Payer une prestation compensatoire en retard peut couter cher...
Suite au divorce, l'un des conjoints peut être condamné à indemniser par une somme forfaitaire, l'autre pour son préjudice lié à la disparité que la rupture du mariage (divorce) crée dans les conditions de vies respectives des époux. On parle en droit de prestation compensatoire, qui ne peut être demandée que dans le cadre du divorce et sera déterminée soit d'un commun accord entre les parties, soit fixée par un juge aux affaires familiales. Elle pourra prendre diverses modalités : ex un capital par principe, une rente de façon plus exceptionnelle, ou bien les deux, un paiement en nature, usufruit Je n'aborderai pas dans cet article les thèmes classiques portant sur les critères de fixation de la prestation, ses méthodes de calcul ou ses modes de révision, lesquels ont fait l'objet de mains articles sur ce site plus ou moins complets et de qualité. Je me poserai trois questions, s'agissant du capital à verser : Quand cette prestation est-elle dûe ? Que se passera-t-il lorsque le débiteur versera cette indemnisation au moment de la liquidation du régime matrimonial, en déduisant le montant de la prestation sur la part lui revenant dans la liquidation ? (Prend il des risques ? S'expose t-il au versement d'intérêts ?) L'autre conjoint devra t-il accepter ou refuser ? la première chambre civile de la cour de cassation, dans un arrêt du 8 juillet 2010, N° de pourvoi: 09-14230 s'est repenchée sur cette question.
I- La prestation compensatoire : une indemnité destinée à compenser un préjudice de perte de qualité de vie suite au divorce due lorsque le divorce devient irrévocable.
A) Une différence de sémantique
Le principe a été posé :
Article 260 du code civil : La décision qui prononce le divorce dissout le mariage à la date à laquelle elle prend force de chose jugée.
1°- La force jugée, en droit ne doit pas se confondre avec l’autorité de la chose jugée ou une décision irrévocable.
L’autorité de la chose jugée, est attachée au dispositif d’une décision et a pour effet d'empêcher les parties de recommencer un nouveau procès qui porterait sur un différend qui aurait été déjà jugé entre les mêmes parties, entre les mêmes personnes sur le même sujet et pour la même cause. On ne rejuge pas une cause déjà jugée !
La force de chose jugée s’applique à une décision, lorsque celle-ci n'est pas susceptible de voie de recours à effet suspensif.
Article 500 du NCPC :
« Aforce de chose jugée le jugement qui n'est susceptible d'aucun recours suspensif d'exécution. Le jugement susceptible d'un tel recours acquiert la même force à l'expiration du délai du recours si ce dernier n'a pas été exercé dans le délai ».
La décision est irrévocable, lorsqu’elle n’est susceptible d’aucune voie de recours ordinaire (appel, opposition ) et extraordinaire ( pourvoi en cassation, révision…)
2°- Les rappels de la cour de cassation, en matière de prestation compensatoire
La Cour de cassation, dans un arrêt en date du 8 juillet 2010, au visa des articles 260 et 1153-1 du code civil, considère que tant la prestation compensatoire que les intérêts qu'elle produit, sont dus à compter de la date à laquelle la décision prononçant le divorce est devenue irrévocable.
Attention, dans cette décision, la cour emploi le terme de décision « irrévocable », légèrement impropre, et un peu regrettable, car c’est bien la force jugée qui est visée ici.
En effet, par force jugée, il faut comprendre, à compter de la date à laquelle le jugement de divorce n’est plus susceptible de recours(exemple selon les situations de recours envisageables : à l’expiration du délai d’appel, ou bien à la date d’expiration du délai de pourvoi en cassation pour une convention en divorce homologuée par le JAF… ).
En effet, 1ère Civ, 3 novembre 2004, pourvoi n° 01-16031 avait déjà pu rappeler que :
a) La prestation compensatoire n’est due qu’à compter de la date à laquelle la décision prononçant le divorce prend force de chose jugée ;
b) la décision de divorce n’acquiert pas force de chose jugée au moment de son prononcé ni de sa signification.
B) Comment une décision acquiert-elle force jugée ?
Article 504 du NCPC
La preuve du caractère exécutoire ressort du jugement lorsque celui-ci n'est susceptible d'aucun recours suspensif ou qu'il bénéficie de l'exécution provisoire. Dans les autres cas, cette preuve résulte
- soit de l'acquiescement de la partie condamnée ;
- soit de la notification de la décision et d'un certificat permettant d'établir, par rapprochement avec cette notification, l'absence, dans le délai, d'une opposition, d'un appel, ou d'un pourvoi en cassation lorsque le pourvoi est suspensif.
1°- l’acquiescement non équivoque des deux ex époux
Cet acte vaut renonciation à l’exercice de toute voie de recours, ordinaire et extraordinaire. Il assortit le jugement de la force de chose jugée.
2°- l’expiration des délais de recours, suspensifs en cas de signification de la décision.
II- Le risque découlant d’un paiement tardif rappelé par la cour de cassation : des intérêts légaux, majorés de 5 points après les 2 mois de la signification
La cour considère que la faculté donnée au débiteur de la prestation compensatoire de régler sa dette à l'occasion des opérations de liquidation de la communauté ne retire pas à cette dette son caractère exigible.
Cette conséquence, est essentielle au regard du point de départ des intérêts. L’époux qui souhaitera attendre la liquidation pour se faire payer la prestation compensatoire, pourra demander des intérêts sur la somme octroyée en capital (A) susceptibles d’être majorés (B)
Il peut user aussi des voies d’exécution pour contraindre son ex conjoint au paiement, sans avoir à attendre la liquidation.
A) Point de départ classique au jour de la décision irrévocable
Rappel : la Cour de cassation, dans un arrêt en date du 8 juillet 2010, au visa des articles 260 et 1153-1 du code civil, considère que tant la prestation compensatoire que les intérêts qu'elle produit, sont dus à compter de la date à laquelle la décision prononçant le divorce est devenue irrévocable.
Article 1153-1 du code civil :
En toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l'absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n'en décide autrement.
B) Le risque de majoration des intérêts
Article L313-3 du Code Monétaire et Financier
En cas de condamnation pécuniaire par décision de justice, le taux de l'intérêt légal est majoré de cinq points à l'expiration d'un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire, fût-ce par provision…Toutefois, le juge de l'exécution peut, à la demande du débiteur ou du créancier, et en considération de la situation du débiteur, exonérer celui-ci de cette majoration ou en réduire le montant.
En cas de confirmation pure et simple par le juge d'appel d'une décision allouant une indemnité en réparation d'un dommage, celle-ci porte de plein droit intérêt au taux légal à compter du jugement de première instance.
Dans les autres cas, l'indemnité allouée en appel porte intérêt à compter de la décision d'appel.
Le juge d'appel peut toujours déroger aux dispositions du présent alinéa.
Demeurant à votre disposition
Maître HADDAD Sabine