PRISON : La CEDH condamne la France par deux fois pour ses conditions de détention

Publié par Sana BENABDESLAM le 21/01/2011 | Lu 9036 fois | 0 réaction

La France a été condamnée, hier, par le Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) pour avoir imposé à deux détenus des conditions de détention indignes pour l'un et des fouilles à nu pour l'autre. Ce qui a donc valu à la France deux condamnations pour traitements inhumains et dégradants. La juridiction du Conseil de l'Europe a, par la même occasion, affirmée que le placement d'un détenu en cellule disciplinaire ne pouvait faire l'objet, en France, d'un « recours effectif ».

Des fouilles corporelles injustifiées 

Mahmoud Philippe El Shennawy, condamné à plusieurs reprises depuis 1977 pour des vols avec armes et séquestrations, dénonçait devant la Cour de Strasbourg les fouilles répétées dont il a fait l'objet lors de son dernier procès d'assises, du 9 au 18 avril 2008, à Pau.

Il avait pu être fouillé intégralement de quatre à huit fois par jour. Il devait subir des fouilles à nu, avec inspection anale, par des agents cagoulés de l'ERIS (équipe régionale d'intervention et de sécurité), qui filmaient toute l'opération avec un caméscope.

Dans son arrêt, la Cour, sans contester la dangerosité du détenu, a considéré que les autorités françaises avaient violé l'article 3 de la Convention en lui imposant des fouilles anales répétées et filmées.

La Cour a jugé qu’aucun « impératif convaincant de sécurité, de défense de l'ordre ou de prévention des infractions pénales » ne justifiait une telle mesure.

Par ailleurs, la Cour a conclu à une violation de l'article 13 de la Convention, garantissant le droit à un recours effectif. Ainsi, la France a été condamnée pour ne pas avoir offert au détenu un tel recours contre ce régime de fouilles devant une juridiction.

Le Conseil a ainsi admis que les décisions des autorités pénitentiaires, relatives aux fouilles corporelles, pouvaient faire l’objet d’une référé-liberté devant le tribunal administratif.

Des conditions de détention indignes

Le second requérant, Pascal Payet, communément appelé le « roi de l’évasion », purge actuellement plusieurs peines, pour meurtre d'un convoyeur de fond, vols à main armée et pour deux évasions par hélicoptère.

Ce dernier a déposé une requête en se plaignant des fréquents changements de lieu de détention qui lui sont imposés et de son placement en cellule disciplinaire durant quarante-cinq jours en 2007 au centre de détention de Fleury-Mérogis.

Sur ce premier point, les juges de Strasbourg l'ont débouté compte tenu de son « profil ».

En effet, ces premiers ont estimé que les nombreux transferts (26 changements d'affectation) auxquels avait été assujetti Pascal Payet étaient justifiés compte tenu du « profil » du braqueur, qui s'était évadé deux fois en hélicoptère (2001 et 2007) tandis qu'une troisième tentative avait échoué en 2005.

Toutefois, s’agissant de sa détention dans une cellule de 4,15 m2 sans lumière, ni aération, ni conditions sanitaires appropriées, ils ont jugé qu’elle a porté atteinte à sa dignité.

La CEDH, par l’arrêt rendu, estime que la France a violé l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, interdisant les traitements inhumains ou dégradants.

La Cour a considéré, compte tenu de « l'état très dégradé des locaux », que les conditions de détention qui ont été imposées au détenu étaient « de nature à lui imposer des souffrances aussi bien mentales que physiques ainsi qu'un sentiment d'une profonde atteinte à sa dignité humaine », et ce même si les autorités n'avaient pas l'intention d'humilier le requérant.

Aussitôt, le gouvernement français a fait valoir que l'ouverture d'un nouveau quartier disciplinaire, entièrement réhabilité en 2008, avait permis de fermer la totalité des anciennes cellules.

Ils affirment par ailleurs que le seul recours, non suspensif, contre un placement en quartier disciplinaire, passe par le tribunal administratif, après saisie du directeur interrégional des services pénitentiaires.

La Cour a, dès lors, accordé, au titre du préjudice moral subi, 9 000 euros à Pascal Payet, et 8 000 euros à Philippe el Shennawy.

Ces arrêts restent susceptibles de donner lieu à un appel dans les trois mois à venir…