Application de la prescription quinquennale de l’action en contestation de paternité
Vie familiale
| Lu 8138 fois | 0 réaction
Cass, Civ 1e, 6 juillet 2016, n° 15-19853
Attendu, selon l'arrêt attaqué
(Versailles, 19 mars 2015), que Daniel X...est né le 4 novembre 1950 d'Yvette
Y...et de Louis X..., décédé le 2 décembre 1976 ; que, par un testament
olographe du 7 juin 2002, René Z...a reconnu « son petit neveu », Daniel X...,
comme son fils et l'a institué légataire universel ; que ce testament a été
révoqué par un testament authentique reçu le 11 février 2009, dans lequel René
Z...instituait comme légataires son neveu, Bernard Z..., à hauteur de 60 %,
d'une part, Antoine X...et Julien X...(fils de Daniel X...), chacun à hauteur
de 20 %, d'autre part ; que René Z...est décédé le 11 septembre 2009 ;
qu'estimant être le fils biologique de ce dernier, Daniel X...a, le 24 novembre
2011, assigné sa mère ainsi que les autres ayants droit de Louis X...aux fins
de contestation de la paternité de celui-ci à son égard ; que, parallèlement,
il a fait assigner Bernard Z..., pris en sa qualité de légataire universel de
René Z..., ainsi que les autres légataires universels de ce dernier, aux fins
d'établissement de sa paternité à son égard ; que les deux instances ont été
jointes par le tribunal qui a déclaré l'action irrecevable comme prescrite ;
qu'après avoir relevé appel de ce jugement, Daniel X...est lui-même décédé en
cours d'instance, le 1er décembre 2014 ; que l'action a été reprise par ses
héritiers ;
Sur le moyen unique, pris en ses trois premières
branches, ci-après annexé :
Attendu que ces griefs ne sont manifestement pas
de nature à entraîner la cassation ;
Sur les trois dernières branches du moyen :
Attendu que MM. Antoine et Julien X...et Mme
Danièle A...veuve X...(les consorts X...) font grief à l'arrêt de constater
l'expiration du délai quinquennal d'exercice de l'action en contestation de
paternité et de déclarer cette action irrecevable alors, selon le moyen :
1°/ qu'en considérant, pour retenir que
l'application en l'espèce des règles de prescription ne portait pas atteinte au
droit au respect de la vie privée, que l'action reprise par les consorts X...ne
poursuivait qu'un intérêt patrimonial, après avoir pourtant constaté que MM.
Antoine et Julien X...étaient les fils de Daniel X..., ce dont il résultait que
l'impossibilité de faire établir, au travers de celle de leur père, leur
ascendance portait une atteinte directe à leur vie privée, la cour d'appel a
violé les articles 333 du code civil et 8 de la Convention de sauvegarde des
droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2°/ subsidiairement, qu'en considérant, pour
retenir que l'application en l'espèce des règles de prescription ne portait pas
atteinte au droit au respect de la vie privée, que l'ascendance de Mme Danièle
A..., veuve X...n'était pas en cause, quand la veuve dispose nécessairement
d'un intérêt personnel, relevant du respect de sa vie privée, à faire établir
la filiation de son défunt mari, la cour d'appel a violé les articles 333 du
code civil et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des
libertés fondamentales ;
3°/ et en tout état de cause, que toute personne
a droit au respect de sa vie privée et familiale ; que les règles qui
restreignent le droit d'une personne à voir établie sa filiation biologique
portent atteinte au respect dû à sa vie privée et familiale ; qu'en jugeant
pourtant que l'application des règles de prescription prévues par l'article 333
du code civil, qui enferment dans un délai de cinq ans à compter du jour où la
possession d'état a cessé l'action en contestation de paternité, préalable
nécessaire à l'action aux fins d'établissement de paternité, et qui font
obstacle à une telle action lorsque la possession d'état conforme au titre a
duré au moins cinq ans depuis la naissance ou la reconnaissance, ne portait pas
au droit au respect de la vie privée une atteinte justifiant d'écarter ces règles,
la cour d'appel a violé l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits
de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu, d'abord, que, si l'application
d'un délai de prescription ou de forclusion, limitant le droit d'une personne à
faire reconnaître son lien de filiation paternelle, constitue une ingérence
dans l'exercice du droit au respect de sa vie privée et familiale garanti à
l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des
libertés fondamentales, la fin de non-recevoir opposée aux consorts X...est
prévue à l'article 333 du code civil et poursuit un but légitime, en ce qu'elle
tend à protéger les droits et libertés des tiers ainsi que la sécurité
juridique ;
Attendu, ensuite, que la cour d'appel a constaté,
d'une part, que Daniel X..., dont la filiation paternelle était concernée,
était décédé au jour où elle statuait ; qu'elle a relevé, d'autre part, que ses
descendants ne soutenaient pas avoir subi, personnellement, une atteinte à leur
vie privée du fait de l'impossibilité d'établir, au travers de celle de leur
père, leur ascendance ; qu'après avoir retenu que cette considération était
sans objet s'agissant de sa veuve, dont l'ascendance n'était pas en cause, elle
en a déduit que l'action engagée par les consorts X...ne poursuivait qu'un
intérêt patrimonial ; qu'en l'état de ces énonciations, elle a pu décider que
l'application des règles prévues à l'article 333 du code civil ne portait pas
au droit au respect de leur vie privée une atteinte excessive au regard du but
légitime poursuivi, justifiant que ces règles fussent écartées et que l'action
fût déclarée recevable ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;