Cabinet : Maître HADDAD Sabine
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S'alcooliser au bureau: les risques sur mon contrat de travail
Procédures en Justice
| Lu 7908 fois | 0 réactionLa consommation d'alcool sur le lieu de travail peut se poser dans diverses situations: exemples en cas de stress, de pénibilité, mais aussi dans le cadre de diverses sorties de fins d'années, de repas d'affaires, de pots d'anniversaire, de départ en retraite, de promotion etc...
C'est une question à la fois de Faits et de Fête...
L'abus d'alcool compromet l'image de marque de l'entreprise, engendre des diminutions d'attention, de productivité, mais aussi de l'absentéisme et des accidents du travail...
Le règlement intérieur d'une entreprise pourra ainsi porter une clause qui encadre cette consommation voire l'interdit.
La question qui se pose est de savoir siun salarié qui consommerait de l'alcool sur son lieu de travail encourt un licenciement pour faute grave ?
Pas forcément.
Une sanction civile ou disciplinaire peut s'envisager, sans devoir systématiquement aller jusqu’au licenciement...
Peut être conviendrait-il de faire raccompagner le salarié, de lui demander de quitter son poste le jour J, de l'avertir en amont ?
C'est sur le motif de licenciement pour faute grave que la Chambre Sociale de la Cour de Cassation le 20 juin 2012, pourvoi N° 11-19914 a statué récemment.I- Le principe: la consommation d'alcool au temps et au lieu de travail ne permet pas systématiquement de licencier le salarié pour faute grave
Nous sommes dans une question de fait et de "fête" appréciée au cas par cas par les juges du fond, au regard des situations et de la pratique posée dans l'entreprise.
La question de savoir si une simple faute disciplinaire, ou civile peut être relevée ou un licenciement est donc posée.
Tant que l'employeur encadre et surveille la consommation d’alcool, en la limitant à des évènements spécifiques, tant que l'employeur informe ses salariés sur l'interdiction de boire de l’alcool en dehors de moments spécifiques, la sanction pourra être analysée...
Les pots de départ, fêtes, sont tant de tolérances à analyser...
La prise d'alcool ne justifie pas systématiquement un licenciement. cass. Soc,15 décembre 2011, pourvoi N° 10-22712
Cass. Soc,20 juin 2012, pourvoi N° 11-19914
Pour quelles raisons ?
parce que :
1°- l’employeur autorisait la consommation d’alcool sur le lieu de travail à quelques occasions.
2° - le taux d’alcoolémie relevé était inférieur au taux légal autorisé par le code de la route.
3°- l’habitude de l’employeur à déroger au règlement intérieur à de rares occasions, ne lui permettait pas de considérer la consommation d’alcool de ses salariés comme une faute grave mais plutôt comme une faute disciplinaire.
Les salariés ont donc aboutit parce qu'il ressortait de la situation que l'employeur avait admis l'introduction et la consommation de boissons alcoolisées dans l'établissement à diverses occasions.
II- Présentation de Soc,20 JUIN 2012, pourvoi N° 11-19914
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu,
selon l'arrêt attaqué (Rennes, 22 avril 2011), que MM. X... et Y...,
engagés respectivement les 1er avril 1986 et 16 juillet 2001 par la
société Imprimerie Bretecher au sein de laquelle ils exerçaient les
fonctions d'aide finition tasseur pour le premier et de massicotier pour
le second, ont été licenciés pour faute grave par lettres du 4 mars
2008, l'employeur leur reprochant une consommation d'alcool sur le lieu
et aux heures du travail ;
Attendu
que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à indemniser les
salariés pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon
le moyen :
1°/ que la tolérance de
l'employeur est enfermée dans son objet ; qu'il résulte des
constatations auxquelles la juridiction du second degré a procédé que la
consommation d'alcool par l'employeur était seulement permise à de
rares occasions festives dans un cadre limité ; qu'en décidant cependant
que la tolérance de l'employeur lui interdisait de licencier MM. X...
et Y... pour avoir consommé de l'alcool dans les vestiaires de
l'entreprise à 5 h 30 du matin, la cour d'appel n'a pas tiré les
conséquences légales de ses constatations d'où il résultait que MM. Y...
