La règle d'unicité de l'instance ne s'applique plus en l'absence de jugement au fond
La chambre sociale de la Cour de cassation vient d'apporter à sa jurisprudence un assouplissement considérable en décidant, dans un arrêt du 16 novembre, que la règle de l'unicité de l'instance n'est applicable que lorsque l'instance précédente s'est achevée par un jugement au fond.
Afin d’éviter la multiplication des actions contentieuses, la règle de l’unicité de l’instance énoncée par l’article R. 1452-6 du Code du travail s’opposait à ce que des demandes dérivant du même contrat de travail fassent l’objet, entre les mêmes parties, d’instances distinctes successivement introduites devant la juridiction prud’homale, à moins que le fondement des prétentions ne soit né ou ne se soit révélé que postérieurement à la saisine du conseil de prud’hommes.
La Cour de cassation a censuré l’arrêt en ces termes : « La règle de l’unicité de l’instance résultant de ce texte [article R. 1452-6 du Code du travail] n’est applicable que lorsque l’instance précédente s’est achevée par un jugement sur le fond ».
Aucune décision sur le fond n’ayant été rendue en l’espèce, la cour d’appel ne pouvait donc pas déclarer la nouvelle demande du salarié irrecevable. La Cour de cassation procède ainsi à un revirement de jurisprudence, puisque, dans une décision du 12 novembre 2003, les Hauts magistrats avaient confirmé l’arrêt d’une cour d’appel ayant déclaré irrecevable la demande d’un salarié qui avait antérieurement introduit la même prétention devant un conseil de prud’hommes n’ayant pas statué au fond, mais ayant prononcé l’annulation de la procédure pour défaut de mise en cause obligatoire de la direction régionale des affaires de sécurité sociale (Cass. soc., 12 novembre 2003, n° 01-41.901). Ainsi que le faisait ressortir le rapport annuel pour 2003 de la Cour de cassation, cette décision était tout à fait conforme à la jurisprudence traditionnelle de la chambre sociale, qui, pour l’application de la règle d’unicité, ne distinguait pas selon la façon dont s’était terminée la première instance (Cass. soc., 21 novembre 1974, n° 73-40.582), qu’il s’agisse d’un jugement au fond, d’un jugement d’annulation de la procédure pour défaut de préliminaire de conciliation (Cass. soc., 9 juillet 2002, n° 00-42.797), d’une décision d’incompétence (Cass. soc., 9 mai 1973, n° 72-40.213), ou encore d’une décision constatant la péremption de l’instance (Cass. soc., 4 janvier 1974, n° 72-40.467), un désistement (Cass. soc., 24 janvier 1996, n° 92-44.704) ou la caducité (Cass. soc., 24 mai 2000, n° 97-45.649).
Ces solutions n’ont désormais plus de fondement. D’après le communiqué de la première présidence, joint à l’arrêt du 16 novembre, ce revirement était commandé par le « véritable déni de justice » auquel se trouvent confrontés les salariés.
Cass. soc., 16 novembre 2010, n° 09-70.404 FS-PBRI