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Le respect d’un jugement étranger interdisant une sortie de territoire d’un parent avec son enfant

Publié par Caroline YADAN PESAH le 13/07/2015 - Dans le thème :

Vie familiale

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Cass. Civ. 1ère, 24 juin 2015, 14-14.909

Lorsqu’un jugement étranger interdit à un parent de sortir du territoire avec son enfant et que celui-ci viole cette interdiction, les juges du fond doivent, conformément à la Convention de la Haye du 25 octobre 1980, veiller à faire respecter ledit jugement.

En l’espèce, une ordonnance interdit à la mère de quitter le Mexique pendant la procédure de divorce. Faisant fi de cette interdiction, la mère quitte le Mexique et rejoint la France. Sur le fondement de la Convention de la Haye du 25 octobre 1980, ayant pour but d’organiser la coopération entre les pays en matière d’enlèvement international d’enfants, le père forme en France une demande de retour de la mère au Mexique. Il est débouté par la Cour d’appel, laquelle estime que la garde provisoire de l’enfant est confiée à la mère. La Cour de Cassation casse et annule cet arrêt, estimant qu’il viole les articles 3 et 5 de la Convention de la Haye.

« Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. X... et Mme Y..., qui se sont mariés le 19 avril 2008, ont eu une fille, Z..., née le 23 juin 2009 ; que, l'épouse ayant introduit une action en divorce pour faute, un juge mexicain a, par ordonnance du 20 septembre 2010, notamment, fixé, à titre temporaire, pendant la procédure de divorce, la résidence de l'enfant au domicile de la mère et accordé au père un droit de visite ; qu'à la demande de ce dernier, une juridiction a fait interdiction à Mme Y... de sortir sa fille du territoire mexicain jusqu'à l'issue de la procédure de divorce ; que, le 13 janvier 2012, elle a quitté le Mexique avec Z... pour rejoindre la France ; que, M. X... ayant formé une demande de retour de cette dernière, sur le fondement de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980, le procureur de la République a, le 27 septembre 2012, assigné Mme Y... devant un juge aux affaires familiales pour voir ordonner le retour de Z... au Mexique ;

Attendu que, pour rejeter cette demande, l'arrêt retient que la garde provisoire de l'enfant est confiée à la mère et que le père ne bénéficie que d'un droit de visite ;

Qu'en statuant ainsi, après avoir relevé que M. X... restait investi des attributs composant la « patria potestad » selon la loi étrangère compétente, que la mère avait été assujettie à une interdiction de sortie du territoire mexicain de l'enfant et que le déplacement avait été effectué au mépris du droit du père à participer à la fixation de la résidence de celle-ci, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 février 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans ;

Condamne Mme Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la SCP Delaporte, Briard et Trichet ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre juin deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. X...

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit n'y avoir lieu d'ordonner le retour de l'enfant Z..., Alice Y...-X...au Mexique et D'AVOIR débouté M. X... de l'intégralité de ses demandes ;

