Pas de recel successoral pour le conjoint héritier qui opte pour l'usufruit: 1 ère civ, 29 juin 2011
Procédures en Justice
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Lorsque le conjoint, bénéficiaire d'une donation au dernier vivant a opté pour la succession en usufruit, les héritiers peuvent-ils lui demander de réintégrer des biens ou des sommes d'argent, dans la succession en se fondant sur le recel successoral ? 1ère Civ, 29 juin 2011,pourvoi n°10-13.807,dans un un arrêt de cassation partiel,exclut dans cette situation toute possibilité de recel...
I- Le contexte de l'arrêt et la décision
A) Rappel de la définition du recel et des possibilités de mises en place
L'article 778 du code civil modifié par la Loi 2009-526 du 12 mai 2009 vise le recel de succession comme suit:
« Sans préjudice de dommages et intérêts, l'héritier qui a recelé des biens ou des droits d'une succession ou dissimulé l'existence d'un cohéritier est réputé accepter purement et simplement la succession, nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de l'actif net, sans pouvoir prétendre à aucune part dans les biens ou les droits détournés ou recelés. Les droits revenant à l'héritier dissimulé et qui ont ou auraient pu augmenter ceux de l'auteur de la dissimulation sont réputés avoir été recelés par ce dernier. Lorsque le recel a porté sur une donation rapportable ou réductible, l'héritier doit le rapport ou la réduction de cette donation sans pouvoir y prétendre à aucune part. L'héritier receleur est tenu de rendre tous les fruits et revenus produits par les biens recelés dont il a eu la jouissance depuis l'ouverture de la succession. »
S'agissant d'un « délit » civil, il suppose l'existence, d'un élément matériel et d'un élément intentionnel, de la même façon que tout délit pénal. Les juges du fond disposent d'un pouvoir souverain d'appréciation.
L'élément matériel du recel ne pourra être commis que par un héritier, un légataire universel ou un donataire et suppose que la personne prenne part directement à la succession et intervienne en tant qu'héritier universel.
A contrario, un légataire particulier, étranger à la masse ne sera pas concerné.
1ère Civ, 26 janvier 2011, pourvoi N°09-68.368 avait déjà pu juger que des libéralités consenties par une défunte. n'étaient ni rapportables, ni, en l'absence d'héritier réservataire, susceptibles d'être réductibles, de sorte que leur dissimulation ne pouvait être qualifiée de recel successoral au visa de l'article 792 ancien du code civil, antérieur à la Loi N°2006-728 du 23 juin 2006
B) Qu'en est-il du conjoint malgré tout héritier, en présence d'autres héritiers réservataires ?
C'est à cette situation que 1ère Civ,29 juin 2011 vient de répondre.
En l'éspèce, une personne était décédée le 26 juin 1998, en laissant pour lui succéder trois enfants issus de deux premiers mariages et Mme X, son épouse en troisième noces commune en biens, à laquelle il avait fait donation le 13 juin 1980, pour le cas où elle lui survivrait, à son choix, de l'usufruit de l'universalité de tous les biens et droits immobiliers et mobiliers qui composeront sa succession sans aucune exception, ou du quart en pleine propriété et des trois quarts en usufruit, ou de la quotité disponible ordinaire.
Du fait de la donation au dernier vivant, sa veuve avait la possibilité d'opter de trois façons:
-soit pour toute la quotité disponible ordinaire appréciée en fonction du nombre d'enfants
-soit pour tout en usufruit des biens du conjoint défunt,
-soit 1/4 en pleine propriété et 3/4 en usufruit ou encore la quotité disponible ordinaire.
En l'éspèce, le conjoint avait exercé ce droit d'option et choisi la totalite de la succession en usufruit de son époux et avait commencé à utiliser les sommes présentes sur le compte commun, soit 60.979,71 euros.
C'est dans ce contexte que les héritiers réservataires ( enfants), ont considéré que des sommes devaient être réintégrées dans la succession par la veuve, tout en la privant de toute part sur les objets divertis dans la succession, du fait de ce recel, suivis par la cour d'appel de Montpellier, au motif que la veuve s'est rendue coupable de recel successoral concernant la somme de 60.979,71 €.
Cass, Civ. 1, 29 juin 2011, pourvoi n°10-13.807 censure cette décision dans son arrêt considérant que le conjoint survivant qui a opté pour l'usufruit de la totalité des biens et qui dispose de la jouissance de ces biens dès l'ouverture de la succession ne dispose pas de droits de la même nature que ceux des autres héritiers.
