Le projet de loi portant réforme des retraites a été adopté en première lecture à l'assemblée nationale

Publié par Jean-pierre DA ROS le 16/09/2010 | Lu 10568 fois | 0 réaction

Le texte doit maintenant être examiné au Sénat, en séance publique, en principe à partir du 5 octobre. D'ici là, les syndicats ont prévu une nouvelle journée de mobilisation, le 23 septembre.

Le projet de loi portant réforme des retraites a été adopté en première lecture à l’Assemblée nationale, le 15 septembre, par 329 voix pour (UMP et Nouveau centre) et 233 contre (opposition de gauche), au terme d’un débat très tendu. Sans surprise, les députés de la majorité ont voté les mesures phares du texte : le recul de l’âge légal de départ à la retraite à 62 ans, ainsi que celui de l’âge de la retraite à taux plein à 67 ans. Par ailleurs, différentes concessions annoncées par le chef de l’État à la suite de la journée d’action du 7 septembre ont été intégrées au texte, en particulier l’élargissement du champ du dispositif de départ anticipé à 60 ans pour carrière pénible. De plus, le projet de loi comprend désormais un volet relatif à l’épargne retraite(v. page 3) et un autre réformant les services de santé au travail(v. page 3). Le texte doit maintenant être examiné au Sénat, en séance publique, en principe à partir du 5 octobre. D’ici là, les syndicats ont prévu une nouvelle journée de mobilisation, le 23 septembre.

Âge de départ à la retraite

Concernant les mesures relatives à l’âge de la retraite, les amendements apportés au projet de loi tendent essentiellement à prendre en compte des effets de la réforme qui n’avaient pas été initialement envisagés.

Ainsi, le relèvement de l’âge d’ouverture des droits à la retraite pouvant rendre inutiles certains rachats de trimestres effectués au titre des années d’études ou des années incomplètes, le projet de loi prévoit que les intéressés pourraient être remboursés des sommes versées avant le 13 juillet 2010 à condition de n’avoir pas fait valoir leurs droits à retraite. Il a également été précisé que la réforme ne modifierait pas les conditions de départ anticipé à la retraite des fonctionnaires handicapés, l’abaissement de l’âge d’ouverture du droit à la retraite continuant bien à être fixé en référence à l’âge de 60 ans, et non de 62 ans.

Par ailleurs, l’âge de liquidation des prestations complémentaires dans les régimes ASV (avantage social vieillesse) des professionnels de santé serait aligné sur celui en vigueur dans le régime général.

Prise en compte de la pénibilité

Le volet « pénibilité » du projet de loi sur les retraites a été largement amendé au cours du débat parlementaire pour intégrer les « aménagements » concédés par l’exécutif.

• Suivi des salariés. Deux dispositifs seraient créés pour assurer la traçabilité des risques professionnels : un « carnet de santé au travail », constitué par le médecin du travail ; l’obligation pour l’employeur de consigner dans une fiche individuelle « les conditions de la pénibilité auxquelles le travailleur est exposé et la période au cours de laquelle cette exposition est intervenue ». Les facteurs de risques professionnels (qui seraient déterminés par décret) sont définis comme « liés à des contraintes physiques marquées, à un environnement physique agressif ou à certains rythmes de travail susceptibles de laisser des traces durables identifiables et irréversibles sur sa santé ». Ces mesures s’appliqueraient aux expositions intervenues à compter d’une date fixée par décret et au plus tard le 1er janvier 2012.

• Départ anticipé à la retraite pour pénibilité. Alors que le champ des bénéficiaires de la retraite anticipée à raison de la pénibilité devait être initialement limité aux personnes justifiant d’un taux d’incapacité permanente d’au moins 20 % (taux à fixer par décret), le texte arrêté par l’Assemblée nationale prévoit que ce dispositif pourrait être étendu aux personnes justifiant d’un taux incapacité permanente compris entre 10 et 20 % (fixé par décret), à condition que l’assuré « ait été exposé, pendant un nombre d’années fixé par décret, à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels » et qu’il puisse être établi que l’incapacité permanente dont il est atteint « soit directement liée à l’exposition à ces facteurs de risques professionnels », et enfin sous réserve qu’une commission pluridisciplinaire donne un avis favorable à ce départ anticipé. Cette mesure serait applicable aux pensions prenant effet à compter du 1er juillet 2011.

• Utilisationdu CET. Les droits affectés au compte épargne temps (CET) pourraient être utilisés pour permettre une cessation progressive de l’activité professionnelle.

• Allégement de charges du travail. Jusqu’au 31 décembre 2013, à titre expérimental, des accords collectifs de branche pourraient créer un dispositif d’allégement ou de compensation de la charge de travail » (temps partiel, tutorat, prime, congés supplémentaires, etc.) pour les salariés occupés à des travaux pénibles. Un fonds dédié à la prise en charge de ces dispositifs serait créé dans chaque branche, la Cnamts créant de son côté un fonds de soutien à la pénibilité destiné à contribuer aux actions mises en œuvre par les entreprises couvertes par un accord collectif de branche.

 1 % pénibilité. Dans les entreprises de 50 salariés et plus, l’employeur serait redevable d’une pénalité d’au maximum 1 % de la masse salariale si l’entreprise n’est pas couverte pas un accord ou un plan d’action relatif à la prévention de la pénibilité. Cette mesure serait applicable à compter du 1er janvier 2012.

• Observatoire de la pénibilité.Ilserait créé, par décret, au sein du Conseil d’orientation sur les conditions de travail (Coct). Il serait chargé :

– d’apprécier la nature des activités pénibles dans les secteurs public et privé, et en particulier celles ayant une incidence sur l’espérance de vie ;

– de proposer au comité permanent toute mesure de nature à améliorer les conditions de travail des salariés exposés à ces activités ;

– d’évaluer l’évolution des facteurs de pénibilité au travail ;

– de proposer au Comité de pilotage des régimes de retraite toute disposition visant à prendre en compte la pénibilité au regard de l’âge de départ à la retraite.

