image négative de l'abstinence ou de la sobriété ;

f) elle ne doit pas souligner comme qualité positive des boissons leur forte teneur en alcool. »

L’esprit de ces restrictions est repris dans les dispositions du droit français par les juridictions.

  1. La loi « Evin » n°91-32 du 10 janvier 1991 codifiée aux articles L. 3323-1 et suivants du Code de la santé publique

Sont soumis au Code de la santé publique toute propagande ou publicité directe ou indirecte portant sur les boissons alcooliques. La publicité indirecte s’entend d’une publicité « en faveur d'un organisme, d'un service, d'une activité, d'un produit ou d'un article autre qu'une boisson alcoolique qui, par son graphisme, sa présentation, l'utilisation d'une dénomination, d'une marque, d'un emblème publicitaire ou d'un autre signe distinctif, rappelle une boisson alcoolique » (article L. 3323-3 du Code de la santé publique).

Les boissons alcoolisées sont celles qui contiennent plus de 1,2 degré d’alcool (article L. 3321-1 du Code de la santé publique) ce qui inclut les alcools forts mais également les vins, bières, cidres, crème de cassis ou certains jus de fruits ou de légumes fermentés qui contiennent plus de 1,2 degré d’alcool.

Le domaine est donc le plus largement possible envisagé et concerne toute utilisation d’alcool dans les publicités même celles qui ne promeuvent pas une boisson alcoolisée.

La sanction prévue en cas d’infraction est une sanction pénale. L’article L. 3351-7 du Code de la santé publique prévoit en effet que lorsque l’infraction est constituée, l’auteur est passible d’une peine d’amende de 75.000 euros, le maximum de l’amende pouvant être portée à 50% du montant des dépenses consacrées à l’opération illégale.

Trois questions se posent concernant la réglementation de la publicité d’alcool : les formes de publicité autorisées (1), les mentions autorisées (2), et la mention obligatoire (3).

II.I / Les formes de publicité autorisées

Seules les formes de publicité prévues par l’article L. 3323-2 du Code de la santé publique sont autorisées — à l’exclusion de toute autre.

Ainsi, seules sont autorisées :

  • la publicité par presse écrite sous réserve de ne pas être destinée aux mineurs ;
  • la publicité radiodiffusée dont les tranches horaires de diffusion, en vertu de l’article R. 3323-1 du Code de la santé public, sont le mercredi entre 0 heure et 7 heures et les autres jours de la semaine entre 0 heure et 17 heures ;
  • la publicité extérieure aux lieux de vente par affiche ou enseigne,
  • la publicité intérieure aux établissements de vente d’alcool sous forme d’affichette de 0,35 mètre carré maximum et d’objets non cessibles liés au fonctionnement de l’établissement de vente d’alcool  (ex. : sous-verres, cendriers avec logo publicitaire… ; concernant les parasols, seul le nom d’une marque ou d’un producteur peut être indiqué, la mention ne devant pas excédée le tiers du parasol) — il est précisé que ces établissements sont ceux qui détiennent une licence de vente de boissons alcoolisées, les débits temporaires de boissons ainsi que les installations permanentes de vente directe des exploitants agricoles ;
  • la publicité par envoi postal de brochures ou de catalogues commerciaux — ce qui inclurait vraisemblablement les e-mails ;
  • la publicité par inscription sur les véhicules automobiles – ne comportant alors comme mention uniquement la dénomination du produit, et le nom et l’adresse du fabricant ou des dépositaires ;
  • la publicité en faveur des fêtes ou manifestations traditionnelles consacrées aux alcools tels que des foires… ainsi qu’aux universités, stages œnologiques, musées ou confréries,  présentation ou dégustation ;
  • la publicité sur les lieux de fabrication en cas de visite touristique par l’offre gratuite ou onéreuse d’objets de consommation d’alcools marqués aux noms des producteurs ou fabricants de la boisson objet de la vente directe ;
  • depuis l’article 97 de la loi n°2009-879 du 21 juillet 2009, il a été ajouté la publicité en ligne exceptée pour les sites destinés à la jeunesse et pour les sites des associations/sociétés/fédérations sportives ou ligues professionnelles. Il est précisé que la publicité ne doit pas être intrusive ou interstitielle.