et X... étaient clairement sortis du cadre de la tolérance de
l'employeur qui avait enfermé la consommation d'alcool par ses salariés
sur le lieu de travail dans de strictes limites en la surveillant et en
l'encadrant à l'occasion de diverses fêtes ou pots comme il est d'usage
dans toute entreprise sans leur permettre pour autant de boire de
l'alcool en dehors de ce cadre strictement défini par l'usage ;
qu'ainsi, elle a violé l'article L. 1234-1 du code du travail ;
2°/
que si tel n'est pas le cas qu'à la supposer établie, la tolérance de
l'employeur à l'égard du comportement fautif du salarié lui laisse la
faculté de procéder à un licenciement pour cause réelle et sérieuse dès
lors que le comportement est constitutif d'une telle faute ; qu'il
résulte des constatations auxquelles la juridiction du second degré a
procédé que la consommation d'alcool par MM. X... et Y... constituait
indiscutablement une faute disciplinaire (arrêt attaqué, p. 3, dernier
alinéa) ; qu'en décidant cependant que l'employeur ne pouvait pas s'en
prévaloir pour procéder à leur licenciement pour faute grave dès lors
qu'il avait toléré la consommation d'alcool sur les lieux de travail à
l'occasion de réunions ou de fêtes qu'il encadrait, la cour d'appel n'a
pas tiré les conséquences légales de ses constatations d'où il résultait
à tout le moins que leur licenciement était justifié par une faute
simple ; qu'ainsi, elle a violé l'article L.1235-1 du code du travail ;
Mais
attendu qu'ayant relevé qu'à plusieurs reprises l'employeur avait admis
l'introduction et la consommation de boissons alcoolisées dans
l'établissement à l'occasion de la fête des rois et de réunions de fin
d'année ou d'anniversaires sur le temps et au lieu du travail, la cour
d'appel a pu décider que la consommation à une seule reprise d'une très
faible quantité d'alcool par les salariés avant la prise du travail ne
rendait pas impossible leur maintien dans l'entreprise ; qu'exerçant le
pouvoir qu'elle tient de l'article L. 1235-3 du code du travail elle a
décidé que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Imprimerie Bretecher aux dépens ;
Vu
l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la
société Imprimerie Bretecher et la condamne à payer la somme globale de 2
500 euros à MM. X... et Y... ;
Ainsi
fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par
le président en son audience publique du vingt juin deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Boullez, avocat aux Conseils, pour la société Imprimerie Bretecher
Le
pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné la société
IMPRIMERIE BRETECHER à payer à M. Jean-Michel X... et à M. Christian
Y..., des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et
sérieuse ;
AUX MOTIFS QU'en premier
lieu, en développant ce moyen les salariés ne contestent cependant pas
formellement leur absence de badgeage lors du contrôle ni une
consommation d'alcool sur le lieu du travail ; qu'en second lieu, il
convient de relever que les termes de la lettre de licenciement qui
fixent les motifs du litige n'évoque que les faits du 18 février 2008,
de sorte que les faits antérieurs ou le comportement passé des
intéressés ne peuvent être pris en considération ; qu'invoquant la faute
grave, l'employeur supporte la charge de la preuve ; que Monsieur Z...,
directeur, a délivré une attestation dans laquelle il affirme avoir vu
le 18 février 2008 à 5 h 30 Monsieur X... prendre une bouteille dans sa
voiture côté passager, et s'étant rendu accompagné du dirigeant de
l'entreprise dans les vestiaires hommes, y avoir trouvé Jean-Michel
X..., Christian Y... et Stéphane A... ; Monsieur X... déclarait à cet
instant "tu l'as mis où ton verre ?'' ; qu'il a été alors trouvés par
Monsieur Z... dans un casier sans nom et sans cadenas deux verres vides
et un verre de vin rosé plein, un tire-bouchon ainsi qu'une bouteille de
vin rosé entamée ; que les salariés niant avoir consommé de l'alcool,
le test pratiqué avec un éthylotest électronique s'est révélé positif
pour Monsieur X... et Monsieur Y... qui ont alors reconnu selon Monsieur
Z..., qu'ils avaient consommé de l'alcool ; que les résultats positifs
de l'éthylotest pour les 2 salariés et la présence dans un casier non
attribué d'une bouteille de rosé entamée et d'un verre rempli sont
attestés par Monsieur B... salarié présent lors de l'intervention du
directeur ; qu'enfin par lettres du 13 mars 2008, les salariés ont
expressément reconnu avoir consommé du vin le 18 février 2008, mais
avant la prise du travail à 5 h 00 du matin ; que cependant les éléments
concordants rapportés dans l'attestation de Monsieur Z... sur les
constatations effectuées dans les vestiaires (présence des salariés dans
les vestiaires, d'une bouteille de vin entamée et d'un verre rempli),
permettent d'écarter l'affirmation d'une consommation avant la prise du
travail ; que Monsieur Y... et Monsieur X... contestent la légitimité du
contrôle de leur alcoolémie ; que cependant le règlement intérieur
prévoyait l'interdiction formelle d'introduire et de consommer des
boissons alcoolisées à l'intérieur de l'établissement et autorisait la
direction à faire pratiquer des alcootests aux salariés dans le cas où
leur état constituerait un danger pour euxmêmes ou leur entourage, dans
le but de prévention d'une situation dangereuse ; qu'en l'espèce, alors
que les salariés étaient pris alors qu'ils venaient de consommer une
boisson alcoolisée, le contrôle de leur alcoolémie prévu par le
règlement intérieur était possible pour s'assurer de leur état de santé,
étant précisé que l'activité de l'employeur comporte l'usage de
machines susceptibles d'être dangereuses, notamment pour Monsieur Y...
