C'est combien ? 1.500 euros l'acte sexuel !
Procédures en Justice
| Lu 9970 fois | 1 réactionLa France est le cinquième pays d’Europe après la pionnière Suède en
1999, la Norvège, l'Islande et le Royaume-Uni à sanctionner le client de
la prostituée par la contravention d’acte sexuel.
C’est une loi de société et de refonte des politiques publiques.
Désormais le client sera sanctionné et non pas la prostituée : 1500 euros et 3750 euros en cas de récidive...
Après un quatrième examen du projet de loi socialiste initié par la députée Mme Maud Olivier devant l’assemblée nationale en décembre 2013, la question de la pénalisation des clients qui opposait les deux chambres est tranchée avec passage de la loi renforçant la lutte contre la prostitution .
Alors que le sénat à chaque fois a rejeté ce texte, il a été approuvé par 64 voix contre 12 et 11 abstentions par l’assemblée nationale.
Désormais le client sera sanctionné et non pas la prostituée.
Après la loi Marthe Richard de 1946 sur la fermeture des maisons closes, la France tente une nouvelle avance vers l’abolitionnisme de la prostitution .
L’acte d’achat sexuel coûtera 1500 euros voire 3750 euros en cas de récidive.
I- Pourquoi la polémique ?
A) Les partisans de la pénalisation : vers une reconnaissance des prostituées victimes et pourquoi pas vers un abolitionnisme de la prostitution !
Les personnes favorables à la pénalisation sont pour la fin de l’impunité du client , espérant que ce projet va les dissuader de recourir aux services de prostituées.
Ce texte serait une avancée majeure pour le respect de la personne humaine, pour les droits des femmes , dans la mesure où l'achat d'actes sexuels est une exploitation du corps et une violence faite aux femmes.
Désormais les prostituées ne sont plus perçues comme des délinquantes ; bien au contraire c'est l’attitude des clients qui est désormais mise en cause. ( voir II-A)
Dans "le manifeste des 343 salauds" maintes personnalités affichent leur position favorable au recours à la prostitution.
B) Les détracteurs de la pénalisation, craignent quant à eux la clandestinité (réseaux) et la précarité de la prostitution, mais pas seulement...
Les 30.000 à 40.000 prostituées qui exercent en France craignent une énorme perte de revenus et une loi qui remet en cause une activité volontaire.
Le plus vieux métier du monde serait devenu tabou, pendant que maintes prostituées l’explique comme leur nécessité pour vivre et s'en sortir.
Le risque de violence et de contamination des prostituées ( VIH ou hépatite) est posé dans la mesure où un exercice clandestin pourrait être inéluctable.
La difficulté des services amenés à lutter contre la traite et le proxénétisme dans leur action quotidienne est aussi une réalité.
En effet déjà syndicats de policiers sont sceptiques sur la mise en place de cette pénalisation et estiment qu'elle ne sera d'aucune utilité pour lutter contre les réseaux de proxénétisme.
Le déplacement de certaines prostituées pourra se poser ( ex dans des pays frontaliers, mais aussi le risque de voir un réseau clandestin naître.)
Pour vivre heureux vivons caché, certaines prostituées pourront rechercher des pseudos proxénètes, sortes d’intermédiaires, afin de trouver des clients …
II- Qu’est-ce qui va changer ?
A) La fin du délit de racolage passif pour les prostituées et la sanction du client
Après s’être attaqué à l’offre de prostitution par sanction du délit de racolage passif rentré en 2003 dans notre code pénal sous l’égide de N. Sarkozy qui sanctionnait les prostituées , désormais la nouvelle loi s’attaque à la demande c'est-à-dire au client.
Pour rappel l’article 225-10-1 du code pénal créé par Loi 2003-239 2003-03-18 art. 50 2° JORF 19 mars 2003 , Créé par Loi n°2003-239 du 18 mars 2003 - art. 50 disposait
Le fait, par tout moyen, y compris par une attitude même passive, de procéder publiquement au racolage d'autrui en vue de l'inciter à des relations sexuelles en échange d'une rémunération ou d'une promesse de rémunération est puni de deux mois d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende.
Les associations d'aides aux prostituées et le Défenseur des droits considéraient que cette mesure «a largement dégradé les conditions de santé et d'exercice des personnes qui se prostituent».
C’est une approche de la prostitution totalement différente.et plus moralisatrice désormais.
"On ne peut plus imposer un acte sexuel par l’argent".
La charge pénale est inversée.
Sera désormais sanctionné :
« le fait de solliciter, d'accepter ou d'obtenir des relations de nature sexuelle d'une personne qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle, en échange d'une rémunération, d'une promesse de rémunération, de la fourniture d'un avantage en nature ou de la promesse d'un tel avantage." De 1500 euros pour le client voire 3750 euros en cas de récidive. .
Il s'agit de dissuader la demande et de considérer les prostituées « comme des victimes, et non plus comme des délinquantes.
Il devient choquant d’acheter ou de louer le corps d’une personne
Le corps humain n’a-t-il pas toujours été considéré comme hors du commerce .
Outre l'interdiction de l'achat d'actes sexuels,
le texte crée une peine complémentaire, sous la forme d'un stage de sensibilisation aux conditions de la prostitution .pour aider les clients à prendre conscience de « l'envers du décor de la prostitution ».
Pour sanctionner, cela sera difficile sur le terrain, il faudra surveiller, planquer, avant de rédiger une procédure qui risquerait d’être classée sans suite !
La preuve de la transaction est toujours difficile mais il faut insister sur le fait que la simple sollicitation est condamnable. ( ex : faire monter la prostituée dans la voiture du client)
Le flagrant délit comme en matière de racolage devra être constaté.
B) Un titre de séjour de 6 mois envisagé pour les prostituées étrangères engagées « dans le parcours de sortie de la prostitution, d’insertion sociale et professionnelle ».
C) Des mesures d’accompagnement social : préventives et d’aide pour celles qui abandonnent la prostitution
Un fonds destiné à l’accompagnement et à la prévention de la prostitution sera financé par l’Etat à hauteur de 4,8 millions d’euros par an.
Ramené à chaque prostituée, cela ne ferait que 160 euros par personne, ce qui reste une aide plus que modique !
Des mesures permettant de favoriser la sortie de la prostitution telles que la remise d’impôts ou des aides en matière de logement sont concevables.
D) La création d'une instance dans les conseils départementaux chargée d'organiser et de coordonner l'action en faveur des victimes de la prostitution et de la traite des êtres humains.
Le mouvement du Nid, association favorable au texte prônant l'abolition de la prostitution y verra sans doute un progrès…
Les préfets ont du pain sur la planche pour assurer cette coordination.
Demeurant à votre disposition pour toutes précisions
Maître HADDAD Sabine