Que de ce fait, il n'y a lieu à partage entre la veuve et les héritiers réservataires, et que pour le moins la dissimulation des fonds ne peut être qualifiée de recel successoral.
« en l'absence d'indivision entre l'usufruitier et les nus-propriétaires, dont les droits sont de nature différente, il ne peut y avoir lieu à partage entre le premier et les seconds ; qu'ainsi, faute de partage, le conjoint commun en biens survivant usufruitier de la totalité de la succession de son époux précédé ne peut commettre un recel d'un effet de la succession au préjudice des héritiers, ceux-ci n'ayant de droit qu'en nue-propriété dans la succession de leur auteur ». Ici, la Cour reproche à la cour d'appel de Montpellier d'avoir décidé que Mme Y... s'est rendue coupable du recel d'une somme de 60.979,61€ dépendant de la succession de son époux prédécédé peu important l'option successorale choisie. Alors même que celle-ci « ne pouvait fausser les opérations de partage à son profit dans la mesure où, en raison de l'option choisie en exécution de la donation entre époux du 13 juin 1980, elle était seule usufruitière de l'intégralité des biens successoraux ».
De ce fait Mme Y... devenait de plein droit propriétaire de la somme de 60.979,61 € dépendant de l'actif successoral et puvait en disposer, sans encourir les peines du recel ».
II- Présentation de l'arrêt n° 729 de 1ère Civ,29 juin 2011,pourvoi 10-13.807
Cassation partielle
Demandeur(s) : Mme B. X..., veuve Y...
Défendeur(s) : M. J.-L. Y... ; M. B. Y...
Attendu que J. Y..., est décédé le 26 juin 1998, en laissant pour lui succéder trois enfants issus de deux premiers mariages et Mme B. X..., son épouse en troisième noces commune en biens à laquelle il avait fait donation le 13 juin 1980, pour le cas ou elle lui survivrait, à son choix, de l'usufruit de l'universalité de tous les biens et droits immobiliers et mobiliers qui composeront sa succession sans aucune exception, ou du quart en pleine propriété et des trois quarts en usufruit, ou de la quotité disponible ordinaire ; que celle-ci a opté le 7 novembre 2007 pour l'usufruit de l'universalité de la succession de son époux ;
Sur le premier moyen, ci après annexé :
Attendu que ce moyen n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le second moyen : Vu l'article 792 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 ;
Attendu que pour retenir le recel successoral commis par Mme X... sur la somme de 69 979,71 euros,l'arrêt attaqué retient qu'elle avait prélevé sur le compte qu'elle détenait en commun avec son époux,une somme provenant de la vente d'un bien propre de ce dernier, puis sciemment dissimulé le sort de ces fonds, qui n'avait été révélé qu'à l'occasion de l'instance de référé expertise diligentée par les héritiers, quand ils auraient dû être portés à l'actif de la succession, peu important l'option ultérieurement exercée en exécution de la donation ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'ayant opté pour l'usufruit de la totalité de la succession, Mme Y...,réputée avoir, dès l'ouverture de celle-ci, la jouissance de tous les biens la composant, ne disposait pas de droits de même nature que ceux des autres héritiers, de sorte qu'il n'y avait pas lieu à partage entre elle et ces derniers et que la dissimulation des fonds ne pouvait être qualifié de recel successoral, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu' il a dit que Mme X... s'était rendue coupable de recel successoral concernant la somme de 60 979,71 euros et, en conséquence, condamné celle ci à restituer cette somme à MM. J.-L. et B. Y..., en qualité d'héritiers réservataires, dit que cette somme porterait intérêts au taux légal à compter du 1er juillet 1998, que les intérêts se capitaliseraient annuellement dans les conditions de l'article 1154 du code civil et que Mme B. X... ne pourrait prétendre à aucune part de cette somme divertie dans les opérations de liquidation partage de la succession, l'arrêt rendu le 8 décembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier;remet,en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;
Demeurant à votre disposition pour toutes précisions.
Maître HADDAD sabine
Avocate au barreau de Paris
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RECEL DE SUCCESSION : LA MORT DE L'HERITIER
1ère CIV, 26 JANVIER 2011 ET LA NOTION DE RECEL SUCCESSORAL .