Loi Béteille : de la nouvelle compétence du Tribunal d'instance au renforcement des missions des Huissiers de justice

Publié par Documentissime le 24/12/2010 | Lu 53129 fois | 5 réactions

La loi du 22 décembre 2010 relative à l'exécution des décisions de justice, aux conditions d'exercice de certaines professions réglementées et aux experts judiciaires a été publiée au Journal officiel (loi n° 2010-1609, JO du 23). Ce texte, dit « loi Béteille », vise à améliorer le fonctionnement de la justice et à moderniser certaines professions du droit. Pour ce faire, la loi instaure la mise en place d'une « procédure participative » assistée par avocat. De plus, elle renforce tout particulièrement les prérogatives des huissiers de justice dans différentes matières. Un autre aspect de la réforme impose également une règle quant à la compétence du Tribunal d'instance en matière de saisie des rémunérations.

Une avancée significative !

L’un des points marquants de la réforme réside dans la création d'une « procédure participative ».

Ayant pour principal objectif de désengorger les tribunaux, ce dispositif permettra dorénavant aux parties de mener une négociation par l'intermédiaire de leurs avocats, puis de soumettre au juge l'accord ainsi conclu, pour homologation (articles 2062 à 2068 nouveaux du Code civil).

Il convient de souligner toutefois que la nouvelle procédure participative ne s'applique pas au contentieux prud'homal.

En effet, en vertu de l'article 37, la loi exclut expressément la possibilité de conclure une convention de procédure participative dans le seul but « de résoudre les différends qui s'élèvent à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du code du travail entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu'ils emploient ».

La mission du Conseil de prud'hommes étant déjà de rechercher une solution amiable entre un employeur et son salarié.

La saisie des rémunérations

L'article 12 de la loi modifiant l'article L.3252-6 du Code du travail pose pour principe que le juge du Tribunal d’instance connaîtra de la saisie des rémunérations, dans les conditions prévues à l'article L.221-8 du Code de l'organisation judiciaire.

En d’autres termes, la compétence de l'exécution mobilière est donc désormais confiée aux tribunaux d'instance, à l'exception toutefois des demandes ou moyens de défense échappant à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire.

Par ailleurs, le juge du tribunal d'instance connaîtra également des mesures de traitement des situations de surendettement des particuliers et, de la procédure de rétablissement personnel.

Force est de constater que cet aspect de la réforme, qui entrera en vigueur au plus tard le 1er septembre 2011, n'aura en réalité aucune conséquence pratique.

En effet, aujourd’hui le juge d'instance a déjà à connaître des litiges relatifs à la saisie des rémunérations.

La différence étant que cette règle instaurée par décret (article R.3252-8 du Code du travail) sera désormais inscrite dans la partie législative du Code du travail.

Encore plus de travail pour les Huissiers de justice !

Les prérogatives des Huissiers de justice vont être élargies dans un grand nombre de matières.

-          Le constat de l’état d’abandon d’un bien immobilier

Désormais, les Huissiers de justice connaîtront de la reprise d'un bien immobilier abandonné par un locataire.

Pour permettre la reprise d’un appartement dans l’hypothèse où son occupant quitte volontairement les lieux, au cours d’une procédure d’expulsion, les termes de l’article 4 de la loi favorise la reprise des locaux abandonnés.

Par cet article, le bailleur sera en mesure de mettre en demeure, son locataire de justifier de sa occupation effective du logement.

A la seule condition que des éléments laissent supposer que le logement est abandonné par ses occupants.

Si tel est le cas, la mise en demeure devra être faite uniquement par acte d'huissier de justice.

En vue de faire constater la résiliation judiciaire du bail d’habitation par le juge, l’huissier de justice sera en mesure de constater l’état d’abandon du logement, s’il n’aura pas été déféré à la mise en demeure, un mois après sa signification.

Pour ce faire, il devra dresser un procès-verbal des opérations.

-          L’établissement des états des lieux locatifs

La loi permet aux Huissiers de justice de procéder à l’établissement des états des lieux locatifs.

Sur ce point, l'article 22 de la loi dispose que « l'état des lieux est établi par les parties, ou par un tiers mandaté par elles, contradictoirement et amiablement. En cas d'intervention d'un tiers, les honoraires négociés ne sont laissés ni directement, ni indirectement à la charge du locataire. A défaut d'état des lieux, la présomption établie par l'article 1731 du Code civil ne peut être invoquée par celle des parties qui a fait obstacle à l'établissement de l'acte ».

-          Les mesures conservatoires

Professionnels légitimes pour obtenir la mise en place de mesures conservatoires, ces officiers ministériels seront dorénavant également chargés des mesures conservatoires après l'ouverture d'une succession.

Jusque-là dévolue à la compétence des greffiers en chef des Tribunaux d’instance, l’article 14 de la loi permet aux huissiers de justice d’accomplir de telles mesures.

-          La signature électronique

Les Huissiers de Justice de France disposent désormais d’une signature électronique normalisée.

En effet, l'article 20 de la loi permet la signification des actes de procédure par voie électronique.

Ainsi, l’huissier de Justice qui signe aujourd’hui électroniquement un document est identifié non plus simplement comme étant telle ou telle personne, mais en sa qualité d’huissier de justice.

Pour une entière transparence, la loi prévoit la création d'un système central de recensement des consentements de la personne à qui l'huissier entend signifier un acte par voie électronique.

Seule habilitée à effectuer la collecte de telles données au niveau national, la chambre nationale des huissiers de justice procédera à la gestion du système en actualisant les informations sur le consentement, l'adresse électronique et l'adresse physique du destinataire.

Cet outil permettra également au public de lire le fichier.

L’ensemble des ces dispositions entreront en vigueur, dans les conditions fixées par un décret nécessaire à leur application, et au plus tard le 1er septembre 2011….