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Dossier de synthèse
Quelles sont les sanctions du harcèlement moral au travail ?
Sommaire (cacher le sommaire)
1. La sanction civile du harcèlement moral au travail
1. 1. La responsabilité civile peut-elle être engagée en cas de faits de harcèlement moral ?
Les différentes sanctions consistent tout d'abord à engager la responsabilité de l'employeur ou du salarié auteur des faits de harcèlement moral. La responsabilité de l'employeur peut être engagée de son fait personnel ou du fait d'autrui. Nous envisagerons également la nullité des mesures patronales lorsque celles-ci sont prononcées dans la cadre d'un harcèlement moral et visent à sanctionner un salarié victime.
Le fait de retenir la responsabilité de l'employeur au titre de son obligation de sécurité n'exclut pas l'engagement de la responsabilité du salarié auteur du harcèlement moral.
Cette solution ressort de l'arrêt de la Chambre sociale de la Cour de cassation rendu le 21 juin 2006 (n°05-43914) qui énonce qu' « engage sa responsabilité personnelle à l'égard de ses subordonnés le salarié qui leur fait subir intentionnellement des agissements répétés de harcèlement moral »
En l'espèce, « le directeur de l'association, M. X..., avait sciemment harcelé moralement, au sens de l'article L. 122-49 du code du travail, des salariés qui lui étaient subordonnés, c'est à bon droit que la cour d'appel l'a condamné à leur verser des dommages-intérêts »
Toute la question était de savoir si le harcèlement moral commis par un salarié de l'entreprise permettait d'engager sa responsabilité personnelle à l'égard de(s) victime(s), collègues de travail. Le harcèlement moral ne remplit pas tous les critères de la faute personnelle qui sont liés à la gravité et à l'extériorité de l'acte dommageable par rapport aux fonctions.
Effectivement, si le harcèlement moral qui se caractérise par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité d'un salarié, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, constitue un acte d'une extrême gravité, il se dissocie mal de l'exécution d'un contrat de travail. Cependant le harcèlement moral porte atteinte au principe du droit à la dignité des salariés garanti par l'article 26-2 de la charte sociale européenne, aux droits de la personne protégés par l'article L 1121-1 du Code du travail et constitue un délit pénal réprimé par l'article 222-33-2 du Code pénal. De même, l'auteur des faits agit volontairement et ne peut ignorer les dangers qu'il fait courir à ses victimes.
Ces considérations expliquent que la Cour de cassation ait retenu, en ce cas, la responsabilité personnelle de l'intéressé, alors même qu'il a agi dans le cadre de ses fonctions, avec les moyens de l'entreprise, que les victimes ne sont pas étrangères à celle-ci et qu'aucune condamnation morale n'a été prononcée.
Un arrêt du Conseil d'Etat du 23 juillet 2010 a précisé que les qualités et compétences professionnelles d'un salarié, présumé harceleur, ne peuvent en aucun cas écarter sa responsabilité en cas de harcèlement moral avéré.
Ainsi, pour les juges, ce n'est pas parce que l'auteur de harcèlement moral invoque de bons résultats professionnels qu'il peut harceler une partie du personnel. Ses compétences professionnelles sont « dépourvues de tout lien avec le grief de harcèlement moral ».
Concernant la responsabilité civile de l'employeur, il existe deux fondements, la responsabilité personnelle de l'employeur et la responsabilité du fait d'autrui (du fait d'un de ses salariés).
Dans l'hypothèse d'un fait commis par un salarié placé sous la subordination de l'employeur, il semble que ce soit alors la responsabilité délictuelle du fait d'autrui qui se trouve engagée.
Cette approche permet à la victime de harcèlement moral de se retourner à la fois contre l'auteur des faits mais également contre l'employeur.
Le principe est posé à l'article 1384 alinéa 1 du Code Civil: « On est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde. »
Longtemps, les juges ont considéré que cet alinéa posait un principe général de responsabilité du fait des choses mais non un principe général de responsabilité du fait d'autrui.
Depuis l'arrêt BLIECK de l'Assemblée Plénière de la Cour de Cassation en date du 29 mars 1991, cette incertitude est écartée. Désormais, cette responsabilité de plein droit s'applique à celle ou celui ayant pour mission d'organiser, de diriger et de contrôler l'activité d'autrui. Cela renvoie bien évidemment à la personne de l'employeur.
Aujourd'hui, il semble que cette responsabilité du fait d'autrui s'applique de façon restrictive. En effet, les juges l'admettent mais seulement dans des cas précis liés, principalement, à l'état mental ou physique du responsable du grief. Pour cette raison, il est vivement conseillé à la victime de fonder son action sur la responsabilité spéciale du fait d'autrui inscrite à l'alinéa 5 du même article. (« Les maîtres et les commettants, du dommage causé par leurs domestiques et préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés ») plutôt que sur l'alinéa 1.