massicotier ou encore Monsieur X... tasseur ; que ce contrôle était donc
justifié pour prévenir une situation potentiellement dangereuse pour
les salariés établie à partir de faits objectifs de consommation
d'alcool, le travail dans des ateliers d'imprimerie en état d'ébriété
étant de nature à exposer les personnes ou les biens à un danger ;
qu'enfin, le règlement intérieur prévoyait expressément le recours à
l'alcootest, sans qu'il soit nécessaire que les modalités de
contestation de ce contrôle y soient précisées , dès lors qu'en
l'espèce, la lettre du 13 mars 2008 de Monsieur Y... et l'attestation de
Mr A... établissent que les intéressés ont pu être soumis à un second
test de contrôle qui s'est avéré négatif : que le fait fautif est donc
incontestablement établi contre .les deux salariés ; que cependant les
pièces produites aux débats font apparaître que l'employeur en
contradiction avec les termes du règlement intérieur prohibant
l'introduction et la consommation de boissons alcoolisées dans
l'établissement, a organisé le 2 février 2007 une réunion du personnel
sur le temps et le lieu du travail à l'occasion de la fête des rois, au
cours de laquelle il était offert aux salariés des boissons alcoolisées ;
que lors de cette réunion tenue de 17 h 30 à 18 h 00 environ, deux
salariés dont Monsieur Y... travaillait pourtant jusqu' à 24 h 00 ce
soir-là ; que l'attestation de Monsieur C... salarié de l'entreprise
jusqu'en décembre 2004 produite par l'employeur, rapporte également que
ce dernier autorisait quelques réunions de fin d'année ou
d'anniversaire, avec boissons alcoolisées ou non ; que le fait que ces
réunions étaient encadrées afin d'éviter d'éventuels débordements ou
excès, était néanmoins de nature à représenter aux yeux des salariés une
tolérance et en tout cas une application non rigoureuse des
prescriptions du règlement intérieur ; qu'en l'espèce les taux
d'alcoolémie relevés le 18 février 2008 chez Monsieur Y... et Monsieur
X... étant très limités (il est admis qu'ils étaient inférieurs au taux
prohibé pour la conduite d'un véhicule automobile), et s'étant avérés
négatifs au second contrôle, n'étaient pas le signe d'un excès important
ou d'un état d'ébriété manifeste ni révélateurs d' une consommation
manifestement supérieure à celle pouvant résulter des manifestations
festives avec boissons alcoolisées tolérées par l'employeur ; que de ce
fait alors qu'il n'est pas établi contre les salariés concernés qu'ils
auraient dépassé des limites non excusables au regard de la tolérance de
l'employeur, il n'apparaît pas en l'espèce que la faute établie contre
Monsieur X... et Monsieur Y... était d'une gravité telle qu'elle pouvait
justifier le licenciement des intéressés a fortiori pour faute grave ;
que par ailleurs, il résulte de la fiche de badgeage des intéressés que
ces derniers ayant "badgé" leur prise de travail à 4 h 50 et 4 h 51,
n'avaient pas activé leur badge à 5 h 30 lorsqu'ils ont été surpris à
l'intérieur des vestiaires, en infraction avec les engagements de
l'employeur selon lesquels une pause de 30 minutes payée avec obligation
de pointer était instaurée à compter du 14 janvier 2008 ; que cependant
le caractère récent de cette obligation, mais également la tolérance de
l'employeur au regard de l'obligation de badger lors des prises de
pause (rapportée de façon concordante par les attestations de Messieurs
A..., D... et E...) permettent de considérer que ce fait fautif ne peut
également pas justifier un licenciement a fortiori pour faute grave ;
que le jugement qui a déclaré les licenciements dépourvus de cause
réelle et sérieuse sera donc confirmé sur ce point, ainsi que sur les
indemnités de rupture et sur les rappels de salaire concernant les
périodes de mises à pied, dont les modalités de calcul ne sont pas
contestées ; que Monsieur Y... avait plus de 6 ans d'ancienneté à la
date du licenciement dans une entreprise employant habituellement plus