Rapprochement entre régimes

Les députés ont complété les mesures de convergence entre les règles applicables aux fonctionnaires et celles qui concernent les salariés (sauf celles sur l’alignement progressif des taux de cotisations et le maintien de la retraite anticipée pour carrière longue, adoptées sans modification).

• Fonctionnaires parents de trois enfants. Le dispositif de départ anticipé, sans condition d’âge, pour les fonctionnaires parents de trois enfants ayant 15 années de services effectifs devrait être supprimé à compter du 1er janvier 2012. Pour autant, des mesures transitoires sont prévues. Le dispositif antérieur demeurerait applicable :

– aux demandes présentées avant le 1er janvier 2011, sous réserve d’une radiation des cadres prenant effet au plus tard le 1er juillet 2011 ;

– mais également aux pensions des fonctionnaires qui, au plus tard au 1er janvier 2011, sont à moins de cinq ans de la retraite ou ont atteint l’âge d’ouverture du droit à retraite.

 Surcote. Les règles de calcul de la surcote dans la Fonction publique seraient alignées sur celles en vigueur dans le régime général. Seules les périodes de service effectif et les bonifications et majorations au titre des enfants ou du handicap seraient prises en compte pour le calcul de la surcote. Le coefficient de majoration resterait de 1,25 % par trimestre supplémentaire. Le plafond de 20 trimestres de surcote serait supprimé.

Mesures améliorant les droits des assurés

Les députés ont adopté toute une série d’amendements visant à améliorer les droits des assurés.

• Versement des pensions. Les retraités dont les pensions de base ou complémentaires obligatoires sont servies trimestriellement (notamment Agirc et Arrco) pourraient, à compter du 1er janvier 2013, demander à les percevoir mensuellement, cette option étant irrévocable. De plus, le gouvernement serait chargé de présenter au Parlement, avant le 15 octobre 2010, un rapport sur les conditions de mise en œuvre d’un versement des pensions dès le premier de chaque mois (au lieu du 8).

• Rectification des droits en cas de redressement. Les Urssaf seraient obligées de déclarer le montant des redressements de cotisations ou de contributions sociales après paiement afin que les droits des salariés soient rectifiés. Le double de cette information serait envoyé à l’employeur afin qu’il puisse lui-même en informer les salariés.

• Droit à l’information. Les informations fournies aux assurés dans le cadre de l’entretien personnalisé auquel la réforme leur donne accès à partir de 45 ans (puis tous les cinq ans) porteraient, selon la dernière version du texte, « sur les droits qu’ils se sont constitués dans les régimes de retraite légalement obligatoires, sur les conditions de départ à la retraite de l’entreprise, sur les possibilités de cumuler un emploi et une retraite, et sur les perspectives d’évolution de ces droits, notamment au titre des périodes d’étude ou de formation, de chômage, de travail pénible, d’emploi à temps partiel, de maladie, d’accident du travail ou de maladie professionnelle et de congé maternité, sur les différents dispositifs d’incitation à la prolongation d’activité, ainsi que sur les dispositifs leur permettant d’améliorer le montant futur de leur pension de retraite ».

• Rétablissement de l’assurance veuvage. La loi portant réforme des retraites d’août 2003 a prévu la suppression du régime de l’assurance veuvage à partir du 1er janvier 2011. Dans l’attente des propositions de réforme gouvernementale qui devraient intervenir le 31 décembre 2011 au plus tard, le régime de l’assurance veuvage serait rétabli.

• Poly pensionnés. Actuellement, les personnes qui ont fait une partie de leur carrière dans le secteur privé et dans le secteur public ont droit à pension de retraite de la Fonction publique dès lors qu’elles ont effectué 15 années de services. Celles qui ont moins de 15 années de services relèvent du régime général (régime de base) et de l’Ircantec (régime complémentaire). Selon le texte adopté par les députés, la durée minimale de carrière pour bénéficier d’une pension de fonctionnaire serait réduite par décret (a priori, à deux ans) à partir du 1er janvier 2011. Le mode de calcul du minimum garanti, pour ces poly pensionnés, serait également révisé. De plus, le gouvernement devrait transmettre au Parlement, avant le 1er octobre 2011, un rapport sur la situation des poly pensionnés, en indiquant les différences éventuelles entre les femmes et les hommes. En outre, afin de faciliter la liquidation de leurs retraites, un répertoire unique de gestion des carrières, confié à la Cnav, serait institué.

Autres mesures

Selon le texte amendé par les députés, la pénalité de 1 % applicable en l’absence de rapport de situation comparée (RSC) entre les hommes et les femmes concernerait les entreprises dont l’effectif est supérieur ou égal à 50 salariés (et non plus 300 comme prévu initialement). La publicité des indicateurs et objectifs de progression en la matière serait également requise à partir de 50 salariés. Cette mesure serait applicable au 1er janvier 2012.

Autre amendement adopté : dans le régime de base, la majoration de pension pour conjoint à charge serait supprimée à partir du 1er janvier 2011, mais resterait servie à ceux qui en bénéficient tant qu’ils remplissent les conditions.

Enfin, les missions du comité de pilotage des régimes de retraite ont été élargies par les députés et sa composition modifiée : cette instance comprendrait, outre des représentants de l’État et des régimes de retraite légalement obligatoires et des personnalités qualifiées, des députés et des sénateurs, ainsi que des représentants des organisations patronales et syndicales représentatives.

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