Quand l'audition de l'enfant est le principe.
Vie familiale
| Lu 8318 fois | 0 réactionL'audition de l'enfant par le juge aux affaires familiales est un droit pour l'enfant qui en fait la demande.
Seul son absence de discernement ou le motif qui le rend étranger au procès peuvent fonder son refus d'audition.
C'est ce que la première chambre civile de la cour de cassation a rappelé dans un arrêt du 18 mars 2015.
I- Les principes applicables à l'audition de l'enfant en justice
A) la Convention Internationale des Droits de l'Enfant, adoptée le 20 novembre 1989 par l’ON
Elle s'applique pour toute décision rendue au mépris de la demande et des droits fondamentaux de l’enfant ( notion d ‘intérêt supérieur de l’enfant).
Article 3.1 de la CIDE
Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles
soient le fait des institutions publiques ou privées de protection
sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes
législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération
primordiale.
Article 12 de la CIDE 1
Les États parties garantissent à l'enfant qui est capable de discernement le droit d'exprimer librement son opinion sur toute question l'intéressant, les opinions de l'enfant étant dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité.)
B) Le droit national
1°) code civil
L'article 388-1 du code civil dispose que:
« Dans toute procédure le concernant, le mineur capable de
discernement peut, sans préjudice des dispositions prévoyant son
intervention ou son consentement, être entendu par le juge ou, lorsque
son intérêt le commande, par la personne désignée par le juge à cet
effet.
Cette audition est de droit lorsque le mineur en fait la demande.
Lorsque le mineur refuse d'être entendu, le juge apprécie le bien-fondé
de ce refus. Il peut être entendu seul, avec un avocat ou une personne
de son choix. Si ce choix n'apparaît pas conforme à l'intérêt du mineur,
le juge peut procéder à la désignation d'une autre personne.
L'audition du mineur ne lui confère pas la qualité de partie à la procédure.
Le juge s'assure que le mineur a été informé de son droit à être entendu et à être assisté par un avocat »
2°- code de procédure civile
L'article 338-2 du code de procédure civil prévoit que:
La demande d'audition est présentée sans forme au juge par le mineur lui-même ou par les parties. Elle peut l'être en tout état de la procédure et même pour la première fois en cause d'appel. Un des parents ou même l'enfant lui même peut faire cette demande.
"Lorsque la demande est formée par le mineur, le refus d'audition
ne peut être fondé que sur son absence de discernement ou sur le fait
que la procédure ne le concerne pas.
Lorsque la demande est formée par les parties, l'audition peut également
être refusée si le juge ne l'estime pas nécessaire à la solution du
litige ou si elle lui paraît contraire à l'intérêt de l'enfant mineur.
Le mineur et les parties sont avisés du refus par tout moyen. Dans tous
les cas, les motifs du refus sont mentionnés dans la décision au fond."
C) La jurisprudence
La demande d'audition peut être présentée en tout état de la procédure et même, pour la première fois, en cause d'appel.
1ère Civ 15 avril 2010, N° de pourvoi: 09-14939 fait rappel du principe de ce que l’audition par le jaf est de droit lorsque l'enfant en fait la demande.
1 ere Civ, 24 octobre 2012, N° de pourvoi 11-18.849,statue au visa des articles 388-1 du code civil, et 338-2 du code de procédure civile ;
"selon le premier de ces textes, que, dans toute procédure le concernant, le mineur capable de discernement peut être entendu par le juge, que cette audition est de droit lorsqu'il en fait la demande" et, "selon le second, que sa demande d'audition peut être présentée en tout état de la procédure et même, pour la première fois, en cause d'appel".
C) Analyse et rappel des principes
Le JAF DOIT auditionner l'enfant qui en fait la demande par tous moyens.
1°- la demande d'audition est de droit, lorsque l'enfant est capable de discernement.
Le juge ne pourra s'y opposer qu'en motivant son refus.
C'est ce que rappelle 1 ere Civ, 18 mars 2015 N° de pourvoi: 14-11392 au visa des les articles 388-1 du code civil et 338-4 du code de procédure civile.
"Attendu que, pour rejeter la demande d'audition présentée par
l'enfant, l'arrêt retient, d'une part, que celui-ci n'est âgé que de
neuf ans et n'est donc pas capable de discernement, d'autre part, que la
demande paraît contraire à son intérêt ;
Qu'en se déterminant ainsi, en se bornant à se référer à l'âge du
mineur, sans expliquer en quoi celui-ci n'était pas capable de
discernement, et par un motif impropre à justifier le refus d'audition,
la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;"
2°- Le juge est souverain pour apprécier le discernement
Cependant la notion de mineur capable de discernement permets au Juge
de refuser une demande d'audition émanant d'un enfant top jeune ou trop
immature ; l'Avocat de l'enfant joue ici un rôle de filtre, et se doit
de refuser de solliciter l'audition d'un enfant trop jeune ou trop
immature, ou d'un enfant qui ne désire pas être entendu.
3°) Le principe du contradictoire impose que tout ce qui est dit par
l’enfant au magistrat soit porté à la connaissance des parents et des
personnes impliquées dans la procédure.
L’enfant est avisé de ce que rien ne restera secret, ce qui suppose que
en tant que parents le cas échéant, vous connaîtrez sa position.
Libre à lui de parler ou non.
L’objectif de l’audition est de recueillir les explications de l’enfant
et de lui permettre de s’informer de sa situation personnelle afin de
prendre les mesures.
4°) Le juge n’est pas tenu de suivre son avis…
A cet effet, l'audition sera réalisée hors la présence des parents, mais
les parents ont droit à une audience de « restitution de la parole de
leur enfant », où le Juge aux Affaires Familiales va expliquer
assistés de leurs Avocats respectifs les propos tenus par l'enfant et
les commentaires éventuels qu'ils inspirent au magistrat.
II Présentation de 1 ere Civ, 18 mars 2015 pourvoi N° 14-11392
Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :
Vu les articles 388-1 du code civil et 338-4 du code de procédure civile ;
Attendu qu'il résulte de ces textes que, lorsque la demande est formée
par le mineur, le refus d'audition ne peut être fondé que sur son
absence de discernement ou sur le fait que la procédure ne le concerne
pas ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'un juge aux affaires familiales a
fixé la résidence de l'enfant Joshua X..., né le 16 novembre 2003, chez
sa mère et aménagé le droit de visite et d'hébergement du père,
l'exercice de l'autorité parentale étant conjoint ;
Attendu que, pour rejeter la demande d'audition présentée par l'enfant,
l'arrêt retient, d'une part, que celui-ci n'est âgé que de neuf ans et
n'est donc pas capable de discernement, d'autre part, que la demande
paraît contraire à son intérêt ;
Qu'en se déterminant ainsi, en se bornant à se référer à l'âge du
mineur, sans expliquer en quoi celui-ci n'était pas capable de
discernement, et par un motif impropre à justifier le refus d'audition,
la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 mai
2013, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de la
Réunion ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où
elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les
renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, autrement
composée ;
Demeurant à votre disposition pour toutes précisions.
Maître HADDAD Sabine