Cabinet : CAROLINE YADAN PESAH
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Un couple homosexuel non marié peut-il adopter ?
Vie familiale
| Lu 8262 fois | 0 réactionA la suite de vifs débats, la loi du 17 mai 2013 (n°2013-404) autorisait le mariage entre couples de même sexe. En tant que couples mariés, ils obtenaient ainsi également le droit à l’adoption. Mais qu’en est-il alors des couples de même sexe non mariés ?
Pas de différence entre un couple hétéro et un couple de même sexe non mariés
La différence de traitement entre un couple marié et un couple non marié n’est pas juridiquement aberrant. Le mariage ouvre des droits particuliers, ce qui signifie qu’on ne puisse pas comparer un couple marié à un couple non marié ainsi que le reconnaissait notamment la Cour européenne des droits de l’Homme dans son arrêt Gas et Dubois c. France du 15 mars 2012 (n°25951/07).
Ainsi donc, selon cette jurisprudence, il conviendrait d’analyser les droits d’un couple hétérosexuel non marié en matière d’adoption pour répondre à la question posée. Or, en France, l’adoption plénière d’un enfant est ouverte aux couples mariés ou… aux célibataires ! Si un couple non marié souhaite adopter, l’adoption se fera uniquement au nom de l’un des deux parents et il n’y aura aucun lien de filiation entre le conjoint et l’enfant adopté. Cette règle s’applique indifféremment aux couples hétérosexuels et aux couples homosexuels.
La disparition progressive du critère de mariage dans l’établissement de la filiation
Malgré tout, on remarque que la question de la filiation se dissocie de plus en plus de la question du mariage. Ainsi, avant même que la loi du 17 mai 2013 ne soit adoptée, dans un arrêt de sa première chambre civile du 7 juin 2012, la Cour reconnaissait que le mariage n’était pas une condition essentielle à l’adoption. En l’espèce, deux couples homosexuels, respectivement franco-canadien et franco-anglais, avaient obtenu des jugements d’adoption les reconnaissant comme parents de leurs enfants respectifs, respectivement au Canada et au Royaume-Uni. Si la Cour rejetait leur demande d’exequatur de ces jugements, c'est-à-dire de la transcription à l’état civil français de la filiation avec leurs enfants respectifs, elle soulignait toutefois que ce refus n’était en aucun cas motivé par le fait que lesdits couples n’étaient pas mariés car la condition de mariage dans une procédure d’adoption n’est pas un principe fondamental du droit français. Ainsi donc, la Cour reconnaît que le mariage n’est pas une condition essentielle dans l’établissement de la filiation.
L’importance croissante de l’intérêt supérieur de l’enfant
Plus récemment encore, un arrêt très commenté (Mennesson c. France, 26 juin 2014, n°65192/11), la Cour européenne des droits de l’homme condamnait la France pour avoir refusé de transcrire à l’état civil des enfants issus de GPA. En l’espèce, les couples étaient mariés et hétérosexuels mais la solution de la Cour reste symptomatique de l’évolution en cours. En effet, la Cour n’a pas retenu la violation du droit à la vie privée et familiale des parents, estimant que le but recherché était légitime et les moyens employés proportionnés à l’égard des parents. Elle a néanmoins retenu la violation du droit à la vie privée et familiale des enfants, lesquels se voyaient nier une partie de leur identité et de leurs droits (du point de vue de l’héritage notamment). Ici, la Cour privilégie donc avant tout l’équilibre et l’intérêt de l’enfant qui, quand bien même les parents auraient employé des méthodes manifestement illégales, prévaut.
De la même façon, dans X. et autres c. Autriche du 19 février 2013 (requête n° 19010/07), la Cour reprochait à l’Autriche de n’avoir pas pris en compte l’intérêt supérieur de l’enfant en refusant à la compagne de sa mère la coparentalité. En l’espèce, la coparentalité permettait de stabiliser la situation de cet enfant qui vivait « comme une famille » avec les deux femmes.
A la suite des rappels à l’ordre de la CEDH, la Cour de Cassation finissait par se conformer à ces décisions et rendait le 23 septembre 2013 deux avis favorables à la transcription à l’état civil de la filiation d’un enfant obtenu par un couple de femmes homosexuelles par le biais d’une PMA pourtant illégale. La Cour soulignait ainsi l’intérêt supérieur de l’enfant, auquel une incertitude juridique aurait porté atteinte. Gageons donc que la situation tendra de plus en plus vers la possibilité pour les couples d’adopter, indifféremment de leur orientation sexuelle et de leur statut marital, tant que l’intérêt supérieur de l’enfant le commandera.