AUX MOTIFS QU'il est constant qu'avant le déplacement de l'enfant opéré le 12 janvier 2012 par sa mère du Mexique vers la France, la résidence habituelle de la fillette était fixée à Playa Del Carmen dans l'Etat de Quintana Roo (Mexique), là où vivaient séparément ses parents ; que sur requête en divorce déposée par Mme Y..., le juge aux affaires familiales du district judiciaire de Solidaridad (Quintana Roo) a, par ordonnance du 20 septembre 2010, confié la garde provisoire de la mineure Z... à sa mère Mme Y... et condamné M. X... à payer à celle-ci la somme mensuelle de 15 000 pesos au titre du devoir de secours entre époux ainsi que pour participer à l'entretien de l'enfant commun ; que suivant ordonnance rendue le 30 novembre 2010, il a été fait interdiction à Mme Y... par ce même magistrat de sortir sa fille du pays jusqu'à ce que la procédure de divorce soit résolue ; que pour être complet, il faut ajouter que M. X... bénéficiait sur sa fillette d'un droit de visite limité à deux fois deux heures par semaine ; que pour conclure à l'illicéité du déplacement de son enfant, l'appelant reprend son argumentation développée devant le premier juge et soutient que titulaire de la patria potestad qui est à rapprocher de l'autorité parentale française et dont il a conservé l'exercice conjoint avec la mère pendant la procédure de divorce au sens du droit civil de l'Etat de Quintana Roo, il a ainsi conservé la responsabilité partagée avec la mère de la détermination du lieu de résidence de l'enfant ; que la patria potestad dont il reste titulaire, doit s'analyser comme un droit de garde au sens de la Convention de La Haye et l'investit ainsi du droit de s'opposer à tout déplacement de son enfant, sauf accord conjoint des parents, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ; qu'il n'est pas discuté que M. X... reste investi des attributs composant la patria protestad et de l'exercice conjoint de ces attributs avec la mère, et il est ainsi inutile de faire référence aux articles 1018 à 1019 du code civil de Quintana Roo traitant de la perte, du retrait et de la suspension de cette patria potestad ; qu'il n'empêche que la garde de l'enfant constitue un attribut essentiel de la patria potestad et a été attribuée judiciairement à la mère pour le temps de la procédure de divorce ; que M. X..., s'il reste investi des autres attributs, est en conséquence temporairement privé de celui-ci et doit se satisfaire d'un simple droit de visite restreint ; que cette analyse du droit de garde qui ne se confond pas avec la patria potestad, ensemble des droits et obligations dont les parents sont débiteurs et comptables envers leurs enfants apparait conforme aux dispositions de l'article 883 bis du code civil de Quintana Roo qui énonce notamment que quand l'ascendant qui conserve la garde, change de domicile, celui-ci a l'obligation d'informer le juge et celui qui n'exerce pas la garde, des coordonnées du nouveau domicile et du nouveau numéro de téléphone afin de maintenir la communication entre le mineur et l'ascendant qui n'exerce pas la garde ; que cette distinction des deux notions dont l'appelant poursuit l'amalgame pour les besoins de sa démonstration se retrouve encore dans les dispositions de l'article 994 bis du code civil pour l'Etat de Quintana Roo qui énonce que les parents ou à défaut de ceux-ci, ceux qui exercent l'autorité parentale ou la garde provisionnelle ou définitive d'une personne mineure, indépendamment qu'ils résident ou pas dans le même domicile, doivent respecter aux obligations suivantes d'éducation ; qu'il est vrai qu'à l'initiative de M. X... qui déduit sa qualité de parent gardien de sa possibilité judiciaire de s'opposer au départ de son enfant du Mexique, il a été fait interdiction à la mère de faire quitter le Mexique à sa fille ; qu'il faut cependant constater, d'une part que cette procédure ayant abouti au prononcé de cette interdiction a été diligentée dans des conditions de loyauté et de contradiction que l'intimée dénonce d'autre part que cette action judiciaire à laquelle il a été donnée une suite favorable ne fait que manifester l'intérêt à agir du père qui a qualité pour le faire à ce simple titre mais pas au titre de la garde effective de son enfant dont il ne dispose pas ; qu'il convient en conséquence et en l'absence d'un droit de garde dont M. X... ne peut se prévaloir au sens du droit civil de Quintana Roo et par conséquent au sens de la Convention de La Haye, de confirmer l'ordonnance entreprise sauf à rectifier le dispositif de celle-ci en ce sens qu'il y a lieu de dire n'y avoir lieu d'ordonner le retour de l'enfant Z..., Alice, Y... X... au Mexique et non aux USA ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QU'en vertu d'une décision rendue le 20 septembre 2010 par le tribunal de grande instance en matière d'affaires familiales du district de Solidaridad, Quintana Roo, conformément aux dispsoitions de l'article 1022 du code civil en vigueur dans cet Etat, la garde provisoire de l'enfant a été attribuée à la mère exerçant conjointement l'autorité parentale ; que cette décision doit être considérée comme la seule en vigueur au moment du déplacement, dans la mesure où la convention déposée pour signature par les parties le 18 octobre 2010 n'a pas été homologuée par la justice mexicaine ; que ceci étant, et en premier lieu, il ne s'agit pas en l'espèce de faire application de la décision provisoire mexicaine, mais simplement de déterminer si le père était bénéficiaire d'un droit de garde au sens de l'Etat de la résidence habituelle de l'enfant, le déplacement étant considéré comme illicite lorsqu'il y a eu violation du droit de garde attribué à un parent par le droit de l'Etat dans lequel l'enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ; que l'article 3 de la Convention implique l'application des règles de droit international privé de l'Etat de résidence habituelle de l'enfant ; que le Mexique étant composé d'unité territoriales distinctes, il convient d'appliquer l'article 31 et de rechercher la teneur des règles de droit international privé de l'unité territoriale de Quintana Roo où l'enfant avait sa résidence habituelle et donc, de déterminer si, en application du droit de Quintana Roo le père avait un droit de garde au moment du non-retour le cadre législatif de chaque Etat étant en grande partie fondé sur le code civil fédéral ; que la législation fédérale et les articles 994, 997, 1022 et 1024 bis du code civil de Quintana Roo opèrent une distinction entre l'autorité parentale et la garde, envoyant aux soins prodigués à l'enfant mineur, et celui qui assume cette obligation a droit à une pension alimentaire versée par l'autre parent ; qu'en second lieu, afin de déterminer si le père bénéficiait d'un droit de garde, il ne suffit pas d'interroger la loi mexicaine dans ses dispositions applicables, mais il faut également les interpréter à la lumière des objectifs de la Convention, et se demander si le droit de « patria potestats » du père équivaut à un droit de garde au sens de la Convention ; qu'ainsi, au sens de l'article 5 b de la Convention, le droit de garde comprend le droit portant sur les soins de la personne de l'enfant, et en particulier celui de décider de son lieu de résidence ; que le droit de visite comprend le droit d'emmener l'enfant pour une période limitée dans un lieu autre que celui de sa résidence habituelle ; qu'il en résulte, tant dans ses dispositions que dans les objectifs poursuivis et la jurisprudence qui s'est développée dans les différents pays signataires, la Convention fait clairement la différence entre le droit de garde et le droit de visite prévoyant deux fondements différents pour exercer ces droits ; que cette différence entre droit de visite et droit de garde est essentielle dans la mesure où une décision de retour ne pourra être rendue qu'en cas de violation du droit de garde ; que si le droit de « patria potestats » se distingue d'un simple droit de visite, il n'est toutefois pas démontré au vu des pièces produites par le Ministère public, partie demanderesse, et Monsieur X..., partie intervenante sollicitant le retour de l'enfant, que les deux parents exerçant ce droit devaient donner leur consentement à tout déplacement de l'enfant à l'étranger selon le droit mexicain, et que M. X... serait bénéficiaire du droit de garde au sens de la convention ; qu'il est incontestable que Monsieur X... est bénéficiaire par décision judiciaire d'un droit de visite à l'égard de Z..., ce qui s'interprète à l'évidence comme l'équivalent d'un droit de visite au sens de la Convention ; qu'il est de jurisprudence constante parmi les Etats contractants que le parent titulaire du droit de garde a positivement le droit de choisir le pays, la ville et l'endroit exact où l'enfant va vivre, et que le droit pour un parent bénéficiaire d'un droit de visite de s'opposer à ce que l'enfant quitte le territoire national constitue le droit de garde au sens de la Convention ; qu'en revanche, quand un parent n'a pas un droit de veto sur le déplacement d'un enfant hors de son Etat de résidence habituelle mais peut seulement demander à un tribunal d'empêcher un tel déplacement, il a été considéré par plusieurs juridictions que cela n'était pas suffisant pour constituer un droit de garde au sens de la Convention ; qu'il s'avère, au vu des pièces produites, que Monsieur X... a sollicité et obtenu, par décision rendue le 30 novembre 2010 par le tribunal familial de première instance du district judicaire de Solidaridad, Quintana Roo, le prononcé d'une interdiction faite à Madame Y... de faire sortir l'enfant du territoire national ne s'analysant en aucun cas en un droit de veto mais seulement en un droit de demander au Tribunal d'empêcher tout déplacement ; que les pièces versées aux débats apparaissent, en l'état, insuffisamment probantes pour établir que Monsieur X... serait bénéficiaire d'un droit de garde au sens de la Convention sur le fondement de la notion mexicaine de « Patria potestats » ; qu'il n'est ainsi pas démontré en l'espèce que Monsieur X... était bénéficiaire d'un droit portant sur les soins et la personne de l'enfant, et lui permettant de décider de son lieu de résidence ;

