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Précisions utiles sur la confirmation des licenciements pour faute grave pour propos de tenus sur facebook
La propagation de l'information étant ce qu'elle est, je ne vais pas vous faire l'affront de penser que vous n'êtes pas au courant que les licenciements des salariés d'Alten pour des propos facheux tenus sur Facebook ont été confirmés en justice. Par ce billet, je souhaite simplement zoomer, si je puis m'exprimer ainsi, sur quelques points sans m'attarder sur un débat au fond mais qui à mes yeux sont pédagogiquement utiles.
Le déroulement de la procédure
Une petite précision de pure procédure d'abord. Pour les personnes qui ne maitrisent pas le déroulé d'un procès aux prud'hommes, il peut être déroutant de lire que le conseil des prud'hommes a jugé d'un cas en départition. Souvenez-vous, les salariés avaient saisi la juridiction prud'homale afin de voir reconnaitre sans cause réelle et sérieuse le licenciement pour faute grave prononcé sur la base de propos tenus sur Facebook.
Seulement, le conseil des prud'hommes, composés à part égale de conseillers salariés et de conseillers employeurs, n'a pu trouver de consensus sur cette délicate et inédite question. Comme c'est le cas à chaque fois (et non pas seulement dans cette affaire) que les conseillers prud'hommes ne trouvent pas un terrain d'entente sur la décision à prendre, l'étude de l'affaire est renvoyée à plus tard afin d'être réétudiée en la présence d'un magistrat professionnel faisant office de juge départiteur.
Ainsi, la décision tant commentée aujourd'hui est celle rendue par le conseil des prud'hommes réunis en départition.
La portée de la décision
Ce que j'entends, et ce que tout juriste entend, repose sur la question de savoir jusqu'à quel point cette décision peut en influencer d'autres et jusqu'à quel point peut-on tenir compte de sa pertinence ?
A ce sujet, faites attention aux termes employés ici ou là à propos de décisions de ce type. En effet, il faut bien comprendre que la décision a été rendue par un conseil des prud'hommes, juridiction qui se trouve au 1er degré de l'échelle judiciaire. La décision rendue n'a de valeur qu'un temps donné puisque les salariés ont bien fait comprendre leur intention de faire appel et donc de faire rejuger l'affaire par une Cour d'appel.
La cour d'appel peut confirmer la décision en se basant sur le même argumentaire, mais elle peut aussi confirmer les licenciements en se basant sur un autre argumentaire ou encore considérer que les licenciements ne sont pas justifiés. Le doute subsiste toujours. Et même lorsque la cour d'appel aura pris sa décision, chaque partie aura liberté pour saisir la Cour de cassation qui elle-même ne rejugera pas les faits mais étudiera l'application du droit.
Un point de droit précisé par une décision de justice n'aura de portée que dans la mesure de sa multiplication et de sa confirmation par la Cour de cassation. C'est à cette seule condition qu'il sera possible de parler de jurisprudence Je vous invite à aller visionner en ce sens la vidéo d'explication de la notion de jurisprudence sur le site TVDroit du Professeur Pierre Catala.
Toutefois, on ne peut nier que le caractère inédit de la question et de la réponse apportée conduit nécessairement à donner une direction de réflexion à tout un chacun. D'autant plus que l'argumentaire avancé dans la décision n'est pas dénué de sens.
Les paramètres de confidentialité de Facebook
Le jugement rendu confirme que le licenciement pour faute grave se justifiait (au regard des propos tenus et de l'absence de doute quant aux personnes visées, la faute grave est assurément caractérisée) dans la mesure où les paramètres de confidentialité étaient réglés de façon à ce que "les amis des amis" puissent voir ce qui était dit, ce qui rendait la discussion nécessairement publique. Du coup, l'impression écran des propos tenus devient une preuve parfaitement recevable puisque non obtenu par la fraude, chacun étant "amis des amis" pouvant y avoir accès.
Ainsi, la décision rendue laisserait à penser qu'il serait possible de dessiner autour des paramètres de confidentialité une zone de vie privée qui se confinerait aux "seuls amis". Mais si c'était le cas, le pouvoir d'appréciation du juge ne serait pas enfermé par ce simple critère car se poserait nécessairement la question de propos néfastes tenus par une personne dont le compte comprendrait des amis à ne plus savoir quoi en faire. Et dans ce cas, où se situerait la limite ?
Quoi qu'il en soit, chacun en est appelé à sa responsabilité. Même si la liberté d'expression doit être préservée, celle-ci ne doit pas être utilisée pour injurier ou dénigrer son prochain. Ma liberté s'arrête là où commence celle des autres me rappelle la déclaration des droits de l'homme. Et tant mieux finalement.
Et comme on dit dans ces cas là, affaire à suivre...