de 10 salariés ; qu'il justifie d'une période de chômage indemnisé
jusqu'en août 2008, date à laquelle il a été embauché dans le cadre d'un
contrat de professionnalisation jusqu'au 24 février 2009 avec un
salaire moindre, puis après une période d'emploi à durée déterminée de
mai à septembre 2009, d'un emploi en qualité de chauffeur routier à
compter du 1er octobre 2009 par contrat devenu à durée déterminée ; que
compte tenu de ces éléments la réparation de son préjudice qui en tout
état de cause devait être égale aux salaires des 6 derniers mois, doit
être portée à 12.500 € ; que Monsieur X... avait plus de 21 ans
d'ancienneté à la date du licenciement dans une entreprise employant
habituellement plus de 10 salariés ; qu'il justifie d'une période de
chômage indemnisé de mai 2008 à août 2010, la prise en charge étant
parfois partielle en raison de missions intérimaires dont le salarié ne
précise pas la durée ; que compte tenu de ces éléments la réparation de
son préjudice a justement été fixée à 25.000 €, les conditions
d'application de l'article L 1235-3 du Code du Travail étant réunies, il
convient d'ordonner le remboursement des allocations de chômage versées
aux salariés dans la limite de 4 mois d'indemnités pour chacun ; qu'en
raison des circonstances de l'espèce, il apparaît équitable d'allouer à
Monsieur X... et Monsieur Y... une indemnité en réparation de tout ou
partie de ses frais irrépétibles pour l'ensemble de l'instance dont le
montant sera fixé au dispositif, précision étant faite que chacun d'eux
plaident par le même Conseil ; que la société IMPRIMERIE BRETECHER,
partie perdante, sera déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du
Code de procédure civile ;
1. ALORS QUE la tolérance de l'employeur est enfermée dans son objet ;
qu'il
résulte des constatations auxquelles la juridiction du second degré a
procédé que la consommation d'alcool par l'employeur était seulement
permise à de rares occasions festives dans un cadre limité ; qu'en
décidant cependant que la tolérance de l'employeur lui interdisait de
licencier Messieurs X... et Y... pour avoir consommé de l'alcool dans
les vestiaires de l'entreprise à 5 h 30 du matin, la Cour d'appel n'a
pas tiré les conséquences légales de ses constatations d'où il résultait
que Messieurs Y... et X... étaient clairement sortis du cadre de la
tolérance de l'employeur qui avait enfermé la consommation d'alcool par
ses salariés sur le lieu de travail dans de strictes limites en la
surveillant et en l'encadrant à l'occasion de diverses fêtes ou pots
comme il est d'usage dans toute entreprise sans leur permettre pour
autant de boire de l'alcool en dehors de ce cadre strictement défini par
l'usage ; qu'ainsi, elle a violé l'article L 1234-1 du Code du travail.
2.
ALORS si tel n'est pas le cas QU'à la supposer établie, la tolérance de
l'employeur à l'égard du comportement fautif du salarié lui laisse la
faculté de procéder à un licenciement pour cause réelle et sérieuse dès
lors que le comportement est constitutif d'une telle faute ; qu'il
résulte des constatations auxquelles la juridiction du second degré a
procédé que la consommation d'alcool par Messieurs X... et Y...
constituait indiscutablement une faute disciplinaire (arrêt attaqué, p.
3, dernier alinéa) ; qu'en décidant cependant que l'employeur ne pouvait
pas s'en prévaloir pour procéder à leur licenciement pour faute grave
dès lors qu'il avait toléré la consommation d'alcool sur les lieux de
travail à l'occasion de réunions ou de fêtes qu'il encadrait, la Cour
d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations d'où
il résultait à tout le moins que leur licenciement était justifié par
une faute simple ; qu'ainsi, elle a violé l'article L 1235-1 du Code du
travail.
Demeurant à votre entière disposition pour toutes précisions en cliquant sur http://www.conseil-juridique.net/sabine-haddad/avocat-1372.htm
Sabine HADDAD
Avocate au barreau de Paris