Le droit à l'image des patients

Publié par Yaelle GLIOTT NAOURI le 26/06/2012 - Dans le thème :

Santé et organismes sociaux

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La vie privée est protégée en droit français par des dispositions civiles (article 9 du code civil) et pénales (articles 226-1 à 3 du code Pénal).
Par la loi du 08 mars 2002, l’article L 1110-4 du code de la santé publique est une une disposition spécifique au secret de l’état de santé. « Toute personne prise en charge par un professionnel, un établissement, un réseau de santé ou tout autre organisme participant à la prévention et aux soins a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant. »
Les juges considèrent que  l'image du corps humain fait partie de la vie privée et doit être respectée.

Qu'en est-il dans le cadre de la relation médecin-patient où les photographies, et les vidéos sont de plus en plus fréquentes ?

Mon médecin peut-il prendre une photographie d'une partie de mon corps ?
Oui, cette démarche peut-être très utile pour suivre l'évolution d'une pathologie, par exemple l'aspect d'un grain de beauté, ou l'emplacement des dents. Elle a un réel intérêt diagnostic et un intérêt pour estimer les résultats d'une intervention de nature esthétique. Certains matériels médicaux permettent de prendre des clichés pendant l’observation pour plus de précision.
Il conservera l'image dans votre dossier médical.

Mon médecin peut-il prendre une photographie de mon enfant malade ?
Le consentement s'il est nécessaire, devra être signé par un des parents titulaires de l'autorité parentale.

Est-ce que je pourrais avoir accès à cette photographie ?
Oui, le médecin devra vous communiquer la photographie qu'il a prise dans le cadre prévu de la transmission du dossier médical dans les conditions prévues par l’article L 1111-7 du code de la santé publique. La demande doit être traitée par le médecin au plus tôt dans les 48 heures et au plus tard dans les 08 jours. Le délai est porté à 2 mois si le dossier a été constitué il y a plus de 5 ans.

Que faire si, dans le cadre d'un contentieux en responsabilité le médecin prétend avoir égaré, la photographie ?
Si vous prouvez que la photographie a été prise et qu'elle aurait pu prouver une faute médicale, il est possible que le juge condamne le médecin à indemniser une partie de votre préjudice à hauteur de l'importance de la photographie non communiquée. (CA Toulouse 17/04/2001)

Mon médecin peut-il utiliser ma photographie pour la faire paraître dans un ouvrage, ou dans lors d'un congrès médical ?
L'article  R4127-73 du code de la santé publique encadre ce cas de figure : « le médecin doit faire en sorte, lorsqu’il utilise son expérience ou ses documents à des fins de publication scientifique ou d’enseignement, que l’identification des personnes ne soit pas possible. A défaut leur accord doit être obtenu »
Dès lors, si vous n'êtes pas identifiable il peut l'utiliser sans votre accord puisque vous n'avez pas de préjudice. Mais dès lors que vous êtes identifiable par un tiers, votre accord est nécessaire.
Diverses précautions sont prises par les médecins qui s’impliquent dans la recherche ou l’enseignement pour éviter que les patients ne soient reconnus, notamment le camouflage informatique de parties importantes du visage, le flouttage, l'utilisation d'un fond neutre, l'élimination de bijoux.

Mon médecin peut-il utiliser ma photographie sur son site internet ?
Ce type d'utilisation se rencontre notamment dans les Cabinets médicaux pratiquant des méthodes esthétiques. Le patient doit avoir donné son accord exprès à ce type d'utilisation. A défaut, il contreviendrait aux principes de respect de la vie privée de son patient, du secret professionnel et de publicité prohibée. Le médecin coure le risque d’être poursuivi devant les juridictions civiles, pénales, et ordinales.


Comment donner son consentement ?
Le médecin doit vous expliquer oralement quelle est sa démarche et l'utilité du recueil de consentement.
Il prendra la précaution de vous faire dater et signer un document prouvant votre consentement à l’utilisation de votre image soit pour des fins scientifiques ou d'enseignement, soit pour la communiquer à d'autres confrères pour avis par exemple. Il convient de le lire attentivement et éventuellement d’ajouter certaines restrictions (ex : imposer que les yeux soient masqués, interdire la publication sur internet pour un site non réservés aux seuls médecins)
Bien entendu, le patient peut s'y opposer.

A l'hôpital, les règles sont-elles les mêmes que dans les cabinets médicaux ?
A l'hôpital également, la protection de la vie privée et donc du droit à l'image doit être respecté. En outre, figure parmi les 11 principaux droits de la personne hospitalisée :« la garantie du respect de la vie privée de toute personne hospitalisée ce qui implique de lui garantir le secret professionnel, la confidentialité des informations détenues sur elle, le droit de recevoir dans sa chambre les visites de son choix en respectant l'intimité et le repos des autres personnes hospitalisées ».
Il faut préciser également que l'article  R1112-47 du code de la santé publique interdit les images volées des photographes : « Les visiteurs ne doivent pas troubler le repos des malades ni gêner le fonctionnement des services. Lorsque cette obligation n'est pas respectée, l'expulsion du visiteur et l'interdiction de visite peuvent être décidées par le directeur. Les journalistes, photographes, démarcheurs et représentants n'ont pas accès aux malades, sauf accord de ceux-ci et autorisation écrite donnée par le directeur. »
Me Yaëlle GLIOTT-NAOURI, Avocat à Vincennes