L'envoi d'un e-mail à un collège dont le contenu porte préjudice à l'entreprise justifie un licenciement pour faute grave

Publié par Albert HAMOUI le 14/02/2011 | Lu 8648 fois | 0 réaction

Par un arrêt rendu le 2 février 2011, la chambre sociale de la Cour de cassation a jugé que dès lors qu'un courriel consulté par l'employeur pour des raisons légitimes - l'e-mail n'étant pas identifié par son auteur comme "personnel" - est en rapport avec l'activité professionnelle du salarié, il ne revêt pas un caractère privé. L'employeur peut donc s'en servir dans le cadre d'une procédure disciplinaire.

Un salarié ayant des responsabilités dans l'entreprise a été licencié pour faute grave aux motifs de divers manquements professionnels et de son comportement agressif et irrespectueux à l'égard de son supérieur hiérarchique et de l'échange à ce sujet de courriels provocateurs avec une autre salariée de l'entreprise, également licenciée à cette occasion.

L'employeur lui reprochait d'avoir tenu avec une collègue des propos destinés à nuire à l'entreprise et de s'être livré à des manipulations provocatrices à l'égard de la hiérarchie.
 
Toute la question était de savoir si l'employeur avait le droit d'utiliser le contenu de l'e-mail litigieux à l'appui d'une procédure de licenciement ou pas. Le salarié estimant qu'il y avait eu violation des secrets d'une correspondance privée, il a saisi le conseil de prud'hommes à cet effet.
 
Pour le juge du fond, le licenciement était sans cause réelle et sérieuse. Pour condamner l'employeur au paiement d'indemnités de rupture et de dommages-intérêts pour atteinte à la vie privée, l'arrêt énonce que si le contenu du courriel envoyé ainsi que sa réponse apparaissaient en relation avec l'entourage du salarié, ces échanges ne revêtaient pas un caractère professionnel, s'agissant d'une conversation totalement privée dont la liberté de ton et les outrances éventuelles relevaient uniquement de la vie personnelle et intime à laquelle le salarié a droit même sur son lieu de travail, les propos tenus, destinés à rester entre les deux interlocuteurs et non pas à être diffusés, ne pouvant avoir pour effet de nuire à l'entreprise et ne pouvant être admis comme preuve d'un grief.
 
La Cour de cassation ne partage pas cet avis. Dès lors que le juge du fond a relevé que "le courriel litigieux était en rapport avec l'activité professionnelle du salarié, ce dont il ressortait qu'il ne revêtait pas un caractère privé et pouvait être retenu au soutien d'une procédure disciplinaire", alors le licenciement pour faute grave fondé sur le contenu de cet e-mail était justifié.