Au regard des conditions nécessaires à la mise en uvre de cette responsabilité, il faut en premier lieu un lien de « subordination » entre le commettant et le préposé. Le commettant doit, effectivement, diriger et contrôler l'activité du préposé, ce dernier devant collaborer à la réalisation de ce travail. En second lieu, le salarié doit avoir commis un acte prohibé en lien avec ses fonctions et ayant pour conséquence un préjudice causé à autrui.
Concernant le harcèlement moral, le problème est que le fait illicite commis par le préposé n'est pas nécessairement en rapport avec son activité ou ses fonctions. N'est-ce pas davantage un abus dans l'exercice de sa mission ?
La question se pose dans la pratique car un salarié qui harcèle un collègue peut exercer des pressions sur cet autre salarié de l'entreprise sans que cela soit justifié par son poste ou sa place dans la hiérarchie. Il se peut, en effet, que la raison de ce comportement soit étrangère au travail, que ce soit lié au caractère de cette personne, au fait que l'auteur des faits ne supporte pas l'individu en cause.
Si l'abus de fonctions est caractérisé, la responsabilité de l'employeur ne peut être engagée. Reste à prouver cet abus ce qui n'est pas toujours évident, celui-ci étant établi par la réunion de trois conditions cumulatives (AP, 19 mai 1988 n° 87-82654). L'employeur s'exonère de sa responsabilité à la triple condition que son préposé ait agi hors des fonctions auxquelles il était employé, sans autorisation, et à des fins étrangères à ses attributions.
Selon l'article 1382 du Code civil « Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »
La responsabilité délictuelle suppose une faute, un préjudice et un lien de causalité. Le responsable doit réparer le dommage qu'il a causé.
S'agissant du harcèlement moral, le préjudice semble évident, la victime subit une dégradation de ses conditions de travail. Elle connaît également une altération de sa santé mentale ou physique, résultat d'un acharnement sur sa personne.
Toutefois, la question qui se pose est celle de savoir en quoi l'employeur est responsable de tels actes commis par un salarié et non par lui personnellement. La raison de ce possible engagement de sa responsabilité semble être une inattention, une imprévoyance.
Ce qui est reproché à l'employeur c'est une négligence dans ses rapports avec ses salariés. Il aurait dû faire cesser ce comportement fautif, cela sous-entend de toute évidence qu'il est censé se tenir au courant de ce qui se passe dans ses locaux.
Il doit avoir connaissance des moindres faits de ses subordonnés s'il ne souhaite voir sa responsabilité engagée pour négligence ou imprudence. (Cf. Article 1383 du Code Civil: « Chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence. »)
La responsabilité civile de l'employeur peut également être engagée sur le fondement contractuel, c'est-à-dire du fait qu'un contrat de travail lie celui-ci au salarié.
L'article 1134 du Code Civil pose le principe selon lequel les conventions légalement formées « doivent être exécutées de bonne foi ». Ce principe s'applique au contrat de travail, celui-ci étant soumis aux règles du droit commun en vertu de l'article L 1221-1 du Code du travail.
Il en résulte que le salarié peut agir contre son employeur en inexécution contractuelle concernant les obligations découlant du contrat de travail et de la qualité de l'employeur dont le rôle est de veiller au respect de ces règles et obligations.
Sur la base des toutes ces dispositions du Code du travail, le salarié victime peut donc mettre en cause l'employeur si celui-ci manque à ses obligations. La responsabilité contractuelle de l'employeur sera alors engagée et le salarié se verra indemniser.
La Cour de cassation relève dans un arrêt du 1er mars 2011 que le tiers désigné comme l'auteur des faits de harcèlement moral qui était chargé par l'employeur de mettre en place de nouveaux outils de gestion, devait former la responsable du restaurant et son équipe et pouvait dès lors exercer une autorité de fait sur les salariés. Ainsi en matière de harcèlement moral, l'employeur doit également répondre des agissements des personnes qui exercent, de fait ou de droit, une autorité sur les salariés, l'absence de faute de sa part ne pouvant l'exonérer de sa responsabilité.
Le comportement de l'intéressé peut être pris en compte pour apprécier la réalité du harcèlement mais non pour limiter le droit à indemnisation de l'agent si le harcèlement est vraiment caractérisé. (Conseil d'Etat, 11 juillet 2011).
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Très clair.
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Modifié le 23/04/2012 à 08:52:27
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