1°) ALORS QU'aux termes de l'article 3 de la convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants, le déplacement ou le non-retour d'un enfant est illicite lorsqu'il y a eu violation d'un droit de garde, attribué à une personne, seul ou conjointement, par le droit de l'Etat dans lequel l'enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non-retour et que ce droit était exercé de façon effective seul ou conjointement, au moment du déplacement ou du non-retour, ou l'eût été si tels évènements n'étaient survenus ; que selon l'article 5 de la Convention, le « droit de garde » comprend le droit portant sur les soins de la personne de l'enfant et en particulier celui de décider de son lieu de résidence ; que constitue un droit de garde au sens de ces dispositions la « patria potestad » définie par l'article 991 du code civil du Territoire de Quintana Roo comme l'ensemble des droits et obligations reconnus et octroyés par la loi aux parents et grands-parents dans une relation à leurs enfants ou leurs petits-enfants pour s'en occuper, pour les protéger et pour les élever en leur procurant à chaque instant un climat de respect, ainsi que leurs biens ; qu'en disant n'y avoir lieu d'ordonner le retour de Z... Y...-X...au Mexique et débouter M. X... de l'ensemble de ses demandes après avoir pourtant constaté qu'avant le déplacement de l'enfant, la résidence habituelle de la fillette était fixée au Mexique dans l'Etat de Quintana Roo, que la garde provisoire de Z... avait été confiée à sa mère, que le père, bénéficiant d'un droit de visite sur sa fille, restait investi des attributs composant la " patria potestad " et de l'exercice conjoint de ces attributs avec la mère et que par une ordonnance rendue le 30 novembre 2010, le juge aux affaires familiales mexicain avait sur la demande du père fait interdiction à la mère de sortir l'enfant du pays jusqu'à la résolution de la procédure de divorce, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