La publicité interstitielle consiste en l’affichage d’une publicité après l’action de l’utilisateur demandant l’apparition d’un contenu web mais avant l’affichage du contenu web demandé par l’utilisateur (par exemple lors d’un clic sur un lien hypertexte pour afficher une vidéo — avant l’affichage de cette vidéo, une publicité de quelques secondes est affichée). Elle se différencie du pop-up qui est une fenêtre web surgissante. La publicité intrusive n’est tant qu’à elle pas définie et donc soumise en tant que telle à l’interprétation des tribunaux.

Ces formes de publicité sont exclusives de toute autre support.

II.II / Les mentions autorisées 

Les mentions publicitaires doivent tenir compte des restrictions légales. Seules certaines mentions peuvent être indiquées à l’exclusion de toutes autres (article L. 3323-4 du Code de la santé publique). La présentation graphique ou auditive de ces mentions ne doit pas avoir un caractère incitatif – il convient uniquement d’informer le consommateur et non de promouvoir le produit.

Les mentions suivantes peuvent être indiquées :

  • le degré volumique d’alcool — sans que celui-ci ne puisse être un argument commercial de vente ;
  • l’origine du produit — qui concerne notamment une indication sur l’ancienneté du produit ;

Il est précisé qu’ont été considérés comme illites les slogans suivants : « Trois siècles d’amour de la bière » (Cass. crim. 31 avril 1995 n°94-82.989 Bull. n°201) ; « Marie Brizard, une recette secrète depuis 1755 » et « On n'a rien fait d'aussi troublant depuis 1755 » (TGI Paris réf. 24 septembre 1991, Contrats conc. consom. 1991 n°245 obs. G. Raymond) ;

  • la dénomination du produit — dont les signes distinctifs (marque, dessins et modèles…) sous réserve que ceux-ci ne soient pas incitatifs à la consommation d’alcool (Cass. crim. 31 avril 1995 n°94-82.989 Bull. n°201) ;
  • la composition du produit ;
  • le nom et l'adresse du fabricant, des agents et des dépositaires ;
  • le mode d'élaboration ;
  • les modalités de vente et de consommation du produit ;

A été sanctionnée la représentation du lieu de consommation du produit (Cass. crim. 29 juin 1994 n°92-86.384) car ne rentrant pas dans les mentions autorisées.

A également été sanctionnée la représentation du versement de la bière dans un verre accompagnée du slogan « Une mousse fine et onctueuse, harmonie subtile, attente ultime » (Cass. crim. 31 mai 1995 n°94-82.989) — il est conseillé d’éviter d’associer les sensations à la boisson alcooliques ;

  • les références relatives aux terroirs de production, aux distinctions obtenues, aux appellations d'origine telles que définies à l'article L. 115-1 du Code de la consommation ;
  • les références relatives aux indications géographiques telles que définies dans les conventions et traités internationaux ;
  • les références objectives relatives à la couleur et aux caractéristiques olfactives et gustatives du produit.

Toute autre mention est considérée comme illicite et l’interprétation des tribunaux de ces mentions est restrictive. Il convient donc d’être vigilant et de ne pas ajouter dans le silence de la loi.

II.III / La mention obligatoire

L’article L. 3323-4 du Code de la santé publique impose d’indiquer la mention « L’abus d’alcool est dangereux pour la santé ». D’autres messages sanitaires peuvent bien sûr être ajoutés.

Deux exceptions sont cependant prévues : l’hypothèse de documents commerciaux entre professionnels d’une part, et d’autre part les menus, tarifs, affichettes ou objets de fonctionnement des établissements de vente spécialisés.

En cas de réalisation d’opération publicitaire sur un alcool ou avec un alcool, toutes les précautions sont à prendre afin de ne pas engager sa responsabilité pénale.

Graphiste et entreprise, la sobriété est de mise !

http://blog.frasson.net/17/02/2011/l’alcool-dans-la-publicite-–-il-faut-savoir-rester-sobre/


Les derniers commentaires (2)
bruno 17 a écrit le 07/09/2011 à 07:48:16
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Bonjour Madame Monsieur,
à plusieurs reprises mon patron a fait des publicités sur les vins, pineau et cognac dans la presse type quotidien régional en oublier la mention : " l'abus d'alcool est dangereux .....
Que risque t-il ? à quelle juridiction doit on envoyer les preuves ?
par avance merci de votre réponse bruno
sylvie a écrit le 29/03/2013 à 17:13:47
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j'aimerais savoir si un restaurant a le droit de faire le type d'annonce suivante dans un journal local:

à l'achat d'un verre de bière en fût obtenez le deuxième à 1$

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