L'employeur qui procède au licenciement du salarié sans attendre le deuxième examen, s'expose à voir ce licenciement annulé
Sauf dans le cas où le maintien d'un salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour la santé ou la sécurité de l'intéressé ou de tiers, le médecin du travail ayant à se prononcer sur l'inaptitude au poste de travail doit soumettre le salarié à deux examens espacés de deux semaines accompagnés, le cas échéant, des examens complémentaires requis (C. trav., art. R. 4624-31).
La constatation de l'inaptitude physique au travail peut se faire lors d'une visite régulière ou d'un examen sollicité par le salarié, mais en respectant le principe des deux examens espacés d'au moins quatorze jours.
L'employeur qui procède au licenciement du salarié sans attendre le deuxième examen, s'expose à voir ce licenciement annulé sur la base de l'article L. 1132-1 du Code du travail qui prohibe le licenciement pour un motif lié à l'état de santé.
Sauf inaptitude constatée par le médecin du travail.
La règle s'appliquant quand bien même le salarié a fait l'objet par ailleurs d'un classement en invalidité 2e catégorie (Cass. soc., 10 juill. 2002, no 00-42.912). Par ailleurs, l'obligation aux deux examens pèse sur l'employeur ; il en résulte qu'il engage sa responsabilité et commet une faute dont il doit réparation s'il ne prend pas l'initiative de saisir le médecin du travail compétent pour faire réaliser la seconde visite médicale (Cass. soc., 12 mars 2008, no 07-40.039).
La Cour de cassation en déduit que l'examen pratiqué dans le cadre d'une visite annuelle non suivi d'une nouvelle saisine du médecin du travail pour établir l'inaptitude du salarié, ne peut constituer le premier examen visé à l'article précité.
Cette exigence du double examen trouve certes à s'appliquer le plus souvent à l'occasion de la visite médicale de reprise.
Le constat nécessitant, en principe, deux examens, n'est pas considéré comme réalisé après la première visite, même si, dès ce moment-là, le médecin a conclu à l'inaptitude à tout emploi dans l'entreprise.
Les conséquences de la violation de l'exigence des deux examens sont importantes puisque le licenciement qui serait opéré sur la base d'un avis médical d'inaptitude rendu dans ces conditions est nul.
La décision d'inaptitude peut entraîner la rupture du contrat de travail du salarié devenu inapte, soit que l'inaptitude soit totale, soit qu'elle entraîne un changement de poste qui ne peut être réalisé ou qui est refusé par le salarié.
Situation du salarié non reclassé ni licencié
Le salarié qui n'est ni reclassé ni licencié à l'issue du délai d'un mois à compter de l'examen de reprise du travail doit recevoir le salaire correspondant à l'emploi qu'il occupait avant la suspension (C. trav., art. L. 1226-4 ; C. trav., art. L. 1226-11).
Cette disposition s'applique également en cas d'inaptitude à tout emploi dans l'entreprise constatée par le médecin du travail.
Le délai d'un mois
Ce délai commence à courir à compter de la visite de reprise, c'est-à-dire à compter du deuxième examen médical visé à l'article R. 4624-31 du Code du travail.
Comme dit plus haut, il faut en déduire que si le salarié a été déclaré inapte à l'issue d'un seul examen médical sans qu'une situation de danger soit invoquée, le délai n'a pu commencer à courir.
Mais lorsque le salarié n'a subi légalement qu'une seule visite en cas de danger immédiat pour sa santé ou sa sécurité, ce délai d'un mois court à compter de cet examen unique.
Les difficultés de reclassement du salarié, quelle qu'en soit l'origine, ne dispensent pas l'employeur d'appliquer les dispositions des articles L. 1226-2 et suivants du Code du travail et L. 1226-10 et suivants du même code, le salarié étant alors fondé :
soit à se prévaloir de la poursuite du contrat de travail et solliciter la condamnation de l'employeur au paiement des salaires ;
soit à faire constater la rupture du contrat de travail pour manquement de l'employeur à cette obligation. Cette rupture s'analyse comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse .
Ce délai d'un mois ne peut être ni prorogé ni suspendu, peu important que le médecin du travail soit conduit à préciser son avis après la seconde visite.
La saisine de l'inspecteur du travail en application de l'article L. 4624-1 du Code du travail n'a pas pour effet de suspendre le délai d'un mois, et donc le versement du salaire doit être strictement repris au terme du délai (Cass. soc., 4 mai 1999, no 98-40.959, Bull. civ. V, no 184). Selon la Cour de cassation lorsque l'inspecteur annulant l'avis d'inaptitude décide de l'aptitude du salarié, le délai n'est pas suspendu et si le salarié n'est ni licencié ni reclassé, le versement du salaire doit être repris.
Le montant du salaire
Le salaire est celui que le salarié percevait avant l'arrêt de travail sans qu'il puisse faire l'objet d'une quelconque réduction. En particulier, l'employeur n'est pas autorisé à déduire de la rémunération les prestations sociales versées) ni les indemnités servies au titre d'un régime de prévoyance et ce même si le cumul permet au salarié de percevoir une somme supérieure à celle qui lui est habituellement versée. La Cour de cassation a confirmé cette position dans un arrêt du 16 février 2005 : en l'absence d'une disposition expresse en ce sens, aucune réduction ne peut être opérée sur la somme, fixée forfaitairement au montant du salaire antérieur à la suspension du contrat, que l'employeur doit verser au salarié, la question de la conservation des avantages reçus au titre des prestations versées par une institution de prévoyance en raison de l'état de santé du salarié relevant des seuls rapports entre ces derniers.
Lorsque la rémunération comprend une partie fixe et une partie variable, le salaire versé doit être celui comprenant tous les éléments de la rémunération antérieure.
Conséquences de la non-reprise du versement du salaire
Dans le cas où un salarié est licencié en raison de son inaptitude médicale et de l'impossibilité de le reclasser mais où ce licenciement intervient après le délai d'un mois posé à l'article L. 1226-11 du Code du travail sans que l'employeur ait repris le versement du salaire, la Cour de cassation estime que ce défaut de règlement ne prive pas le licenciement de cause réelle et sérieuse. Le salarié a droit en pareil cas au paiement de la rémunération jusqu'au licenciement ainsi qu'à des dommages-intérêts réparant le préjudice subi.