2°) ALORS QUE l'article 15 de la Convention de la Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants prévoit que les autorités judiciaires ou administratives d'un Etat contractant peuvent, avant d'ordonner le retour de l'enfant, demander la production par le demandeur d'une décision ou d'une attestation émanant des autorités de l'Etat de la résidence habituelle de l'enfant constatant que le déplacement ou le non-retour était illicite au sens de l'article 3 de la Convention, dans la mesure où cette décision ou cette attestation peut être obtenue dans cet Etat ; que les autorités centrales des Etats contractants assistent dans la mesure du possible le demandeur pour obtenir une telle décision ou attestation ; que dans ses conclusions d'appel, M. X... a fait valoir que par un courrier daté du 9 juillet 2012 adressé aux autorités françaises, l'autorité centrale mexicaine, sollicitée sur le fondement de l'article 15 de la Convention de La Haye, a indiqué que le maintien de Z... en France était « illicite au sens de l'article 3 de la convention » ; que M. X... a encore fait valoir que cette position a été confirmée par les autorités mexicaines qui, par un courrier daté du 4 janvier 2013 adressé à l'autorité centrale française, ont conclu que « en vertu que la mère n'a pas obtenu l'autorisation du père ou d'un juge mexicain de changer sa résidence, le déplacement est illicite au sens de la Convention parce que s'est passé en violation d'un droit de garde attribué conjointement aux deux parents par le droit de l'Etat dans lequel l'enfant avait sa résidence habituelle (Mexique) » ; qu'en s'abstenant de répondre à ces chef pertinents des conclusions de M. X... et d'examiner les attestations de l'autorité centrale mexicaine régulièrement versées aux débats (pièce n° 104 du bordereau de communication de pièces de M. X... : production), la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE la violation d'une décision judiciaire interdisant au parent à qui a été confiée la garde provisoire de l'enfant de quitter le territoire avec celui-ci jusqu'à la résolution de la procédure de divorce constitue un déplacement illicite au sens de l'article 3 de la Convention ; qu'en déboutant M. X... de ses demandes après avoir pourtant constaté qu'aucune décision sur la garde définitive de l'enfant n'avait été prise par les juridictions mexicaines et qu'à la demande du père, le juge aux affaires familiales du district de Solidaridad, par une ordonnance datée du 30 novembre 2010, a fait interdiction à Mme Y... de sortir sa fille du pays jusqu'à ce que la procédure de divorce soit résolue, la cour d'appel a violé les articles 3, 5 et 21 de la Convention du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants. »


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