Application aux instances en cours de la validité des donations faites à ses beaux-enfants

Publié par Caroline YADAN PESAH le 20/06/2014 - Dans le thème :

Vie familiale

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La validité des donations faites à ses beaux-enfants s'applique aux instances en cours, et n'ayant pas donné lieu à une décision passée en force de chose jugée.

La Cour de cassation confirme la décision de la Cour d'appel qui rejette la demande  d'un fils s'estimant lésé, qui conteste en nullité des donations faites par son père défunt à des beaux-enfants issus d'un autre mariage.


EXTRAIT DE L'ARRET

Cass. 1e civ. 28 mai 2014 n° 13-16.340 (n° 581 FS-PBI)

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 16 janvier 2013), que J. P. est décédé le 14 août 2000 en laissant à sa succession sa seconde épouse, Mme M., et un fils, né de son premier mariage, M. G. P. ; qu’au cours des opérations de liquidation et de partage de la succession, ce dernier a poursuivi, sur le fondement de l’article 1099, alinéa 2, du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004, l’annulation de donations consenties par son père aux enfants d’un premier mariage de Mme M., MM. D. et A. J. et Mme E. J. (les consorts J.) ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Attendu que M. P. fait grief à l’arrêt de le débouter de cette demande, alors, selon le moyen, que les lois nouvelles n’ont pas d’effet rétroactif sauf à ce que le législateur ait expressément décidé le contraire ; que les règles instaurant des présomptions irréfragables touchent au fond du droit et ne sont pas des règles de procédure ; qu’il en résulte qu’une loi nouvelle qui instaure ou supprime une présomption irréfragable ne peut en principe s’appliquer à une situation juridique consommée antérieurement à son entrée en vigueur, sauf à ce que le législateur l’ait expressément décidé ; qu’antérieurement à son abrogation par l’article 10 de la loi no 2002-305 du 4 mars 2002, l’article 1100 du code civil prévoyait une présomption irréfragable d’interposition de personne en cas de donation faite par un époux à un enfant du premier lit de son conjoint, aboutissant à la nullité d’une telle donation réputée faite entre époux en application de l’article 1099, alinéa 2, du même code, antérieurement à son abrogation par l’article 23 de la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 ; que la loi du 4 mars 2002 ne prévoit à aucun moment son caractère rétroactif, notamment en ce qui concerne l’abrogation de l’article 1100 du code civil ; qu’il en résulte qu’une donation faite par un époux à l’enfant du premier lit de son conjoint antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002 demeure irréfragablement réputée faite à personne interposée et encourt donc la nullité par application de l’article 1099, alinéa 2, ancien du code civil ; qu’en l’espèce, en estimant au contraire que les donations faites par J. P. aux consorts J., enfants du premier lit de son épouse Mme M., toutes antérieures à l’entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002, n’étaient pas soumises à la présomption irréfragable d’interposition de personne de l’article 1100 du code civil, en considérant que ce texte avait été abrogé et qu’il incombait donc à M. G. P. de démontrer l’interposition de personne, conférant de la sorte un effet rétroactif à l’abrogation du texte non prévu par le législateur, la cour d’appel a violé l’article 2 du code civil, ensemble les articles 1100 et 1099, alinéa 2, anciens du même code, ensemble l’article 10 de la loi n° 2002-305 du 4 mars 2002  ;

Mais attendu que le I de l’article 11 de la loi n° 2002-305 du 4 mars 2002 prévoyant que les dispositions des articles premier à dix sont applicables aux instances en cours qui n’ont pas donné lieu à une décision passée en force de chose jugée, la cour d’appel a exactement retenu que l’abrogation par son article 10 de l’article 1100 du code civil qui instaurait une présomption, jugée irréfragable, d’interposition de personnes en ce qui concerne notamment les donations faites par un époux aux enfants de l’autre issus d’un autre mariage, s’appliquait en la cause ; que le moyen, en sa première branche, n’est pas fondé ;

Sur la seconde branche du même moyen :

Attendu qu’il est encore fait le même grief à l’arrêt, alors, selon le moyen, que le législateur ne peut édicter des dispositions rétroactives en matière civile qu’à la condition qu’un impérieux motif d’intérêt général le justifie et que soit ménagé un juste équilibre avec le droit au respect des biens tel qu’il est garanti par l’article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; qu’en l’espèce, à supposer même que l’abrogation de l’article 1100 du code civil par l’article 10 de la loi du 4 mars 2002 dût être tenue comme dotée d’un effet rétroactif, en considérant que ce texte était déclaré applicable aux instances en cours, il appartenait aux juges du fond de rechercher, comme ils y étaient invités (conclusions d’appel de M. G. P. déposées le 20 novembre 2012, p. 23-27), si cette application rétroactive pouvait se justifier par l’existence d’un impérieux motif d’intérêt général et si elle ménageait un juste équilibre avec le droit au respect des biens de M. G. P. en sa qualité d’héritier ; que faute d’avoir procédé à cette recherche, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 2 du code civil et 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ensemble l’article 10 de la loi n° 2002-305 du 4 mars 2002 ;

Mais attendu que le I de l’article 11 de la loi n° 2002-305 du 4 mars 2002, qui répond à d’impérieux motifs d’intérêt général, ménage un juste équilibre avec le droit au respect des biens de M. P. en sa qualité d’héritier dès lors qu’à supposer qu’elles excèdent la quotité disponible, les donations litigieuses seront en toute hypothèse réductibles à la mesure de son droit à la réserve, seul légalement garanti ; d’où il suit que la cour d’appel n’était pas tenue de procéder à une recherche inopérante  ;

Et sur le second moyen pris en ses deux branches :

Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt de surseoir à statuer sur le bien-fondé des demandes de réduction des libéralités formées par M. G. P. jusqu’à ce que le notaire chargé de procéder aux opérations de compte, liquidation et partage de la succession de J. P. ait calculé la quotité disponible et de dire qu’en vue du calcul de la quotité disponible, le notaire liquidateur prendrait en compte, au titre des donations consenties aux consorts J., la somme totale de 149 970,19 euros ainsi que la valeur, au 14 août 2000, des biens immobiliers situés à Aubergenville et à Châtillon à proportion des sommes investies dans leur acquisition, soit 121 959,21 euros pour le premier et 54 113,30 euros pour le second ;

Attendu qu’en sa première branche le moyen ne tend qu’à remettre en cause l’appréciation souveraine de la cour d’appel sur les éléments de preuve qui lui étaient soumis ; qu’en sa seconde il est irrecevable pour être contraire aux prétentions soutenues en cause d’appel par M. P. ; que le moyen ne peut donc être accueilli ;

Par ces motifs :

Rejette le pourvoi ;

Condamne M. P. aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mai deux mille quatorze.